Par Mme CHOUBEILA Bisker (*) // La problématique de la transition (d'une économie planifiée vers le libre marché), en Algérie, a poussé les pouvoirs publics depuis plus de deux décennies, à développer et à mettre en place toute une série d'aménagements législatifs afin d'asseoir un climat d'affaires des plus propices, sécurisant pour les investisseurs (nationaux et étrangers) sur le plan juridique et favorable au développement de la privatisation et de l'investissement. Les réformes engagées ont permis de doter l'administration publique d'instruments et de moyens adéquats pour soutenir l'émergence de la bonne gouvernance, la modernisation de l'économie et le développement d'une économie concurrentielle dans notre pays. Evolution du Cadre Réglementaire et Institutionnel du Climat des Affaires en Algérie : L'ordonnance n°01-03 du 20 août 2001 a, non seulement, instauré la stabilité juridique en matière d'investissement en particulier et du climat des affaires en général, mais aussi, permis le renforcement de ce climat par la promulgation d'une série de textes subséquents organisant le marché du foncier et délimitant les attributions des différents acteurs concernés. D'importantes avancées sont à souligner, il s'agit de : • l'ordonnance du 5 août 2006, qui est venu tracer les contours du marché foncier industriel du domaine privé de l'Etat et clarifier le dispositif de sa concession et de sa cession, elle vise, également, à développer un système d'offres transparent à des taux concurrentiels. Conscients de l'importance du foncier industriel dans le développement de l'investissement et la promotion du climat des affaires, les pouvoirs publics ont mis un terme à l'état de confusion qui caractérisait ce marché en publiant les textes d'application de l'ordonnance portant cession et concession du domaine privé de l'Etat. Il s'agit en particulier du décret portant création de l'agence d'intermédiation et de régulation foncière (ANIREF). Outre les aménagements apportés au cadre de l'investissement en juillet 2006, des améliorations substantielles des procédures en matière d'avantages fiscaux ont été introduites par l'ordonnance relative aux modalités de cession et de concession du domaine privé de l'Etat. • Les nouvelles dispositions relatives au réaménagement des statuts de l'ANDI (ordonnance N°47 du 15 juillet 2006) visant le renforcement des capacités institutionnelles du système de gestion des investissements et la suppression des dysfonctionnements liés à la pluralité des intervenants tout en apportant les améliorations tant attendues en matière de célérité dans le traitement des dossiers administratifs. De plus, au niveau des services publics, notamment, la justice, d'importants efforts ont été déployés par l'Etat dans le domaine du droit des affaires, de la sécurité juridique et judiciaire des investisseurs étrangers (diligence dans le traitement des contentieux et dans l'exécution des décisions de justice). Cet effort a également concerné des aménagements apportés au niveau des autres services publics tels que les douanes, le registre de commerce, le fisc ; cela s'est traduit par des améliorations des procédures techniques en termes de réduction des délais dans le traitement des dossiers d'investissement. La réforme a touché, également, le secteur des services, qu'il s'agisse des télécommunications ou des banques publiques ; même si le processus reste encore à parachever en ce qui concerne ces dernières. L'on a enregistré, durant l'année 2008, d'importantes avancées dans ce sens, il s'agit en particulier, de la transformation de la BAD en un fonds d'investissement doté d'un capital social de 1,5 milliard de $. Par ces rénovations institutionnelles et administratives, l'Etat tient à conforter ses prérogatives d'arbitrage et de régulation et à optimiser ses missions d'anticipation et de contrôle pour faire face à ses responsabilités dans la conduite de la protection de l'économie nationale. Les Caractéristiques du Climat des Affaires en Algérie : Quoiqu'à court terme, n'ayant pas encore déroulé tous leurs effets, les différents aménagements procéduriers apportés par les pouvoirs publics, se sont traduits par des améliorations encourageantes en termes de réduction des coûts et de délais. Les résultats obtenus laissent entrevoir une évolution positive de l'environnement institutionnel des affaires, en témoigne l'intérêt manifeste, ces derniers temps, à l'égard de notre pays. L'Algérie, qui a renoué ces dernières années avec la stabilité et la croissance économique, présente toutes les caractéristiques d'un environnement « prévisible », « sûr » et « attractif » à même de favoriser et de soutenir l'expansion des investissements étrangers. Notre pays enregistre des avancées significatives, notamment en ce qui concerne : La création d'entreprise : La création d'entreprise est soumise aux standards internationaux en la matière. L'instauration du guichet unique par l'ANDI et son adaptation à ses nouvelles missions (ouverture des guichets uniques à travers le pays), a permis la facilitation de toute opération de création. Les délais d'octroi d'autorisations dépendent de la maturation des dossiers des investisseurs. Le marché du travail : Au plan réglementaire, la loi 90-11, relative aux relations de travail, a fortement réduit le domaine de l'intervention de l'Etat en matière de fixation des salaires et de relations de travail donnant plein pouvoir aux négociations entre partenaires sociaux (conventions collectives). Le transfert de propriété : Notre pays a enregistré un bond significatif en ce qui concerne ce chapitre. En 2007, le nombre de procédures enregistrées pour effectuer un transfert de propriété en Algérie est réduit à deux opérations essentielles : • l'inscription au registre des hypothèques, • l'établissement de l'acte notarié pour transférer la propriété des biens immobiliers. L'obtention des prêts : Les prêts bancaires obéissent aux référentiels universels en ce qui concerne les règles prudentielles de leur allocation. L'obtention de crédits bancaires devant répondre aux critères de garantie et /ou de remboursabilité : hypothèque sur les biens immobiliers et le cash flow prévisionnel. Les délais d'octroi des crédits sont variables selon l'état de maturation des dossiers de crédit et la diligence des clients. La protection des investisseurs : Le code de commerce (outil de base du droit des affaires) garanti la sécurité juridique des actionnaires (nationaux ou étrangers). Les aspects liés au droit de propriété, les obligations commerciales et les règles générales des contrats, relèvent du code civil et sont soumis au régime des conventions internationales ou des contrats types : le contrat commercial, les contrats de concession commerciale et industrielle, les contrats de courtage (en bourse), les contrats de transport, les contrats d'assurances. Il est à noter que le droit civil algérien est très libéral, il favorise davantage le vendeur sur l'acheteur, raison pour laquelle, les contractants étrangers ont toujours optés pour l'application du droit algérien. Exécution des contrats : L'exécution des contrats commerciaux, objets de contentieux entre les parties contractantes, exige, en l'absence d'un pacte compromissoire, des expertises judiciaires pour délimiter les droits des parties. Les délais qu'impliquent les procédures contentieuses peuvent être longues (longs délais). Dépôt de bilan : Le dépôt de bilan d'une entreprise pour cessation de paiement peut donner lieu à un règlement judiciaire en cas de concordat accordé par des créanciers (maintien en vie de l'entreprise défaillante) ou à une liquidation judiciaire (dans le cas contraire). La cessation de paiement est prononcée de plein droit selon le code de commerce pour non paiement d'une seule facture quelqu'en soit la nature, même le juge saisi est tenu de l'invoquer d'office. Les délais que nécessite l'assistance judiciaire en terme d'audit financière du bilan (actif et passif) sont difficiles à évaluer en l'absence d'une expérience établie dans la pratique des tribunaux. Très peu de cas sont connus. Cependant, ces avancées ne semblent pas convaincre les institutions internationales, à l'instar de l'institution « DOING BUSINESS ». Après avoir , enregistré une faible évolution dans son rapport dévaluation 2007, par rapport à 2006, faisant passer notre pays de la 123e place à la 116e sur un ensemble de 175 pays. Notre pays, est classé pour l'année 2008 à la 130e place sur un ensemble de 181 pays. Une position peu convaincante en comparaison avec les scores enregistrés par les pays limitrophes, au niveau d'Etats autrement plus sous développés au plan institutionnel. Tout en reconnaissant que notre pays se classe parmi les Etats ayant fait le plus de réformes, le rapport s'en détache en ce qui concerne les effets en termes de facilitation et d'amélioration de l'environnement institutionnel. Au delà du système d'évaluation lui même, dont le caractère critiquable est partagé par un bon nombre d'analystes, l'on est en droit de nous interroger sur la fiabilité de l'information statistique collectée par cette institution. Les données relevées ne reflètent même pas la réalité du terrain ; à titre d'illustration les données relatives à la création d'entreprise, ne sont pas au nombre de 14 opérations mais beaucoup moins, elles sont au nombre de six au maximum. C'est une incohérence manifeste qui affecte le système d'évaluation de « doing business ». Les mêmes appréhensions se vérifient en ce qui concerne notamment les indicateurs de mesure des facilités liées « au transfert de propriété » faisant ressortir un nombre de 14 opérations face à 7 opérations (pays de la région) et la durée qu'impliquent ces procédures serait de 51 jours pour notre pays face à 37 jours pour les pays limitrophes de la région. De telles données ne peuvent que susciter des interrogations sur la crédibilité de leurs sources. Le transfert de propriété d'un bien immobilier ne nécessite en réalité que deux procédures dans notre pays : • l'inscription au registre des hypothèques, • l'établissement de l'acte notarié. Deux procédures légales régissent en réalité le transfert de propriété d'un bien immobilier quelqu'en soit la nature ou le bénéficiaire, y compris les étrangers. La durée de 51 jours, relève de l'imaginaire des rédacteurs du rapport, en disproportion totale avec la réalité du terrain. Les mêmes observations peuvent être formulées à l'infini sur les autres indicateurs (obtention des prêts, exécution des contrats, protection des investisseurs). Il est clair que le système de classification de « doing business », loin de jouer son rôle d'instrument d'évaluation objectif, ne peut être perçu que comme un moyen de pression tactique visant tout simplement à orienter les réformes des pays en développement vers un libéralisme plus poussé. La mise en compétition évaluatrice des dits pays en transition à l'économie de marché confirme ce soupçon. Les réformes qui restent à faire dans notre pays dans le domaine institutionnel, des libertés économiques et de la gouvernance des services, restent très importantes, mais s'il est nécessaire et urgent qu'elles soient accomplies, elles ne doivent pas, pour autant, déboucher sur un mouvement de déréglementation pure et simple et l'autorégulation par le seul marché s'agissant de politiques des réformes sensibles à plusieurs titres en ce qui concerne notamment, l'équilibre des intérêts catégoriels de la société. D'ailleurs, l'ouverture très large de l'économie nationale sur l'extérieur a exposé, dans le passé récent, notre pays à de sérieux abus d'évasion et de transfert frauduleux de capitaux par la voie bancaire et douanière. En ces temps de crise financière internationale et pour lutter contre ces fléaux et faire face, en même temps, à ladite crise, les pouvoirs publics viennent de prendre par le biais du premier ministre deux instructions édictant de nouvelles mesures applicables : • Aux investissements étrangers et aux transferts de capitaux à l'étranger (instruction N°61), • A la réduction des importations et la promotion de la production nationale (instruction N°62). Ces directives revêtent, face à la crise financière internationale, une importance particulière dans le sens ou elles édictent dans l'intérêt national comme le souligne leurs exposés des motifs, des mesures d'assainissement et de remise en ordre du droit national régissant l'investissement étranger, lequel est jugé, faut il le souligner à juste titre, très permissif. Les dispositions de ces directives n'affectent pas, au demeurant, le principe de la liberté d'investissement et son corollaire le droit de transférer les bénéfices auquel notre pays a souscrit. Aucun grief ne peut être, du reste, adressé à ces directives qui ne font qu'énoncer en toute souveraineté, des règles purement préventives pour protéger l'économie nationale contre les conséquences dommageables éventuelles de la crise financière internationale, comme cela se passe actuellement, sous d'autres cieux, y compris dans les pays de forte tradition libérale. C'est à bon droit que le gouvernement a pris ces mesures que l'on peut qualifier d'urgentes (en attendant leur insertion dans les textes législatifs) pour sauvegarder les intérêts de notre pays dont il est le premier garant.