Quelques heures après avoir été arrêté par des militaires en révolte, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a annoncé mardi soir sa démission et la dissolution du Parlement et du gouvernement, alors que les soldats mutins qui ont pris le pouvoir, ont promis une "transition politique civile". Ibrahim Boubacar Keita, au pouvoir depuis 2013, faisait face déjà à une contestation populaire depuis plusieurs mois. Mardi après-midi, il a été arrêté en compagnie de son Premier ministre Boubou Cissé et emmené dans le camp militaire d'où était partie une mutinerie en début de journée. Dans la nuit de mardi à mercredi, le chef de l'Etat malien a annoncé sa démission expliquant n'avoir pas "d'autre choix que de se soumettre à la volonté de son armée en révolte pour éviter que du sang ne soit versé". "Je voudrais (...) vous dire ma décision de quitter mes fonctions, toutes mes fonctions, à partir de ce moment", a-t-il dit dans une allocution diffusée par la télévision nationale ORTM, avant d'ajouter: "Siaujourd'hui, certains éléments de nos forces armées veulent que cela prenne fin via leur intervention, ai-je vraiment le choix ?". Les militaires promettent une " transition politique civile" Plus de trois heures après l'annonce par le président Keïta de sa "décision de quitter toutes (ses) fonctions", des hommes en uniformes sont apparus sur la chaîne publique ORTM, affirmant vouloir mettre en place une "transition politique civile" devant conduire à des élections générales dans un "délai raisonnable". "Nous, forces patriotiques regroupées au sein du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), avons décidé de prendre nos responsabilités devant le peuple et devant l'histoire", a déclaré celui qui a été présenté comme le porte-parole des militaires, le colonel-major Ismaël Wagué, chef d'état-major adjoint de l'armée de l'air. Lire aussi: Mali: le président et le Premier ministre aux mains de soldats révoltés "Notre pays, le Mali, sombre de jour en jour dans le chaos, l'anarchie et l'insécurité par la faute des hommes chargés de sa destinée", a accusé l'officier. Il a dénoncé notamment "la gestion familiale des affaires de l'Etat", ainsi que la "gabegie, le vol et l'arbitraire", ou encore des massacres de villageois, le "terrorisme et l'extrémisme". Le colonel major a, en outre, sollicité la coopération de la société civile et les mouvements socio-politiques "pour créer les meilleures conditions d'une transition politique civile conduisant à des élections générales crédibles pour l'exercice démocratique à travers une feuille de route qui jettera les bases d'un Mali nouveau". Il a également demandé aux organisations internationales et sous-régionales de les "accompagner pour le bien-être du Mali", tout en soulignant l'engagement des militaires à respecter "tous les accords passés", notamment l'accord de paix, issu du processus d'Alger, signé en 2015 entre Bamako et les groupes politico-militaires du nord du pays. Inquiétude à l'étranger Préoccupée par les derniers développements survenus au Mali, l'Algérie a réitéré son "ferme rejet" de tout changement anticonstitutionnel de gouvernement et ce "conformément aux instruments pertinents de l'Union africaine, en particulier la Déclaration d'Alger de 1999 et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de 2007". Dans un communiqué de son ministère des Affaires étrangères, diffusé mercredi, l'Algérie a affirmé que " la doctrine de l'Union africaine en matière de respect de l'ordre constitutionnel ne peut faire l'objet d'aucune violation". Lire aussi: Mali: réunion d'urgence mercredi du Conseil de sécurité de l'ONU Appelant " toutes les parties au respect de l'ordre constitutionnel et au retour à la raison pour une sortie de crise rapide", l'Algérie a rappelé que "seules les urnes constituent la voie pour l'accession au pouvoir et à la légitimité". De leur côté la France et le Niger (qui préside actuellement la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ont ainsi demandé à l'ONU de tenir "en urgence" une réunion de son Conseil de sécurité. Cette réunion est prévue pour ce mercredi. Peu avant l'annonce de la démission du président Keita, la Cédéao, a condamné le "renversement" du chef de l'Etat malien et de son Premier ministre par des "militaires putschistes". Et une visioconférence des chefs d'Etat de la Cédéao sur "la situation au Mali" se tiendra jeudi sous la présidence du président du Niger Mahamadou Issoufou, d'après la présidence nigérienne. Dans un communiqué, l'organisation régionale "dénie catégoriquement toute forme de légitimité aux putschistes et exige le rétablissement immédiat de l'ordre constitutionnel". Elle "exige la libération immédiate" du chef de l'Etat malien et "de tous les officiels arrêtés" et "suspend" le Mali de tous ses organes de décision "avec effet immédiat". Et elle "décide de la fermeture de toutes les frontières terrestres et aériennes ainsi que l'arrêt de tous les flux et transactions économiques, commerciales et financières entre les (autres) pays membres de la Cédéao et le Mali", invitant "tous les partenaires à faire de même". Enfin, l'organisation ouest-africaine "demande la mise en œuvre immédiate d'un ensemble de sanctions contre tous les putschistes et leurs partenaires et collaborateurs" et "décide de dépêcher une délégation de haut niveau pour assurer le retour immédiat de l'ordre constitutionnel", selon le texte.