Le spécialiste marocain en groupes islamises, Mohammed Dharif, pense que le mouvement d'Al-Qaida n'était qu'un phénomène médiatique exploité par des pays occidentaux et arabes qui ont montré une certaine exagération en l'amplifiant médiatiquement, afin d'atteindre des objectifs politiques bien précis. Il affirme, également, qu'après 10 ans de l'attentat qui a ciblé le bâtiment du World Trade Center, on assiste à un effondrement rapide d'Al-Qaida, prévoyant une prochaine alliance entre courant Djihaddiste et les pays occidentaux, prenant pour exemple les résultats de la guerre en Libye. El Khabar : Quels sont les changements qu'ont apportés les attentats du 11 septembre, dix années plus tard ? Mohammed Dharif : le monde a observé une série de grands changements, notamment auprès des régimes occidentaux libéraux, ce qui a eu des effets sur leurs partenaires dans le monde arabe. Quatre changements primordiaux ont eu lieu, on a, notamment, le retour à la notion de l'Etat, qui fut limitée chez les pays occidentaux, avant le 11 septembre, dans la protection des Droits et des libertés individuelles. Les occidentaux ont renoué avec le principe de sauvegarde de la sécurité et la stabilité au détriment des Droits et des libertés individuelles. Il a, également, fermé les yeux sur plusieurs dépassements en terme d'atteinte aux Droits de l'Homme. Quant au deuxième revirement, il consiste en la disparition de la notion de la souveraineté sécuritaire des Etats, puisque les services de sécurité sont obligés de coopérer avec les services secrets de sécurité occidentaux, notamment, américains sous motif de la guerre internationale contre le terrorisme, ce qui a justifié la disparition de la notion de la souveraineté nationale. Alors que le troisième revirement, consiste dans le fait que l'occident a prémédité de confondre entre le terrorisme et la résistance, tels qu'était le cas pour les questions de la résistance palestinienne et du peuple Tchéchènes. Le dernier des revirements consiste en l'effort des occidentaux de ne pas confondre entre les deux mouvements religieux, le premier Salafiste, par ses deux fractions, extrémiste et traditionnel, d'une part, et entre le courant islamique politique modéré et le courant Sophiste de l'autre. C'est deux courants qui ont été soutenus par les occidentaux et qui en les associant veut en parvenir à un Islam libéral, comme une nouvelle notion. El Khabar : comment voyez-vous l'impact d'Al-Qaida comme organisation sur la carte géographique ? Mohammed Dharif : le mouvement d'Al-Qaida a été amplifié, ainsi que certains régimes arabes, par les occidentaux, afin d'atteindre certains objectifs politiques. On peut constater cela à travers plusieurs indicateurs, notamment, le bilan des opérations menées par Al-Qaida depuis sa création. On peut citer, dans ce contexte, l'attentat qui a ciblé l'ambassade américaine à Dar Es Salam et les attentats perpétrés en Arabie Saoudite avant d'atteindre le sommet par les attentats du 11 septembre 2001 et après ça les attentats de Madrid et de Londres. Tous ces attentats restent limités par rapport aux appels illimités de Ben Laden de s'attaquer à l'occident. El Khabar : Quel en est l'avenir, à votre avis, d'Al-Qaida après la mort de son fameux leader ? Mohammed Dharif : Al-Qaida est un phénomène médiatique qui surgit pour des raisons politiques et qui est entrain de s'effondrer suite à la mort de Ben Laden, suivi par Abderrahmane El Misrati, puis l'arrestation de Younes El Mauritani, il y a quelques jours. Cet effondrement s'explique par le fait que les renseignements américains et pakistanais maitrisaient parfaitement le jeu, à travers le timing qu'ils ont choisi pour abattre Ben Laden, un événement qui a été exploité par le président américain Obama dans sa campagne électorale. Al-Qaida comme idée pour faire face à l'occident et aux régimes impérialistes restera, mais pas Al-Qaida en tant qu'organisation terroriste. On verra, à l'avenir, une certaine entente entre les Djihaddiste et l'occident, et ce qui se passe actuellement en Libye est un indicateur à prendre au sérieux.