La population marocaine supporte les conséquences financières d'un système énergétique conçu par le Makhzen pour être "totalement inéquitable" pour profiter "exclusivement à des investisseurs privés", estime un expert marocain dans une étude publiée récemment par le centre de recherche TNI Longreads. "La population marocaine, à la fois en qualité de contribuable et d'ensemble de consommateurs et consommatrices, supporte les conséquences financières de ce système conçu pour être totalement inéquitable et profiter exclusivement à des investisseurs privés", analyse Jawad Moustakbal, coordinateur national au Maroc pour l'International Honors Programme "Climate Change: The Politics of Food, Water, and Energy" de la School of International Training (Vermont, Etats-Unis). La libéralisation du secteur énergétique au Maroc en 2014 a entraîné une "situation d'oligopole à tous les niveaux: importation, stockage, vente à la distribution, vente à la consommation, ), a-t-il souligné dans une contribution sur la politique énergétique du Makhzen, notant que "les cinq premiers opérateurs accaparaient 70% du marché en 2017 parmi lesquels trois en détenaient 53,4 %" et en tête, la société Afriquia gaz, détenue par Aziz Akhenouch, chef du Gouvernement depuis septembre 2021. Cette situation d'oligopole "s'est aggravée avec la fermeture de la Société anonyme marocaine de l'industrie du raffinage (Samir) en 2015, alors qu'elle assurait 64% de la demande en produits raffinés et une grande capacité de stockage (2 millions de mètres cubes)", a-t-il regretté. "La facture énergétique a ainsi fortement augmenté, le déficit de la balance commerciale s'est fortement aggravé et les petites et moyennes structures ont été fragilisées au profit des plus gros acteurs", a expliqué cet expert, qui a travaillé en tant que chef de projet pour plusieurs entreprises, dont l'entreprise publique marocaine de phosphates (OCP). Il a relevé que la production concessionnelle privée au Maroc, qu'elle soit d'origine fossile ou renouvelable, "est érigée en postulat incontournable par l'élite gouvernante. Elle profite d'abord aux multinationales française (Engie), espagnole (Gamesa), saoudienne (Acwa), émiratie (Taqa) et allemande (Siemens), souvent en coopération avec des entreprises nationales détenues par la famille royale (Nareva) ou par des familles puissantes et proches du pouvoir telles que les familles Akhennouch et Benjelloun (Green of Africa)". A fin 2021, le secteur privé contrôlait 71,8 % de la production d'énergie électrique au Maroc, selon l'expert qui est membre du secrétariat national d'ATTAC/CADTM Maroc (Comité pour l'annulation de la dette du Tiers Monde et Association pour la taxation des transactions en aide aux citoyens). Les prêteurs ont le dernier mot sur toutes les décisions stratégiques" "Tous les projets récents de production d'électricité, y compris les projets dits +verts+ sont financés par des prêts de banques privées internationales, de banques multilatérales, du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement (BAD) et d'agences de développement française, allemande et japonaise", fait savoir M. Moustakbal. Pour lui, les prêteurs restent "les principaux acteurs de ces projets et ont le dernier mot sur toutes les décisions stratégiques". Il est donc "tout à fait logique que les nationalités des prêteurs correspondent à celle (s) des entreprises impliquées dans le projet, que ce soit en tant qu'opérateurs (le français Engie, l'allemand Siemens, etc) ou équipementiers (le français Alstom, le japonais Mitswi, etc)", dira-t-il. Ces prêts "viennent alourdir une dette publique qui avoisine, fin 2021, les 100% du PIB et dont le service absorbe plus du tiers du budget de l'Etat et représente presque dix fois le budget national de la santé", a-t-il constaté.