Margaret Atwood s'apprête à lever le voile sur sa vie et son œuvre. L'autrice de «La Servante écarlate» (trad. Sylviane Rué, Robert Laffont) et sa suite «Les Testaments» (trad. Michèle Albaret-Maatsch, Robert Laffont) publiera bientôt ses Mémoires : un projet initié à la demande de son éditeur. De son enfance dans le nord du Québec à sa relation avec son mari, l'écrivain Graeme Gibson, elle reviendra sur les moments qui ont nourri ses œuvres les plus emblématiques. «Dans ces pages pleines de vie, on plonge dans ses années bohèmes, ses amitiés, sa relation intense avec le charismatique écrivain Graeme Gibson et les bouleversements politiques qui ont jalonné son époque », promet son éditeur Doubleday dans un communiqué. Ainsi, dès le 4 novembre, les lecteurs et lectrices retrouveront les Mémoires de Margaret Atwood, intitulées Book of Lives : A Memoir of Sorts, en librairie. L'ouvrage sera édité chez Doubleday aux Etats-Unis, par la maison d'édition McClelland & Stewart au Canada, et Chatto & Windus au Royaume-Uni. Une lecture qui, selon son éditeur américain, permettra de « dessiner des liens entre la réalité et la fiction » qui a longtemps porté ses récits. Vendu 35 $ – soit environ 33 € – le livre de 608 pages s'articulera « dans un style littéraire », annonce l'autrice au Vogue britannique. Des mémoires : « Qui voudrait lire ça ? » À 85 ans, la canadienne, qui séjourne quelques temps au Mexique, n'a pas immédiatement répondu par la positive à la demande de son éditeur. « Quand ils m'ont proposé l'idée, j'ai répondu : "Oh, ce serait ennuyeux." J'ai écrit un livre, puis un autre, puis un autre... qui voudrait lire ça ? », lâche celle qui a publié 17 romans, 19 recueils de poésie, 11 essais, 9 collections de nouvelles, 8 livres pour enfants et 3 romans graphiques. Après mûre réflexion, l'autrice a trouvé sa ligne directrice : « Un mémoire, c'est simplement ce dont on se souvient. Et ce dont on se souvient, ce sont surtout les moments absurdes ou catastrophiques. Pas : "J'ai fait une promenade, j'ai dîné, voici une photo de mon plat." J'ai pensé aux petites et grandes choses de ma vie, et à la façon dont elles ont nourri mon écriture », raconte-t-elle. C'est donc décidé : Margaret Atwood parlera de son enfance dans les forêts sauvages du nord du Québec, qui lui ont offert une jeunesse libre et nomade, mais parfois solitaire. Fille d'un père entomologiste et d'une mère diététicienne, l'écrivaine a été élevée par des intellectuels à l'esprit indépendant et scientifique, socle de son éducation. « Il y avait trop de vie à condenser » C'est de ce point de départ qu'elle déroule, dans ses Mémoires, le fil de son existence. Elle reviendra par exemple sur l'année éprouvante qui a inspiré Œil-de-chat (trad. Hélène Filion, Robert Laffont), et sur l'atmosphère oppressante du Berlin des années 1980, où elle a rédigé La Servante écarlate. Outre les bouleversements politiques, ce nouveau texte sera ponctué par ses rencontres : à commencer par celle de l'écrivain Graeme Gibson, devenu son mari, celles d'acteurs hollywoodiens, de poètes, et même… de quelques ours. «J'ai sué sang et eau pour ce livre — il y avait trop de vie à condenser. Si j'étais morte à 25 ans comme John Keats, il aurait été plus court », plaisante-t-elle dans un communiqué. « Mais j'ai aussi beaucoup ri. Un Mémoire, c'est ce dont on se souvient, et ce dont on se souvient, ce sont surtout les bêtises, les catastrophes, les vengeances et les périodes de tourmente politique. J'ai mis tout ça, mais aussi des instants de joie, des surprises... et bien sûr, les livres », développe-t-elle auprès de Vogue. Margaret Atwood, au-delà de toute frontière Si son éditeur qualifie déjà la sortie de cet ouvrage d'« événement », c'est pourtant la première fois qu'elle s'essaie à cet exercice. Connue pour son œuvre dystopique, en particulier La Servante écarlate (1985), qui met en scène l'effondrement de la fécondité et l'asservissement des rares femmes encore fertiles, son écriture a dépassé toutes les frontières. D'abord géographiques : sa plume a conquis le public francophone, cette dystopie ayant cumulé près de 645.000 ventes, selon Edistat. Sa suite, Les Testaments (2019), atteint quant à elle les 142.000 exemplaires vendus. C'est avec ce dernier qu'elle obtient, en 2019, Booker Prize, partagé avec Girl, Woman, Other de Bernardine Evaristo (Fille, femme, autre, traduit en français par Françoise Adelstain chez Globe). Presque 20 ans plus tôt, en 2000, elle avait déjà été honorée par la distinction, pour son roman The Blind Assassin (Le tueur aveugle, traduit par Michèle Albaret-Maatsch chez 10/18). Elle a également été distinguée par le prix Arthur C. Clarke et un PEN Center USA Lifetime Achievement Award. Plusieurs de ses œuvres ont été transposées à l'écran, à commencer par La Servante écarlate, devenue une série sur Hulu. Par la suite, Captive (trad. Margaret Albaret-Maatsch, 10/18) a également été adaptée. En 2022, Hulu a annoncé qu'une adaptation de Les Testaments était en préparation pour le petit écran.