Pour avoir protesté contre le débat sur l'islam et les discriminations contre les musulmans en France, Abderrahmane Dahmane a été limogé ce vendredi 11 mars de son poste de conseiller de Nicolas Sarkozy et son téléphone mobile coupé par l'Elysée. TSA a pu le joindre pour un entretien. Que s'est-il passé exactement ? Hier nous avons fait une réunion de l'ensemble des musulmans à la Mosquée de Paris. Pour nous, il s'agissait simplement de mettre fin à ce débat honteux. Ce débat qui discrimine et stigmatise les musulmans de France. Comme vous le savez, la communauté algérienne et d'origine algérienne est majoritaire et elle est musulmane. Peu importe, que ses membres soient pratiquants ou non pratiquants, ils sont respectueux de la République et de ses valeurs. D'autant plus que ces musulmans qui vivent ici n'ont pas acquis leur nationalité par la mendicité. Ils se sont battus pour cette France. Ils se sont battus pour ses valeurs. En 14‐18, 50 000 musulmans sont morts à Verdun. En 39‐45, ils ont répondu présents pour chasser l'ennemi nazi. A partir du moment où ce sont des citoyens à part entière, il était pour moi exclu d'initier un débat sur l'islam en France. J'ai personnellement informé le président à plusieurs reprises que ce débat est contre‐productif. Et qu'il ne pouvait pas intéresser la population française étant donné que le problème est la crise en France, le chômage, le logement... Il fallait s'occuper de ces vrais problèmes des Français au lieu de s'occuper des religions. Le débat sur l'islam doit se faire dans les mosquées tout comme le débat sur le judaïsme doit se faire dans les synagogues et le débat sur le christianisme doit se faire dans les cathédrales. Mais vous soutenez Nicolas Sarkozy depuis 2003... J'ai pensé que j'avais un accord avec Nicolas Sarkozy. Un accord d'amitié. Il ne peut pas dire un jour je suis l'ami des musulmans et un autre jour lancer des débats et les confier à des personnes qui sont de réelles pestes pour les musulmans dont Copé (ndlr : Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP), ses adjoints et certains de ses partenaires qui sont très proches du Front national. Nous n'avons pas adhéré et milité au sein de l'UMP et nous n'avons pas soutenu Sarkozy pour qu'il nous mette dans une situation de discrimination et de stigmatisation. Je ne suis pas le supplétif alimentaire ni de Nicolas Sarkozy, ni de Copé et encore moins d'autres personnes. Et c'est pour cette raison que j'ai rassemblé des élus de droite, de gauche, du centre ainsi que l'ensemble des associations de banlieue et j'ai dit clairement et nettement que Copé est une peste pour les musulmans et je continue à le maintenir même si Sarkozy a envie de se séparer d'un homme qui est loyal est fidèle. Mais je suis loyal d'abord à ma communauté. La communauté musulmane. Aujourd'hui, certains pensent que les musulmans en France ont le droit de raser les murs et de se taire. Moi, je dis : on ne peut pas accepter cette situation. Les musulmans ont une valeur, une bravoure. Ils ont su se battre à travers les temps contre toutes les discriminations et contre tous les racismes. Je me suis dit : il faut qu'on donne une leçon à ces apprentis de la laïcité qui n'ont rien vu venir. Ils n'ont pas vu que le monde arabe est actuellement en pleine ébullition démocratique. Les Français d'origine algérienne, qui sont majoritaires dans ce pays, sont respectueux de la légalité. Mais ils ne vont pas se laisser faire. Nous n'allons pas prendre le bateau pour partir comme une certaine députée UMP l'a dit à l'assemblée nationale. Que vous a reproché Nicolas Sarkozy ? Malheureusement, Nicolas Sarkozy a fait une grosse connerie. Il a suivi certains de ses conseillers. Il me reproche d'avoir critiqué le débat et d'avoir critiqué son parti. Pour moi, le parti qui est l'équivalent du Front national, je le critique. Je suis un militant associatif. J'ai rejoint Nicolas Sarkozy à sa demande. Tout le monde le sait : en 2003, je n'étais pas d'accord sur certaines de ses propositions. J'ai joué le jeu pendant 8 ans. Mais je ne jouerai pas le jeu du fascisme. Je ne jouerai pas le jeu de l'exclusion. Avez-vous l'impression qu'il existe aujourd'hui une volonté du président Sarkozy d'attaquer et d'exclure les musulmans ? Bien sûr, notamment à partir du moment où le président maintient un débat qui est rejeté par tout le monde, y compris par Alain Juppé et François Fillon. Nicolas Sarkozy se trompe en cherchant à être réélu en 2012 avec les voix du Front national. Parce que c'est la voie de la diversité qui lui a permis d'être élu en 2007. En 2012, nous ferons barrage au fascisme. On fera barrage au Front national. On fera barrage aux amis du Front national. Cela veut-il dire que vous appelez à ne pas voter Nicolas Sarkozy en 2012 ? Aujourd'hui, j'appelle à voter contre l'UMP à toutes les cantonales. Et nous attendons la réaction du président. Le débat sur l'islam n'est pas tabou mais le débat qui veut faire des musulmans des boucs émissaires, il n'en est pas question. Avez-vous discuté aujourd'hui avec Nicolas Sarkozy ? Je ne cherche pas à discuter avec les gens qui s'associent au Front national.