La crise sociale et politique, née de la contestation populaire menée par le mouvement des "gilets jaunes", a engendré une autre crise celle des médias rendus coupables de s'être, pour les Français en colère, trop rapprochés de la position du gouvernement. Depuis le début de la mobilisation des "gilets jaunes", le 17 novembre dernier, le mouvement a investi les réseaux sociaux avec comme leitmotiv "Manifester, filmer et poster" pour donner une "perception participative et collective" à leur mouvement qui a totalement divorcé avec les médias classiques. A la faveur du changement de Facebook, il y a un an, de son algorithme qui favorise le tri des fils d'actualité, le mouvement des "gilets jaunes" a saisi l'opportunité offerte pour valoriser ses informations, vidéos et posts. De l'avis de nombreux analystes, le mouvement, né aussi des réseaux sociaux, a tiré toute sa force en exploitant leur pouvoir afin de présenter une information alternative où l'image (vidéo) s'impose impérialement devant celles qui sont transmises par les médias classiques, notamment les chaînes d'information en continu. Ces réseaux sociaux ont même joué le rôle de communication pour les mobilisations du mouvement à travers toute la France où des groupes ont été constitués sur Facebook et Twitter et parfois même ils ont été verrouillés pour éviter des intrusions malintentionnées. La bataille médiatique s'est, en quelque sorte, mue vers le terrain des réseaux sociaux qui n'ont pas manqué, a-t-on constaté, d'être affectés par les "fake news", un autre combat dans lequel toutes les parties concernées (gouvernement, police, institutions, "gilets jaunes", sont engagées. Pour sa part, le professeur en information-communication à l'Institut français de presse (IFP), Arnaud Mercier, a écrit dans une contribution au site The Conversation que "l'usage des réseaux socionumériques est particulièrement en phase avec ces évolutions sociales et politiques, où la participation politique est de plus en plus souvent associée à un contenu expressif personnel, à une souffrance, une indignation, qu'on éprouve le besoin de partager avec d'autres pour être reconnu socialement". Ainsi, a-t-il dit, "c'est d'une pétition en ligne que le mouvement est parti. Elle a permis à des centaines de milliers de personnes de se rendre compte qu'ils partageaient le même rejet de la hausse des carburants car cela les étranglait tous financièrement". Par ailleurs, la société Metricool, qui propose des outils de mesure et d'analyse de données issues des médias sociaux, a indiqué que le nombre de publications associées aux "gilets jaunes" ne cesse de s'accroître. Les pics d'activité, a-t-elle ajouté, interviennent généralement les week-end de mobilisation, faisant remarquer que l'activité sur les réseaux sociaux commence à s'étendre à d'autres pays européens.