Les manifestations du 17 octobre 1961 constituent une partie intégrante de l'histoire de la Guerre de libération qui ne peuvent pas être écartées des crimes perpétrés par la France coloniale à l'encontre des algériens, ont indiqué, samedi à Alger, des universitaires et des chercheurs en histoire de la révolution algérienne. Intervenant lors d'une conférence organisée par la commission des affaires étrangères, de la coopération et de la communauté nationale de l'Assemblée populaire nationale (APN) à l'occasion du 60e anniversaire des manifestations du 17 octobre 1961, le secrétaire général du Conseil de la Choura de l'Union du Maghreb arabe (UMA), Said Mokadem a précisé que ces évènements sont des crimes contre l'humanité imprescriptibles, ajoutant que ce sont (les manifestations) "une partie intégrante" de l'histoire de la révolution algérienne et "l'un des évènements les plus tragiques" de la guerre de libération. Ces manifestations étaient une expression du rejet de la décision d'interdiction en vue de préserver leur dignité en tant qu'individus dans un pays qui a vu la promulgation de la déclaration des droits de l'Homme basée sur les principes égalité, fraternité et justice tout en scandant des slogans sur leurs droits individuels, le FLN et l'Algérie algérienne. Pour sa part, le professeur Mohamed Khodja (université Alger-3) a estimé dans son intervention intitulée "les dimensions de l'instrumentalisation politique du dossier de la mémoire en France", que cette question "est compliquée et suscite la polémique en permanence car il ne s'agit pas seulement du discours officiel français mais il y'a bien d'autres parties". "Il n'y a pas d'unanimité en France concernant l'ouverture du dossier de la mémoire qui compte des contradictions et risque même de condamner l'Etat, détruire ses slogans des droits de l'Homme et mettre à nu son passé tragique, d'où la proposition du président Macron concernant la commission de la mémoire commune, vu l'importance de la communauté algérienne en France", a-t-il fait savoir. L'universitaire a conclu que le dossier de la mémoire "est une bombe à retardement pour la France et pourrait mener à une guerre civile". De son côté, l'avocate et chercheur en l'histoire d'Algérie, Benbraham Fatima Zohra a évoqué l'expiration du délai de conservation des archives sur les événements du 17 octobre 1961, indiquant que la levée d'interdiction sur ces archives serait à compter du 18 octobre en cours. Cela, dira-t-elle, constituera "une occasion historique" pour les Algériens en vue d'obtenir des documents et des preuves sur les crimes perpétrés contre les émigrés algériens. Elle a en outre évoqué les détails concernant le double crime perpétré par le colonisateur français contre les émigrés algériens, lié au meurtre prémédité et à l'enlèvement, soulignant que l'Algérie "est en mesure de prouver de nombreux faits et de mener une nouvelle bataille une fois l'interdiction sur les archives des massacres, levée". Pour sa part, l'enseignant-chercheur en l'histoire d'Algérie, Ibrahim Tazghart a affirmé qu'après 60 ans de ces événements sanglants, "le silence plane toujours sur la France qui tente de les ignorer et jeter dans les tiroirs de l'oubli". Et de poursuivre que "l'esprit colonial" qui habite la majorité de la classe politique dirigeante et non dirigeante en France, "se nourrit du refus profond de la reconnaissance sincère de l'indépendance de l'Algérie", estimant que ces massacres "constituent un crime contre l'humanité que la France refuse de reconnaitre". M. Tazghart a d'ailleurs évoqué les récents "gestes" du Président Macron qui, selon lui, dénote "un défaut dans la structure intellectuelle de l'élite française qui ne veut pas rompre avec l'héritage colonial qui déforme les nobles valeurs humaines". Et de souligner que les massacres du 17 octobre 1961 "n'étaient pas un dépassement de la police française, ni un acte individuel décidé par le préfet de la police de Paris, Maurice Papon seul", mais, plutôt, "un crime d'Etat", soigneusement et méticuleusement planifié, afin de +dompter+ l'esprit de résistance chez les Algériens. L'intervenant a par ailleurs salué la communauté algérienne en France et la Fédération du Front de libération nationale et son soutien "qualitatif" à la Révolution de libération ainsi que son rôle dans la mobilisation exceptionnelle au cœur de la capitale française, en prouvant au monde entier que "l'insistance des Algériens à renverser l'équilibre des pouvoirs et à briser le blocus que la France a tenté d'imposer aux wilayas du pays". Le chercheur a enfin estimé que cet anniversaire devrait être "une véritable amorce pour l'écriture d'une histoire nationale consensuelle et inclusive à même de servir, avant tout, la Oumma algérienne", sans pour autant oublier la nécessité de "libérer l'histoire nationale des griffes de l'école coloniale", qui reste, a-t-il dit, la mission de l'élite nationale.