«Le service de radiothérapie est dans une situation calamiteuse depuis plusieurs années», a déploré le professeur Kamel Bouzid, chef du service d'oncologie médicale au centre Pierre-et-Marie-Curie d'Alger (CPMC) et président de la Société algérienne d'oncologie médicale, dans un entretien accordé à la Chaîne III de la Radio nationale dont il était l'invité de la rédaction. Les rendez-vous de radiothérapie sont fixés au mois de juin 2012 pour les malades qui se présentent aujourd'hui, fait-il savoir. Ce sont des délais totalement inacceptables du point de vue médical, ajoute-t-il. Il confirme que 80% des cancéreux décèdent avant le jour du rendez-vous. Il indique que des médecins en radiothérapie pleurent, lorsqu'ils reçoivent des appels annonçant le décès de l'un de leurs patients qui attendaient un traitement, qu'ils n'ont pas reçu à cause des délais de rendez-vous trop longs. Seuls les centres de Blida (qui ne peut pas recevoir tous les patients) et de Ouargla (destiné aux patients du sud du pays) fonctionnent. Cette situation est due au défaut d'équipements, dit-il. Un plan d'acquisition d'équipements existe pour 2014, fait-il observer, et la construction de centres est en cours, mais, entretemps, des milliers de patients ne reçoivent pas leur traitement. Pour le Pr Bouzid, la responsabilité des ministères de la Santé et du Travail et de la Sécurité sociale est engagée dans cette situation. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale s'estime non concerné mais, fait remarquer le Pr Bouzid, les cancéreux étaient pris en charge à l'étranger. Or, depuis dix ans, les demandes de prises en charge à l'étranger — «pas nécessairement en France», précise-t-il — sont rejetées par la Sécurité sociale, qui estime que les prises en charge doivent se faire ici. Il demande que les malades bénéficient d'une prise en charge à l'étranger, en attendant de pouvoir le faire en Algérie. Les soins, «gratuits», insiste le Pr Bouzid, dispensés en Algérie, coûtent 250 à 300 millions de centimes par an et par malade. Il faut prévoir le diagnostic précoce, dit-il, car, pour le cancer du sein, par exemple, le coût de la prise en charge précocement est de 300 000 DA (pour une guérison entre 95% et 100% des cas), alors qu'au stade 4 (métastase), il faut 5 millions de dinars pour une espérance de vie de 5 ans dans trois quarts des cas. Sur la base d'estimations juste à plus ou moins 20%, dit-il, le nombre de cas nouveaux de cancers en Algérie est de 110/100 000 habitants, ce qui donne 44 000 cas par an, dont 10 000 sont des cancers du sein. Le sort de 28 000 patients dépend des délais de rendez-vous. Les capacités de traitement radiothérapique sont de 8 000 patients. Le Pr Bouzid souligne que le cancer est réellement un problème en Algérie. Le plan anticancer, jusqu'à 2014, doit être mis en œuvre. Il fait observer que le Président Bouteflika a déclaré que la lutte contre le cancer est une priorité nationale. Quant aux ruptures de médicaments, elles sont cycliques depuis longtemps, fait-il constater. Les prévisions établies par les prescripteurs sur une année ne sont pas respectées par les distributeurs, les pharmaciens, les fournisseurs et le ministère de la Santé. Ainsi, affirme-t-il, sur une prévision de 32 000 flacons d'un médicament pour le traitement du cancer du sein, les gestionnaires en ont commandé 10 000. L'Etat met à disposition l'argent. Pourquoi le médicament n'arrive-t-il pas à temps ? s'interroge-t-il. Chacun doit faire son travail, estime le Pr Bouzid.