Vous l'avez sans doute aperçu, vêtu d'une robe ou coiffé d'un bob, sur les plages de Souk El Tenine, Aokas, Tichy ou Boulimat. On vous a probablement proposé de poser en photo avec lui sur la plage des Sables d'Or de Zéralda ou dans certains points de restauration à Staouéli. Le singe magot, seul singe d'Afrique du Nord et seul macaque hors d'Asie, a beau être protégé par la loi algérienne et par la Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées d'extinction, il n'a jamais été aussi menacé. A tel point que l'espèce a fait l'objet de recommandations par les experts internationaux pour une révision de son statut. En théorie, il est interdit de le capturer, de le vendre et de l'acheter ou encore de le transporter. Dans les faits, il est clandestinement vendu en tant qu'animal de compagnie en Algérie et en Europe ou pour des photos payantes sur les sites touristiques. Un recensement est en projet pour estimer de manière fiable la population de singes magot en Algérie, mais les spécialistes du macaque sont inquiets. Ils estiment que les effectifs ont dramatiquement chuté depuis trente ans. Pour la troisième année, l'association Amazer N-Kefrida, basée à Taskriout, à l'est de Béjaïa, a mobilisé une vingtaine de ses bénévoles pour animer une caravane de sensibilisation pour la protection du singe magot, avec des associations partenaires et le sponsoring de parcs européens. La direction régionale des douanes de Sétif ainsi que les inspections divisionnaires des douanes de Béjaïa et de Jijel sont aussi parties prenantes de cette campagne. « Jusqu'au 25 août, nous sillonnerons les plages de la wilaya de Béjaïa et nous envisageons d'aller jusqu'à Tizi Ouzou et Jijel », nous précise Mustapha Haddad, le président de l'association. « Nous installons sur chaque site une grande tente, lieu d'exposition et de distribution de 40 000 dépliants, en français et en arabe. Nous y recevons aussi les enfants des colonies de vacances. » Objectif : aller au devant des vacanciers pour les avertir des agressions qui mettent en péril la survie de l'espèce, toutes du fait de l'homme. Explications. Il fait l'objetd'un commerce illégal Le journal sur le commerce des espèces sauvages, Traffic Bulletin, rapportait en janvier 2008 que le déclin des populations de singes magot en Algérie et au Maroc ces dernières décennies est imputable, en grande partie, au commerce illégal des animaux de compagnie, et ce depuis la fin des années 90. « Un singe capturé est vendu en Algérie pour 3000 DA. Quelques jours après, il est revendu en Europe entre 80 000 et 100 000 DA », écrivait Saïd Lacete dans un reportage pour le Jeune Indépendant, en 2006. Si ce trafic prospère, souligne une thèse menée à l'université d'Oxford sur le commerce illégal de singes magot, c'est en partie à cause du contrôle insuffisant ou inefficace à l'entrée des pays. Son régime alimentaire est perturbé En donnant à manger aux singes, l'homme contribue à modifier leur régime alimentaire et à favoriser une promiscuité indésirable avec l'animal. Quand vient l'hiver, les macaques se rapprochent des habitations pour y chercher la nourriture qu'ils ont l'habitude de recevoir le reste de l'année et des conflits éclatent avec les habitants. « Des incidents sont déjà survenus à Béjaïa, à la cité des Oliviers périphérique au Parc national de Gouraya, relève l'association Amazer N-kefrida, où des singes n'hésitent pas à entrer furtivement dans les habitations pour y voler des aliments. » Nourrir artificiellement un singe est, de toute manière, très nocif à sa santé, car la recherche d'aliments dans la nature lui permet d'entretenir leur bonne condition physique. « Cela contribue également à l'apprentissage des petits accompagnant les adultes, généralement sur le dos, en relation avec le choix des aliments – utiles et nuisibles – et les autres éléments de l'habitat nécessaires à leur survie dans le futur – telles que les espèces prédatrices », insiste Farid Belbachir, chercheur à la Société zoologique de Londres et concepteur des dépliants de l'association. « Par ailleurs, cela favorise aussi une augmentation “artificielle” des effectifs des populations, conséquence d'une reproduction plus élevée, en déséquilibre avec les potentialités limitées du milieu. D'autant plus que le prédateur naturel principal du singe magot, le léopard, contribuant à la régulation naturelle des effectifs de ce dernier, a été exterminé par l'homme. » Enfin, plus directement, de la nourriture avariée ou contaminée peut aussi contribuer au déclin des populations, comme le laisse penser la découverte récente de plusieurs cadavres de singes magot dans les gorges de Chaâbet El Akhra par l'association. Son habitat est de plus en plus dégradé Pollution des oueds, incendies, coupes de bois incontrôlées, défrichage sauvage pour l'ouverture de carrières ou l'exploitation de la pierre taillée, notamment en Kabylie, la forêt, milieu naturel des singes magot est de plus en plus agressée. « Or, les arbres sont très importants pour eux », souligne Farid Belbachir. « Les jeunes les utilisent pour leurs activités, les adultes s'y réfugient en cas de danger et s'y perchent pour passer la nuit. » Un phénomène accentué par la sécheresse prolongée relative au changement climatique. « La première naissance en 1997 était enregistrée le 7 mars, précise Mustapha Haddad. Elle a avancé au 5 février en 2005 et à fin janvier pour 2007 ».