La suppression de la gratuité de l'Aide Médicale de l'Etat (AME) suite à un forcing parlementaire du parti de la majorité (UMP) en France restreint l'accès aux soins des étrangers sans-papiers, une mesure décriée tant par la classe politique que par la société civile. Porté à bras-le-corps par le sénateur UMP Philippe Marini, ce projet a essentiellement pour objet d'"alléger" les dépenses de l'Etat en matière de sécurité sociale, un argumentaire qui a vite suscité l'ire du Parti socialiste dont le porte-parole à l'Assemblée, Jean-Marc Ayrault, a accusé "certains à droite" de construire une "passerelle avec l'extrême droite". "Avec ces amendements vous chassez sur les terres du Front national", avait commenté un autre socialiste, Jean Mallot. Le même ton est utilisé par le directeur des missions France de Médecins du Monde (MDM), Jean-François Corty, qui dénonce une "instrumentalisation de la médecine à des fins xénophobes". "L'initiative de ces députés UMP va à l'encontre de toutes les politiques de santé publique. Concrètement, on va laisser des gens mourir dans la rue, sous prétexte qu'on fait des économies ! Cela suit une logique de stigmatisation, qui met en avant des bouc-émissaires. On joue sur la peur de l'étranger. C'est une instrumentalisation de la médecine à des fins xénophobes", a-t-il martelé. Les professionnels de la santé, eux aussi, se sont montrés hostiles à cette "réforme", craignant d'éloigner des populations précaires des soins. "Les sans-papiers hésitent déjà à se faire soigner. Beaucoup arrivent dans nos centres lorsqu'ils sont vraiment malades. La vaccination recule dramatiquement", avait noté Médecins du Monde dans un rapport. L'Observatoire du droit à la santé des étrangers, dont la Ligue des droits de l'homme est membre, avait interpellé le gouvernement et les parlementaires pour demander le retrait des mesures privant les étrangers d'accès aux soins. "Si l'accès à l'AME se réduit trop, les sans-papiers vont attendre pour se faire soigner: Ils seraient donc pris en charge à un stade plus avancé de leur pathologie, au risque d'arriver quand ils ont besoin de soins urgents, toujours plus lourds et compliqués à mettre en œuvre", avait-il prévenu. Du côté des associations, on a crié aussi au scandale. L'association France Terre d'Asile s'est émue de cette mesure qui, selon elle, constitue une "aberration politique" et une "grave erreur du point de vue de la santé publique". Des organisations comme ATD quart monde, le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), la Cimade et Médecins sans frontières, dénoncent une mesure "discriminatoire" qui "prive les plus pauvres du droit à la santé". A en croire ses initiateurs, la réforme de l'AME vise à mener une offensive contre "l'explosion » du budget affecté auparavant à ce mécanisme. Selon le député Claude Goasguen, chargé par le groupe UMP d'un rapport sur le coût de l'immigration et par l'Assemblée nationale d'une étude sur l'AME et la couverture maladie universelle, cette aide a coûté 546 millions en 2009. "Ce budget en forte augmentation - +15% en un an - alimente les critiques des opposants à ce système, d'autant que l'AME coûte plutôt 700 millions d'euros par an, si l'on ajoute les rallonges régulières de l'Etat pour éponger les dettes", a-t-il opiné. Un argument battu en brèche par Jean-François Corty, de Médecins du Monde, selon qui "l'AME coûte environ 500 millions d'euros par an. Ce qui est une goutte d'eau par rapport au Budget de la Santé, évalué à 300 ou 400 milliards d'euros". Comme M. Corty, ils sont nombreux à croire que la raison financière invoquée pour mettre en œuvre la nouvelle version de l'AME est "fallacieuse" mais serait plutôt mue par la "peur de l'étranger". L'un des promoteurs de cette réforme, le sénateur UMP Philippe Marini, qui est le rapporteur général de la commission des finances au Sénat, avait tout récemment lâché que "la République française n'est pas une vache à lait pour des gens qui voudraient exploiter sa générosité". Plus cyniques, des politiques reprenaient comme un leitmotiv la phrase de l'ancien premier ministre socialiste Michel Rocard :"la France ne peut accueillir toute la misère du monde", tout en l'amputant de la suite: "Mais elle (la France) doit savoir en prendre fidèlement sa part". Ce ressentiment envers l'étranger a poussé certains politiques à se demander si, dans ce chapitre de la sécurité sociale, la France ne perdrait-elle pas son... AME.