Le Front Polisario a avisé lundi le Conseil de sécurité des Nations unies qu'il reconsidérera sa position vis-à-vis du processus de paix si l'ONU ne parvenait pas à assumer ses responsabilités et à résoudre rapidement le conflit entre le Front Polisario et le Maroc. Dans une lettre adressée au président du Conseil de sécurité, Sir Mark Lyall Grant, le représentant du Front Polisario à l'ONU, Ahmed Boukhari, souligne que ''le sang de plusieurs dizaines de citoyens sahraouis répandu ces derniers jours après l'attaque militaire marocaine était la conséquence malheureuse de l'incapacité du Conseil de sécurité à protéger la population sahraouie en vue de promouvoir une solution au différend entre le Sahara occidental et le Maroc qui permette l'autodétermination du peuple sahraoui, tel que requis par de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et du droit international''. Dans ce sens, il explique que le Maroc n'ayant pas respecté les obligations d'un occupant d'un territoire non autonome, telles que stipulées par les traités internationaux, l'ONU doit, en conséquence, veiller elle-même à ce que les droits et les intérêts du peuple sahraoui soient protégés par le système de paix et de sécurité internationales établi par la Charte des Nations unies dans son article 73. A ce propos, le représentant du Front Polisario soutient que ''le Conseil de sécurité doit, tout d'abord, assumer ses propres responsabilités en condamnant les attaques marocaines dans les termes les plus forts''. Deuxièmement, ajoute-t-il, le Conseil doit décider d'envoyer une mission d'enquête au Sahara occidental occupé, sous la direction du président de cet organe onusien. ''Une telle mission est essentielle pour établir un compte-rendu d'autorité sur les événements de la semaine dernière, et doit être chargée de faire un rapport, dans les plus brefs délais, au Conseil. Il est nécessaire, en particulier, d'établir si les attaques de la semaine dernière constituaient une violation du cessez-le-feu de 1991'', affirme-t-il. En outre, le Conseil doit "exhorter clairement le Maroc à permettre immédiatement à la Minurso un accès libre et sans entrave sur tout le territoire du Sahara occidental occupé'', relève M. Boukhari. Aussi, souligne-t-il, le Département des opérations de maintien de la paix de l'ONU doit signaler immédiatement au Conseil ''toute tentative de contrecarrer ses opérations et sa liberté de mouvement''. Dans sa lettre au président du Conseil de sécurité, le Front Polisario insiste sur le fait que les événements tragiques du 8 novembre exigent une ''rectification d'urgence des échecs passés du Conseil de sécurité en introduisant la mission de surveillance des droits de l'homme au sein de la Minurso, tel que recommandé par le Haut commissariat aux droits de l'homme de l'ONU en 2006. Sur ce point, le responsable sahraoui attire l'attention du président du Conseil de sécurité sur le fait que cet organe onusien ''avait jugé bon de reconnaître le lien entre la paix et la sécurité internationales et la protection des droits de l'homme dans chaque mission de paix menée depuis 1978 dans les conflits à travers le monde, et ce, à l'exception du conflit au Sahara occidental'' qui, insiste-t-il, ''ne peut pas rester la seule exception à la règle''. ''L'effusion de sang récente au Sahara occidental met en évidence la situation injuste d'un peuple contraint à se battre pour le droit légitime à l'autodétermination depuis plus de 35 ans avec la promesse, non tenue, d'un référendum approuvé par le Conseil de sécurité en 1991'', déplore-t-il. ''A l'heure actuelle, le processus de l'ONU n'est qu'un camouflage pour une occupation sans fin. La situation est une honte internationale'', regrette le responsable sahraoui. Après avoir présenté ces arguments, M. Boukhari souligne dans sa lettre au Conseil de sécurité que 'cette situation doit maintenant changer. "Nous sommes à la croisée des chemins. Le statu quo n'est plus une option. L'engagement continu par le Front Polisario dans ce processus a été mal interprété. Le peuple du Sahara occidental ne peut pas attendre indéfiniment un processus de l'ONU de plusieurs décennies, qui n'a permis rien d'autre qu'une occupation oppressive, le vol de ses ressources naturelles, et une population sahraouie divisée par un mur militaire fortifiée de 2.700 km''. Après des décennies de retards et d'obstruction, ajoute-t-il, il est temps pour le Conseil de sécurité de résoudre rapidement le conflit. "S'il n'y a pas de progrès dans un bref délai, le Front Polisario sera obligé de reconsidérer sa position vis-à-vis de l'ensemble du processus'', affirme encore le diplomate sahraoui. ''Si l'ONU ne parvient pas à s'acquitter de ses propres promesses répétées pour résoudre le conflit et ne parvient pas, non plus, à protéger notre peuple, nous serons obligés de le faire nous-mêmes'', prévient-il. Dans sa lettre, le représentant du Front Polisario fait également part au premier responsable du Conseil de sécurité, sur la base de récents rapports de témoins indépendants, que "les attaques marocaines avaient entraîné 36 décès de Sahraouis, plus de 700 blessés et 163 détenus''. Il observe, aussi, que les informations étaient difficiles à obtenir en raison de restrictions sévères imposées par le gouvernement marocain à l'accès à El-Ayoun et dans les régions avoisinantes, non seulement pour le personnel de la Minurso, mais aussi pour les représentants des ambassades étrangères, les envoyés internationaux, les parlementaires européens, les organisations humanitaires, les ONG et la presse internationale'. Le Conseil de sécurité devait tenir mardi après-midi une réunion consacrée aux derniers événements tragiques au Sahara occidental, suite à l'assaut militaire marocain contre le camp sahraoui de Gdeim Izik, au cours de laquelle un rapport sera présenté par le Département des opérations de maintien de la paix de l'ONU sur cette attaque armée. En prévision de cette réunion, le président du Conseil de sécurité avait reçu jeudi dernier le coordinateur sahraoui avec la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (Minurso), M'hamed Khaddad, et le représentant du Front Polisario à l'ONU.