Le Liban a renoué avec les manifestations samedi à Beyrouth et dans d'autres provinces du pays pour réclamant une autre alternative économique sur fond d'effondrement de la livre libanaise. Les manifestants ont battu le pavé, contre les autorités accusées de corruption et contre les difficultés économiques croissantes. La livre libanaise s'est effondrée jeudi et frôlé le seuil des 5 000 livres pour un dollar dans les bureaux de change. Le pays, en proie à sa pire crise économique depuis trois décennies et à une dépréciation historique de sa monnaie nationale, a connu ces deux derniers jours un regain de tension dans la rue lors de manifestations émaillées d'actes de vandalisme. Samedi, les contestataires ont défilé pacifiquement en début d'après-midi vers le centre-ville de la capitale. Une manifestation s'est ébranlée vers 16h25 de la place Bécharra el Khoury en direction du ministère des Finances à Riad el Solh, la foule brandissant le slogan "l'alternative existe", selon l'agence de presse libanaise (NNA). Lire aussi: Dépréciation de la livre libanaise: réunions du gouvernement pour tenter de juguler les manifestations La région de Bab el Tébaneh à Tripoli était le théâtre d'affrontements entre des forces de l'ordre et un regroupement d'individus qui auraient fait jusqu'à 17h30 23 blessés dont 4 parmi les militaires. Ces affrontements auraient éclaté après l'interception par des individus de deux camions transportant des denrées alimentaires. L'exécutif multiplie les réunions pour apporter une réponse Le ministre de l'Intérieur, Mohamad Fehmi, a réaffirmé sa position de protéger les manifestants pacifiques et de "réprimer les casseurs et fauteurs de troubles". Il a souligné une nouvelle fois que les forces de l'ordre "poursuivront les auteurs d'actes de vandalisme commis dans la capitale qui seront déférés ensuite devant les tribunaux compétents". Le gouvernement du Liban tenait vendredi une réunion d'urgence consacrée à l'effondrement de la monnaie nationale, après une nuit de manifestations populaires contre le marasme économique, selon les médias locaux. Le chef du gouvernement, Hassan Diab, a entamé dans la matinée une "réunion urgente" de son cabinet en présence du gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé et d'une délégation du syndicat des bureaux de change, selon l'agence de presse ANI. Une autre réunion du gouvernement se tiendra à la présidence de la République dans l'après-midi, a indiqué la même source. Le gouverneur de la Banque centrale est fustigé par les manifestants pour des politiques financières qui ont favorisé un endettement excessif de l'Etat, au profit, disent-ils, des politiciens et des banques. Celles-ci ont aussi provoqué la colère de la population après avoir imposé des restrictions draconiennes sur les retraits en dollars ou les transferts à l'étranger. La forte dépréciation de la livre libanaise s'est accompagnée ces derniers mois d'une explosion de l'inflation, sans oublier les fermetures de commerces et les licenciements massifs. Ces difficultés économiques ont été l'un des catalyseurs d'un mouvement populaire inédit, déclenché en octobre 2019 pour réclamer le départ de la classe politique accusée de corruption et d'incompétence. En réaction à l'effondrement de la livre et de leur pouvoir d'achat, les Libanais sont descendus dans la rue jeudi soir, brûlant des pneus et bloquant des routes dans plusieurs villes y compris dans la capitale Beyrouth, jusque tard dans la nuit. Ils ont crié leur colère contre le gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé, critiqué pour son incapacité à enrayer la dépréciation, et contre le gouvernement de Hassan Diab qui a succédé en janvier à celui de Saad Hariri poussé à la démission par le mouvement de contestation.