Le mouvement, né sur les réseaux sociaux avant des'emparer de l'espace public,constitue un tournant dans lesmodes de mobilisation. Le mouvement, né sur les réseaux sociaux avant des'emparer de l'espace public,constitue un tournant dans lesmodes de mobilisation. "Comment des groupes Facebookont déclenché une crise en France?" La question qui taraude nombred'observateurs devant un mouvementqui échappe aux formes classiquesd'organisation était poséemardi par The Verge, magazine enligne qui ausculte les nouveauxusages de l'information. Exagéré ?De fait, c'est sur les réseauxsociaux, et le principal d'entre eux(38 millions d'usagers actifs mensuels revendiqués), qu'a percolé lacolère des Gilets jaunes, avant dedevenir un canal d'information.C'est là que, après la pétition lancéeen mai par Priscilla Ludosky, sesont multipliés depuis le mois denovembre les appels à mobilisation. La "très faible occurrence du vocabulaire raciste " Difficile d'estimer le nombre de groupes ou de pages liés aux giletsjaunes. La page "compteur officielde Gilets jaunes", compte néanmoins1,7 million de membres. Frédéric Filloux, en observateur rappelle que, en France, 63 % des usagers d'Internet sont sur Facebook. La couverture du réseau cellulaire leur permet live, selfies, vidéos, alimentant toute la palette des sentiments : colère, humour… jusqu'au complot. Pour Fabric Epelboin, professeur à Sciences-Po et spécialiste des médias sociaux, "Facebook permet d'avoir une forme d'infrastructure sociale. Le réseau est, pour le peuple, un outil de proximité". Les dynamiques à l'oeuvre ne sont pas loin de rappeler celles qui ont accompagné les printemps arabes. Sans leader politique, mais pas sans leaders d'opinion, le mouvement a trouvé dans le réseau social des influenceurs, tels Maxime Nicolle (plus de100.000 followers), rompu à desFacebook live, ces "directs videos»où il peut se montrer incohérent ou complotiste sans que cela gêne outre mesure ses spectateurs. Pour beaucoup, qu'importe que le réseau draine aussi des fake news, comme ces images sanglantes de précédentes manifestations pour des scènes des Champs-Elysées. Les réseaux sociaux amplifieraient-ils des phénomènes en leur accordant un poids excessif ? Les Giletsjaunes ont pourtant un rapport ambivalent à Facebook, parfois accusé de censurer les messages, d'effacer des vidéos (qui contreviennent en fait aux règles de Facebook), des éléments complotistes avancent même qu'il s'agit là d'un ordre de l'Exécutif, auquel se plierait le géant américain. Dans le même temps, Facebook serait en capacité – réellement – de "vendre" des informations, met en garde, sur son blog, Olivier Ertzcheid, maître de conférences en sciences de l'information. Pas "le nom d'Untel qui a liké telle proposition", mais plutôt, via "un annonceur agissant pour tel parti politique ou tel lobby, d'afficher la bonne publicité ou le bon ¬argumentau bon moment". Pour nombre d'internautes, Facebook est un lieu d'apprentissage des solidarités. Sans filtre, à l'inverse de la télévision, vue comme un prolongement de la sphère du pouvoir. Le réseau est pourtant tout sauf neutre. Pour le journaliste et blogueur Vincent Glad, les algorithmes que le géant du numérique a mis en place privilégient certaines publications à d'autres, poussent plus volontiers la vidéo en direct que les contenus écrits, et rétrogradent les publications des médias au profit de celles provenant de votre entourage. Une fois que vous aurez "liké" plusieurs ou pages des Gilets jaunes, le réseau mettra en avant des contenus similaires, ¬favorisant une "bulle de filtre". En d'autres termes, il privilégierait la confortation d'une opinion plutôt que sa réfutation. Glad va plus loin en estimant que les algorithmes de Facebook, pensés par son fondateur Mark Zuckerberg, comme une façon…de désenclaver l'Amérique en forçant le lien social local, donnent aux administrateurs degroupes Facebook un pouvoir démesuré. Avec, selon lui, "desprérogatives de nouveaux corps intermédiaires prospérant sur les ruines des syndicats, des associations ou des partis politiques. Ayant méticuleusement fait disparaître ces courroies de transmission entre lui et le peuple, Emmanuel Macron se retrouve maintenant en frontal face à des administrateurs de pages Facebook". Pour Olivier Ertzcheid, "une certitude ", au final : "certains Gilets jaunes" ont au moins autant raconté n'importe sur "certains médias" que "certains médias" ont raconté n'importe quoi sur "certains Gilets jaunes". Une étude de chercheurs toulousains en sciences de l'information et de la communication, encore au stade du travail d'étape, a le vocabulaire utilisé par les pages Facebook des Gilets pour en conclure à la "très faible occurrence du vocabulaire raciste" et la "quasi-absence de d'extrême droite",voire des Gilets jaunes conscients des enjeux écologiques. Bref, "un phénomène dont la nature n'est pas si hétérogène, ni si hermétique aux enjeux publics". Une demande aiguë de transparence Une rencontre à Matignon a tourné court, car Edouard Philippe a refusé qu'elle soit diffusée en direct sur le réseau. Celle avec François de Rugy a été filmée et diffusée, enrevanche… sans en avertir le ministre de l'Ecologie. La demande diffusion en direct des rencontres avec des officiels, pour qui a la mémoire du temps long, est-elle si saugrenue ? En août 1980, les ouvriers polonais, en grève à Gdansk, avaient obtenu que les négociations avec la direction soient retransmises en direct par la Radio interne, puis par la télévision régionale. Les comités de grève décrochaient même letéléphone, pour dire leur accord avec telle ou telle mesure négociée, raconte Jacques Dimet, ancien journaliste à l'Humanité, son livre Pologne, une révolution dans le socialisme ? La demande de transparence, de démocratie directe et effective, on le voit, n'est pas si récente. Mais elle est singulièrement plus aiguë aujourd'hui, et pose des questions inédites. "Comment des groupes Facebookont déclenché une crise en France?" La question qui taraude nombred'observateurs devant un mouvementqui échappe aux formes classiquesd'organisation était poséemardi par The Verge, magazine enligne qui ausculte les nouveauxusages de l'information. Exagéré ?De fait, c'est sur les réseauxsociaux, et le principal d'entre eux(38 millions d'usagers actifs mensuels revendiqués), qu'a percolé lacolère des Gilets jaunes, avant dedevenir un canal d'information.C'est là que, après la pétition lancéeen mai par Priscilla Ludosky, sesont multipliés depuis le mois denovembre les appels à mobilisation. La "très faible occurrence du vocabulaire raciste " Difficile d'estimer le nombre de groupes ou de pages liés aux giletsjaunes. La page "compteur officielde Gilets jaunes", compte néanmoins1,7 million de membres. Frédéric Filloux, en observateur rappelle que, en France, 63 % des usagers d'Internet sont sur Facebook. La couverture du réseau cellulaire leur permet live, selfies, vidéos, alimentant toute la palette des sentiments : colère, humour… jusqu'au complot. Pour Fabric Epelboin, professeur à Sciences-Po et spécialiste des médias sociaux, "Facebook permet d'avoir une forme d'infrastructure sociale. Le réseau est, pour le peuple, un outil de proximité". Les dynamiques à l'oeuvre ne sont pas loin de rappeler celles qui ont accompagné les printemps arabes. Sans leader politique, mais pas sans leaders d'opinion, le mouvement a trouvé dans le réseau social des influenceurs, tels Maxime Nicolle (plus de100.000 followers), rompu à desFacebook live, ces "directs videos»où il peut se montrer incohérent ou complotiste sans que cela gêne outre mesure ses spectateurs. Pour beaucoup, qu'importe que le réseau draine aussi des fake news, comme ces images sanglantes de précédentes manifestations pour des scènes des Champs-Elysées. Les réseaux sociaux amplifieraient-ils des phénomènes en leur accordant un poids excessif ? Les Giletsjaunes ont pourtant un rapport ambivalent à Facebook, parfois accusé de censurer les messages, d'effacer des vidéos (qui contreviennent en fait aux règles de Facebook), des éléments complotistes avancent même qu'il s'agit là d'un ordre de l'Exécutif, auquel se plierait le géant américain. Dans le même temps, Facebook serait en capacité – réellement – de "vendre" des informations, met en garde, sur son blog, Olivier Ertzcheid, maître de conférences en sciences de l'information. Pas "le nom d'Untel qui a liké telle proposition", mais plutôt, via "un annonceur agissant pour tel parti politique ou tel lobby, d'afficher la bonne publicité ou le bon ¬argumentau bon moment". Pour nombre d'internautes, Facebook est un lieu d'apprentissage des solidarités. Sans filtre, à l'inverse de la télévision, vue comme un prolongement de la sphère du pouvoir. Le réseau est pourtant tout sauf neutre. Pour le journaliste et blogueur Vincent Glad, les algorithmes que le géant du numérique a mis en place privilégient certaines publications à d'autres, poussent plus volontiers la vidéo en direct que les contenus écrits, et rétrogradent les publications des médias au profit de celles provenant de votre entourage. Une fois que vous aurez "liké" plusieurs ou pages des Gilets jaunes, le réseau mettra en avant des contenus similaires, ¬favorisant une "bulle de filtre". En d'autres termes, il privilégierait la confortation d'une opinion plutôt que sa réfutation. Glad va plus loin en estimant que les algorithmes de Facebook, pensés par son fondateur Mark Zuckerberg, comme une façon…de désenclaver l'Amérique en forçant le lien social local, donnent aux administrateurs degroupes Facebook un pouvoir démesuré. Avec, selon lui, "desprérogatives de nouveaux corps intermédiaires prospérant sur les ruines des syndicats, des associations ou des partis politiques. Ayant méticuleusement fait disparaître ces courroies de transmission entre lui et le peuple, Emmanuel Macron se retrouve maintenant en frontal face à des administrateurs de pages Facebook". Pour Olivier Ertzcheid, "une certitude ", au final : "certains Gilets jaunes" ont au moins autant raconté n'importe sur "certains médias" que "certains médias" ont raconté n'importe quoi sur "certains Gilets jaunes". Une étude de chercheurs toulousains en sciences de l'information et de la communication, encore au stade du travail d'étape, a le vocabulaire utilisé par les pages Facebook des Gilets pour en conclure à la "très faible occurrence du vocabulaire raciste" et la "quasi-absence de d'extrême droite",voire des Gilets jaunes conscients des enjeux écologiques. Bref, "un phénomène dont la nature n'est pas si hétérogène, ni si hermétique aux enjeux publics". Une demande aiguë de transparence Une rencontre à Matignon a tourné court, car Edouard Philippe a refusé qu'elle soit diffusée en direct sur le réseau. Celle avec François de Rugy a été filmée et diffusée, enrevanche… sans en avertir le ministre de l'Ecologie. La demande diffusion en direct des rencontres avec des officiels, pour qui a la mémoire du temps long, est-elle si saugrenue ? En août 1980, les ouvriers polonais, en grève à Gdansk, avaient obtenu que les négociations avec la direction soient retransmises en direct par la Radio interne, puis par la télévision régionale. Les comités de grève décrochaient même letéléphone, pour dire leur accord avec telle ou telle mesure négociée, raconte Jacques Dimet, ancien journaliste à l'Humanité, son livre Pologne, une révolution dans le socialisme ? La demande de transparence, de démocratie directe et effective, on le voit, n'est pas si récente. Mais elle est singulièrement plus aiguë aujourd'hui, et pose des questions inédites.