L'avocat français Joseph Breham estime que le "silence assourdissant" de l'Elysée face à l'implication du Maroc dans le scandale d'espionnage Pegasus, confirme que le Makhzen exerce depuis longtemps une pression sur un certain nombre de décideurs français et les fait chanter, a rapporté le journal électronique la Patrie News. Selon l'avocat français cité dans un article, publié samedi sous le titre: "Rabat fait chanter nombre de hauts responsables hexagonaux", "Rabat, avec ses gros rangers, semble agir sous la protection d'un blanc-seing lui assurant une totale impunité et protection franco-sioniste en dépit de son usage + immodéré+ du logiciel" espion Pegasus de la société sioniste NSO Group. Des milliers de numéros de téléphones dont les détenteurs ne sont pas des citoyens lambda, ont découvert abasourdis que leurs vies et leur intimité avaient été violées depuis des mois, ou peut-être des années par les "barbouzes" d'Abdellatif Hammouchi, chef des services de renseignement et de sécurité marocains, rappelle la même source. Dans ce contexte, Joseph Breham s'interroge: "Comment Rabat aurait-elle pu obtenir cela alors que sa position est des plus inconfortables qui soit depuis l'éclatement de ce scandale désormais planétaire, et que Paris, en revanche, était censée jouer sur du velours?". Et de répondre: "Le Maroc, déjà adepte de la corruption et du trafic de drogue, donne l'air de ne pas dédaigner non plus toutes les formes de chantages que l'on pourrait imaginer ou soupçonner". Ainsi, suggère l'homme de loi hexagonal, la France officielle, à commencer par celle d'Emmanuel Macron, "est soigneusement muselée" par le Maroc. "La position de la France est déplorable mais pas étonnante. Elle est parfaitement en phase avec l'agenouillement français dans le cadre des relations avec le Maroc. Sous Hassan II et à partir de François Mitterrand, il y a eu globalement une politique pensée et organisée par le Maroc pour créer de bonnes relations avec la France", poursuit encore cet avocat, qui a eu à défendre Naâma Asfari, militant sahraoui arbitrairement condamné dans les incidents de Gdeim Izik, et sauvagement torturé par les services de sécurité marocains. Joseph Breham évoque à ce propos la "mamounisation" du personnel politique français, en référence à La Mamounia, mythique hôtel de luxe de Marrakech qui voit défiler des personnalités politiques françaises, de ses décideurs ou de chefs d'entreprise. Lire aussi: Affaire Pegasus : les renseignements marocains jouissaient de l'aval du roi Cette stratégie qui s'est mise en place à plusieurs niveaux, explique-t-on, consiste à "inviter ces personnalités, leur offrir des cadeaux voire assurer un financement de la vie politique française à un niveau assez conséquent". Et d'ajouter que la politique de la mamouniasation s'"est élargie à différentes personnalités du monde des arts, des lettres, du cinéma. Sous l'ancien président Jacques Chirac, cela a commencé à porter ses fruits et s'est perpétué avec tous les présidents suivants". Cette "mamounisation" du personnel politique et décisionnel français ne va évidemment pas sans que des affaires compromettantes ne soient retenues contre les concernés. Discret et efficace, le procédé a en quelque sorte été percé à jour avec l'assourdissant silence élyséen en dépit de l'énormité du scandale Pegasus, relève l'avocat français. Il s'agit, selon Joseph Breham, de "la méthode du kompromat [faire chanter ses ennemis avec des informations compromettantes]. Quand on détient le téléphone portable de quelqu'un, on sait tout de cette personne". Pour rappel, les révélations sur l'utilisation du logiciel espion israélien baptisé Pegasus, publiées en juillet dernier par 17 médias, se basent sur une liste de plus de 50.000 numéros de téléphone, présélectionnés par certains clients de la firme sioniste NSO Group pour une éventuelle mise sous surveillance. Pegasus qui permet de prendre le contrôle d'un téléphone, donne accès à l'intégralité du contenu de l'appareil ainsi qu'à son microphone et sa caméra. Des numéros du président Emmanuel Macron et de membres du gouvernement français figurent sur la liste de cibles potentielles du logiciel Pegasus.