Hamid Guemache et Merouane Mokdad TSA/ Le professeur Kamel Bouzid, chef du service d'oncologie médical au centre Pierre et Marie Curie d'Alger (CPMC) et président de la Société algérienne d'oncologie médicale, a dénoncé, lundi 10 octobre, l'état lamentable des centres de radiothérapie en Algérie et la pénurie de médicaments et de réactifs pour le traitement des cancers. « Sur 44000 nouveaux cas de cancer enregistrés chaque an en Algérie, 28000 nécessitent un traitement par radiothérapie. Sur ces 28 000, seuls 8000 malades sont traités par radiothérapie, faute de moyens. 20 000 malades ne sont pas traités », a-t-il indiqué sur la radio Chaîne III. Les capacités nationales en radiothérapie permettent le traitement de 8000 cancéreux par an. Le Pr Bouzid a confirmé la fermeture du centre de radiothérapie du CPMC pour des raisons de maintenance. « Le service de radiothérapie est dans une situation calamiteuse. Cette situation dure depuis plusieurs années. Pour des raisons liées à la maintenance, les rendez-vous (de radiothérapie) sont fixés au mois de juin 2012 pour les malades qui se présentent maintenant », a-t-il révélé. Résultat : 80% des cancéreux ne se présentent pas le jour du RDV parce qu'ils sont décédés. « Les malades sont traités dans des délais inacceptables du point de vue médicale », affirme le Pr Bouzid. « C'est une triste réalité. Je connais des médecins en radiothérapie qui pleurent tous les jours lorsqu'ils reçoivent des appels sur le téléphone portable annonçant le décès de l'un de leurs patients, lesquels attendaient un traitement qui n'arrivait pas », a-t-il ajouté. Aujourd'hui, a-t-il dit, seuls deux centres de radiothérapie fonctionnent : Blida et Ouargla. Les autres machines sont à l'arrêt pour des raisons différentes. « On a dénoncé cette situation. Des milliers de patients ne reçoivent pas leur traitement. Donner des RDV pour juin 2012 pour des malades qui se présentent en octobre 2011, excuses moi c'est de la fumisterie. Vaux dire, on ne peut pas vous traiter », a ajouté le Pr Bouzid qui propose d'envoyer les malades nécessitant une radiothérapie à l'étranger, en attendant l'acquisition des équipements nécessaires pour leur traitement en Algérie. « Le plan d'acquisition d'équipements ne sera complet qu'en 2014 », a-t-il dit. Deux ministères qui se rejettent la responsabilité Pour le Pr Bouzid, le ministère de la Santé et celui du Travail et de la sécurité sociale sont responsables de la prise en charge des cancéreux. « Le ministère du Travail dit que ce problème ne concerne pas. Avant 1994, les cancéreux étaient pris en charge à l'étranger », a-t-il expliqué. Depuis cette date, les demandes de prises à l'étranger sont « rejetées » par la Sécurité sociale qui dépend du ministère du Travail, a ajouté le Pr Bouzid. Récemment, le ministre de la Santé et la Réforme hospitalière, Djamel Ould Abbes a annoncé l'acquisition de 57 accélérateurs et la construction de nouveaux centres durant le premier semestre 2012. Reste cette question : pourquoi certains appareils ne sont pas fonctionnels ? « Il y a beaucoup facteurs. L'un d'eux est lié aux professionnels de radiothérapie eux même. C'est à eux qu'il faudra poser la question. Cela fait quinze ans que ce problème est soulevé, pourquoi a-t-on arrivé à cette situation calamiteuse ? La radiothérapie est l'une des armes thérapeutique du cancer et qui n'est pas accessible aux algériens », a expliqué le médecin. Il a rappelé que le président Bouteflika avait déclaré que « la lutte contre le cancer est une priorité nationale ». Des ruptures de médicaments qui durent depuis 20 ans Le chef du service oncologie du CPMC a affirmé que les ruptures de médicaments et de réactifs sont cycliques dans le secteur depuis 20 ans. « L'Etat a mis les moyens qu'il faut en terme d'argent. On n'explique pas pourquoi le médicament n'arrive pas à temps. Cela fait 20 ans qu'on est en rupture cyclique de médicaments », a-t-il noté regrettant que les prévisions ne soient jamais respectées par les distributeurs, les pharmaciens et les gestionnaires des hôpitaux. Il a cité l'exemple des produits traitants du cancer du sein touchés par une pénurie depuis plus d'une année. « Les prévisions établies par les prescripteurs en septembre ne sont pas respectées », a indiqué le Pr Bouzid qui cite un exemple : « j'ai fait la prescription de 32000 flacons d'un médicament (traitement du cancer du sein) pour 350 nouveaux malades. Les pharmaciens et les gestionnaires ont commandé 10000 flacons, c'est-à-dire un tiers de la prescription ». « On nous parle de loi de finance et de lettre crédit, ce n'est ni mon problème en tant que médecin ni celui de mes malades », a-t-il ajouté.