Le ministre de l'agriculture et du développement rural, Rachid Benaissa a affirmé mercredi, lors de la présentation du projet de loi définissant les conditions et modalités d'exploitation des terres agricoles relevant du domaine de l'Etat à l'Assemblée populaire nationale (APN) que l'application de ce texte permettra de relancer l'investissement dans le secteur dans un cadre clair et transparent. Lors d'une séance plénière présidée par M. Abdelaziz Ziari, président de l'APN, le ministre a indiqué que le projet de loi "permettra d'offrir les opportunités de libérer les initiatives d'investissement dans le secteur dans un esprit de transparence et de modernité". Pour le ministre, ce texte qui se situe dans le prolongement de la loi d'orientation agricole de 2008 vise "à mettre fin à la négligence qui a caractérisé l'exploitation ou la cession de ces terres au vu du recours à des exploitations illégales et leur détournement de leur vocation", ce qui a conduit, a-t-il dit, à "une grande perte en matière de sécurité alimentaire qui a nécessité le recours à l'importation". Après avoir précisé que le projet de loi consacre le principe du "maintien des terres agricoles propriété de l'Etat", M. Benaissa a rappelé ses principaux axes que sont la consécration du régime des concessions en tant que mode "exclusif" d'exploitation des terres relevant du domaine de l'Etat d'où le droit de les concéder pour une durée de 40 ans renouvelable à "une personne physique de nationalité algérienne", contre paiement d'un bail annuel et le remplacement du principe de travail collectif par des dispositions incitatives d'un travail complémentaire entre les exploitations. Le nouveau texte, a poursuivi le ministre, propose d'exclure les exploitants illégaux de ces terres qui "ont fait preuve de comportements déshonorants lors de la guerre de libération". Les 11.900 exploitants des terres de l'Etat confrontés à des affaires en suspens au niveau des tribunaux, leur sort sera décidé après le règlement de leurs affaires. Dans le cas où l'investisseur détenteur d'une nouvelle concession ne remplit pas ses engagements, le texte prévoit "une résiliation administrative" du droit de concession au lieu de "la déchéance par voie judiciaire". Concernant le passage du droit de jouissance durable pour une durée de 99 ans au droit de concession pour une durée de 40 ans qui constitue un pôle d'intérêt et une polémique pour tous les acteurs du secteur, M. Benaissa a indiqué que ce changement représente "l'assise juridique de ce texte et la solution idoine de remplacement d'un régime juridique qui ne répond plus à la nouvelle vision économique de l'Etat". Afin de garantir "la poursuite" de l'exploitation, le projet de loi garantit aux anciens bénéficiaires le droit de jouissance et ceux qui ont respecté la législation et le règlement en vigueur "la préservation de leurs intérêts en les convertissant en droit de concession transmissible à leur héritiers". En signe d'encouragement à la modernisation des exploitations agricoles, l'Etat soutiendra, à travers ce texte, "la conclusion de tout accord de partenariat avec une personne physique ou morale algérienne". Le nouveau texte concerne les terres relevant du domaine privé de l'Etat définies par la loi de 1987 et dont la superficie s'étend sur 2,5 millions d'hectares répartis en 100.000 exploitations agricoles et 218.000 bénéficiaires. Le projet de loi exclut les 300.000 hectares relevant également du domaine privé de l'Etat mais exploités par des fermes pilotes et des instituts de formation. La superficie agricole globale exploitée en Algérie est estimée à 47,5 millions d'hectares dont 32 millions d'hectares de parcours, 7 millions de forets et de maquis et 8,5 millions de terres arables (5,7 millions d'hectares appartenant à des exploitants privés et 2,8 millions relevant du domaine privé de l'Etat). Les exploitants bénéficiant du droit de jouissance se verront accorder un délai de 18 mois à compter de l'entrée en vigueur du texte en question (en cas de son adoption par le parlement) pour déposer leurs demandes de passage au droit de concession auprès de l'Office national des terres agricoles. La durée du passage de la jouissance à la concession est fixée à trois années à partir de l'entrée en vigueur de ladite loi. Lors du débat qui a suivi la présentation du ministre, les députés ont été unanimes à affirmer que le nouveau texte confèrerait une nouvelle dynamique au secteur et mettrait un terme à la négligence et au laisser-aller qui l'ont caractérisé pendant de longues années. Le projet de loi "barre la route à toute personne qui tenterait de s'approprier les terres relevant du domaine de l'Etat", a estimé un député appelant à accorder la priorité aux diplômés des instituts d'agronomie et non aux bénéficiaires du droit de jouissance qui ont prouvé leur échec. Certains députés ont émis des réserves quant à la réduction à 40 ans de la durée du droit de concession estimant qu'elle était courte pour l'exploitant. Le député Mohamed Alioui, secrétaire général de l'Union nationale des paysans algériens (UNPA) a fait part de "son mécontentement quant à la mise à l'écart des agriculteurs" lors de l'élaboration du projet de loi appelant à s'attacher au système de jouissance qu'il considère comme étant "le meilleur". "Où était l'Etat lorsque les terres relevant de son domaine privé étaient cédées de manière illégale en raison d'une circulaire ministérielle qui avait encouragé les agriculteurs et pourquoi faudrait-il qu'il réagisse aujourd'hui pour punir ces derniers", s'est-il interrogé.