Le Premier ministre haïtien par intérim, Claude Joseph, a déclaré mercredi l'"état de siège" octroyant des pouvoirs renforcés à l'exécutif quelques heures après l'assassinat du président Jovenel Moïse par des hommes armés qui ont fait éruption dans sa résidence tôt dans la matinée de mercredi, un événement qui menace de déstabiliser un peu plus le pays déjà confronté à une double crise politique et sécuritaire. "Dans la stricte application de l'article 149 de la Constitution, je viens de présider un conseil des ministres extraordinaire et nous avons décidé de déclarer l'état de siège sur tout le pays", a-t-il décrété lors d'un discours en créole, diffusé sur les réseaux sociaux. Claude Joseph a promis que "les auteurs, les assassins de Jovenel Moïse paieraient pour ce qu'ils ont fait devant la justice". L'annonce de l'assassinat a été faite par le Premier ministre par intérim Claude Joseph. "Le président a été assassiné chez lui par des étrangers qui parlaient l'anglais et l'espagnol. Ils ont attaqué la résidence du président de la République", a-t-il affirmé. Le sort de son épouse, blessée dans l'attaque qui a eu lieu vers 01H00 locale (05H00 GMT) et hospitalisée était incertain, certains médias annonçant son décès. "La Première dame blessée est en vie et reçoit les soins que nécessite son cas. Les enfants du président sont en sécurité", a pourtant déclaré Claude Joseph à la radio Magik 9. Il a appelé la population au calme et fait savoir que la police et l'armée allaient assurer le maintien de l'ordre. Venu du monde des affaires, Jovenel Moïse, 53 ans, avait été élu président en 2016 sur une promesse de développement de l'économie du pays et avait pris ses fonctions le 7 février 2017. Actif dans plusieurs domaines économiques, dont l'exploitation de bananeraies, il n'avait alors quasiment aucune expérience en politique au moment de son élection et était très peu connu de ses compatriotes. Le pays est gangrené par l'insécurité et notamment les enlèvements contre rançon menés par des gangs jouissant d'une quasi impunité. Lire aussi: Haïti : le président Jovenel Moïse assassiné dans sa résidence privée Une situation qui valait à Jovenel Moïse, accusé d'inaction face à la crise, d'être confronté à une vive défiance d'une bonne partie de la société civile. Dans ce contexte faisant redouter un basculement vers l'anarchie généralisée, le Conseil de sécurité de l'ONU, les Etats-Unis et l'Europe appelaient à la tenue d'élections législatives et présidentielle libres et transparentes, d'ici la fin 2021. Jovenel Moïse avait annoncé lundi la nomination d'un nouveau Premier ministre, Ariel Henry, avec justement pour mission la tenue d'élections. Indignation internationale En réaction, la République dominicaine a ordonné mercredi la "fermeture immédiate" de sa frontière avec Haïti, les deux pays se partageant la même île. "Nous regrettons et condamnons le magnicide du président haïtien Jovenel Moïse et de la Première Dame Martine Moïse. Ce crime est une attaque contre l'ordre démocratique de Haïti et de la région", a réagi le président Luis Abinader sur Twitter. Les relations entre les deux pays sont historiquement difficiles. Environ 500.000 Haïtiens vivent illégalement en République dominicaine et l'immigration clandestine est une pierre d'achoppement récurrente entre les deux pays. Le président Abinader ambitionne notamment de construire un mur sur les 380 kilomètres de frontière. La France a dénoncé le "lâche assassinat" du président haïtien Jovenel Moïse, demandant par la voix de son ministre des Affaires étrangères que "toute la lumière" soit faite sur un événement dont les détails restent encore inconnus. "Je condamne fermement ce lâche assassinat", a déclaré Jean-Yves Le Drian, faisant état de sa "stupeur" dans un communiqué. "Toute la lumière devra être faite sur ce crime qui intervient dans un climat politique et sécuritaire très dégradé" à Haïti, ajoute-t-il. Le chef de la diplomatie a par ailleurs invité "l'ensemble des acteurs de la vie politique haïtienne au calme et à la retenue", et appelé les ressortissants français "à la plus grande prudence". Joe Biden a condamné le "terrible assassinat" du président haïtien, qualifié de "très inquiétant", tout en promettant l'aide de Washington. "Nous sommes choqués et attristés d'apprendre le terrible assassinat du président Jovenel Moïse et l'agression de son épouse Martine Moïse", a fait savoir le président dans un communiqué officiel. Joe Biden a par ailleurs qualifié l'événement de "très inquiétant", tout en estimant avoir "besoin de beaucoup plus d'informations", lors d'un bref échange avec la presse avant un déplacement en Illinois, dans la région des Grands Lacs (nord-est). Dans son communiqué, la Maison Blanche se dit "prête à apporter son aide" à Haïti, pays le plus pauvre des Amériques, déjà secoué par l'instabilité politique et en proie à une très grande insécurité.