Ce tableau est un des plus célèbres de l'histoire de la peinture et une des pièces-maîtresses de la collection du Musée du Louvres. Peint en 1834 par Eugène Delacroix, il s'agit d'une huile sur toile de grand format (hauteur, 180 cm ; largeur, 229 cm). Il est censé représenter l'intérieur d'un harem algérois, au début de la colonisation française et comporte quatre personnages féminins : trois femmes étendues ou assises sur un tapis et une servante noire, debout, au bord droit du tableau et se retournant tout en marchant vers une des femmes. Ce dialogue silencieux entre les deux personnages donne d'ailleurs, au tableau un dynamisme qui rompt avec la statique habituelle des sujets de l'orientalisme et du classicisme. Il y a là quasiment un effet photographique. Eugène Delacroix a fait un seul voyage au Maghreb, en juin 1832, accompagnant le Comte de Mornay, chargé de mission auprès du sultan marocain Moulay Abderrahmane, avant de se rendre à Alger où il ne passera que quelques jours. Il ramène de nombreux croquis et aquarelles qui lui serviront jusqu'à sa mort. Il déclara avoir tiré le fameux tableau de la visite autorisée du harem d'un notable ottoman. L'œuvre, réalisée après son retour en France, est exposée pour la première fois au Salon de Paris de 1834 et suscite aussitôt des réactions diverses où s'illustrent entre autres Baudelaire et Victor Hugo. Le peintre Renoir, par ailleurs inconditionnel de la colonisation, déclarera : « Il n'y a pas de plus beau tableau au monde ». Il s'agit sans conteste d'une œuvre admirablement composée et qui, en restant marquée par la vision orientaliste, rompt avec ses exagérations picturales. Les historiens de l'art estiment qu'elle marque un moment dans l'évolution de la peinture. Certains éléments comme l'oreiller de la femme de gauche ou la rose dans la chevelure de celle de droite ne sont représentés que par des points de couleurs, sans contours ni aplats, préfigurant ainsi la manière impressionniste. Le critique conservateur Gustave Planche qui hait le tableau en montre paradoxalement la modernité en soulignant qu'elle est « réduite à ses seules ressources, des couleurs et des formes dans l'espace ». C'est cette pré-modernité qui attirera sans doute Picasso qui peint en 1954 une série de 15 tableaux et deux lithographies abstraites sous le titre Femmes d'Alger. Deux écrivains algériens se sont attachés à ce tableau. Rachid Boudjedra, dans son essai Peindre l'Orient s'il lui reconnaît une « très belle facture », y trouve « quelque chose de faux et de gênant ». Assia Djebar publie en 1980 un recueil de textes éponyme du tableau où elle décortique le regard du peintre en le confrontant à des vécus de femmes.