Les émigrés algériens ont été «les héros de la Révolution algérienne en France», ont souligné, mardi à l'université Emir Abdelkader de Constantine, les participants à une rencontre sur les massacres du 17 octobre 1961. «Les membres de notre communauté établie à l'étranger ont lutté contre le colonialisme français sur son sol, soutenu la cause algérienne financièrement et fait répandre la voix de la libération à travers l'Europe», ont attesté les participants à cette rencontre à l'occasion de la commémoration de cet évènement qui coïncide avec la célébration de la Journée nationale de l'immigration. H'mida Amiraoui, qui a présenté une étude portant sur «l'immigration des Algériens depuis l'année 1830», a précisé que «la mobilité des militants algériens a joué un rôle politique et militaire qui a contribué à la réussite de la Révolution et à l'inscription de la question algérienne à l'ONU». A son tour, le moudjahid Hocine Sghirou, qui a enrichi cette rencontre par des témoignages vivants sur les événements du 17 octobre 1961, a assuré que les émigrés algériens «ont dénoncé avec courage la répression et les actes de torture du colonialisme français». Il a également soutenu que les Algériens qui ont pris part à des manifestations pacifiques, visant à protester contre les injustices commises par la police française coloniale, ont subi une répression sévère et sanglante. De son côté, le recteur de l'université, Said Derradji, a indiqué que la commémoration de cet évènement a pour but de «rendre hommage aux émigrés algériens tombés en martyrs, lutter contre la culture de l'oubli, et mettre la recherche scientifique au service de la sauvegarde de la mémoire historique de la nation». L'écriture de l'histoire de la glorieuse guerre de libération nationale se poursuit avec la contribution de tous Le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni a affirmé, mardi soir à El Bayadh, que l'écriture de l'histoire de la guerre de libération nationale se poursuit avec la contribution de tous les acteurs. Dans une déclaration à la presse lors de sa visite dans la wilaya, Tayeb Zitouni a mis l'accent sur l'importance de l'écriture de l'histoire de la révolution pour glorifier ses artisans, en application du plan du gouvernement et des orientations du président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika. Le ministre a souligné que l'écriture de l'histoire met en exergue les différentes étapes traversées par l'Algérie, affirmant que l'Algérie est connue par son histoire, son passé, ses moudjahidine, ses martyrs et que les Algériens sont fiers et à la fois fidèles à cette histoire et en font une préoccupation de tous. Au passage, Tayeb Zitouni a fait part d'un progrès dans l'écriture de l'histoire traduit par les multitudes de tribunes dans ce sens initiés par les différents médias, les universités, les établissements scolaires et culturels et autres. A propos de la récupération des archives de la guerre de libération nationale se trouvant en France, le ministre a affirmé que ce dossier est supervisé par une commission conjointe algéro-francaise, signalant que l'opération se poursuit pour restituer les crânes des chouhadas de la résistance nationale. La communication entre l'archive nationale algérienne et son homologue française et les négociations sont en cours pour obtenir des copies des archives en première phase et la récupération des copies d'origine dans une deuxième, a-t-il fait savoir, soulignant que ce dossier nécessite la vigilance des spécialistes algériens. En se recueillant à Sidi Belaid (commune de Bougtob) à la mémoire de martyrs avec la lecture de la Fatiha à la mémoire de Guettaf Mohamed (1899-1957), premier chahid de la wilaya d'El Bayadh, le ministre a insisté sur la préservation et la protection des sites historiques au profit des générations montantes, instruisant les responsables du secteur des moudjahiddine de la wilaya d'ériger une stèle pour faire connaitre ce chahid dont la famille a été honorée à cette occasion. Le ministre a visité le village de Sidi Hadj Benameur relevant de la commune d'Ain Arek où il s'est recueilli à la mémoire du chef de la zone 3 de la wilaya V historique, le moudjahid défunt le commandant Moulay Brahim et s'est enquis de la stèle commémorative érigée en hommage du premier noyau de déclenchement de la glorieuse guerre de libération nationale dans la région. Par ailleurs, Tayeb Zitouni a présidé, dans la commune de Bougtob, l'ouverture d'une conférence historique sur la guerre de libération nationale et dÆune exposition. Le ministre présidera mercredi dans la wilaya d'El Bayadh la cérémonie officielle commémorant la journée nationale de l'émigration placée cette année sous le slogan «le 17 octobre 1961-2018, synonyme de fidélité et de bravoure». La question des archives, une tâche «primordiale» pour Macron La question des archives reste une question «majeure» du contentieux historique entre l'Algérie et la France et s'annonce comme une tâche «primordiale» pour le président Emmanuel Macron, a estimé l'historienne Sylvie Thénault. «Plus d'un demi-siècle après l'indépendance de l'Algérie, la question des archives reste une question majeure du contentieux historique entre l'Algérie et la France. Elle s'annonce comme une tâche primordiale pour Emmanuel Macron dont le quinquennat se révèle novateur en la matière», a indiqué cette spécialiste de la guerre de libération nationale dans une tribune publiée par The Conversation France, un média en ligne d'information et d'analyse de l'actualité indépendant, qui publie des articles grand public écrits par les chercheurs et les universitaires. Dans cette tribune, la chercheuse au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), s'interroge sur l'inventaire franco-algérien des archives de l'Algérie à la période coloniale qui devra être fait, notamment depuis l'affirmation du Président français que la colonisation a constitué un «crime contre l'humanité», et sa reconnaissance récente des responsabilités de l'Etat dans la torture et les disparitions pendant la guerre d'indépendance algérienne. Pour cette chercheuse, dont sa maîtrise d'histoire en 1991 portait sur «La Manifestation des Algériens à Paris le 17 octobre 1961 et sa répression» ainsi que sa thèse soutenue en 1999 traitait de «La Justice dans la guerre d'Algérie», dans le cas de l'Algérie coloniale et de sa «cruelle» guerre d'indépendance, les archives conservent les traces d'histoires individuelles qui «hantent parfois, aujourd'hui encore, les familles». «Le cas de la famille Maurice Audin est de ce point de vue exceptionnel et ordinaire: exceptionnel par sa médiatisation, grâce à la mobilisation constante de sa femme et de ses enfants, ordinaire car leur vécu n'est rien moins que celui de tous ceux qui ont perdu, dans cette guerre, un être cher, même s'ils ne s'expriment pas publiquement», a-t-elle expliqué. Elle estime que le contentieux franco-algérien «doit être dépassé», même s'il s'agit là d'un dossier «complexe», rappelant que depuis 1962, date de l'indépendance de l'Algérie, les autorités algériennes «n'ont eu de cesse de dénoncer leur dépossession et de demander la restitution de tous les documents». Sylvie Thénault fait remarquer qu'entre la France et l'Algérie, la question des archives continue d'être traitée au plan diplomatique, indiquant qu'elle échappe ainsi aux praticiens des archives que sont en particulier les archivistes et les chercheurs en sciences humaines et sociales. Par ailleurs, elle considère qu'un bilan global des fonds conservés en France «reste difficile à établir», car en dépit des efforts soutenus pour produire régulièrement des inventaires, les Archives nationales d'outre-mer (ANOM), à Aix-en-Provence, conservent encore des fonds non classés. L'historienne a indiqué que des chercheurs étrangers ont effectué, au début des années 2000, des séjours de recherche durant lesquels ils ont pu constater la richesse des fonds restés en Algérie et leurs apports à l'écriture de l'histoire. «L'Algérie est bien, du point de vue des archives, entre l'héritage et la spoliation : héritage de fonds massivement restés sur place, spoliation hautement symbolique de son patrimoine national», a-t-elle affirmé, soulignant «au nom de l'écriture de l'histoire mais aussi des citoyens des sociétés toutes deux concernées», le caractère «urgent» pour que la question des archives de la période coloniale en Algérie soit traitée sur des «bases nouvelles, loin des théories officielles ne correspondant pas à la réalité connue des archivistes et des chercheurs». Elle souhaite également un inventaire bilatéral des sources conservées de part et d'autre qui «fait cruellement défaut».