A peine 24 heures après l'attentat kamikaze qui a ciblé l'Ecole supérieure de la gendarmerie des Issers (Boumerdès) qui a enregistré le plus lourd bilan en pertes humaines de ces 13 dernières années, voilà que les hordes terroristes frappent une nouvelle fois de manière synchronisée en deux endroits au niveau de la ville de Bouira. Deux attentats kamikazes ont été perpétrés hier tôt le matin. Le premier a été commis à 6h10 au niveau du grand boulevard de la ville et a ciblé des travailleurs de la société canadienne SNC-Lavalin ; le deuxième a visé le siège du secteur opérationnel militaire de Bouira, situé en plein milieu d'une cité d'habitations appelée la Cadat. Bouira : De notre bureau Le double attentat a fait 12 morts et 44 blessés. La première explosion, de forte intensité, a dévasté l'agence commerciale de Djezzy, une compagnie privée de téléphone et une partie de l'hôtel Sofy, juste après qu'un véhicule de marque Renault Clio ait foncé à vive allure sur un minibus de marque Toyota transportant des travailleurs de la SNC-Lavalin, dont le chantier est implanté dans la commune de Djebahia (22 km au nord-ouest de Bouira). Cette dernière est chargée des travaux de construction d'une station de traitement des eaux du côté du barrage de Koudiat Asserdoune (Lakhdaria). Les victimes, toutes des travailleurs algériens, résident à Bouira ou dans les wilayas limitrophes. Certaines d'entre elles habitent dans une villa située dans les alentours du lieu du drame. Selon certains témoins, le kamikaze a profité de la présence d'un nombre important de travailleurs qui s'apprêtaient à monter dans le minibus pour foncer droit sur eux. Pour certains employés de l'hôtel Sofy, touchés par la déflagration, c'est l'hôtel qui était visé, puisque ce dernier est réputé pour avoir toujours été le lieu où des délégations, notamment officielles et d'étrangers, séjournent. Le ministre des moudjahidine présent à Bouira pour la célébration du double anniversaire du 20 août 55-56 représentait, pour d'autres, la cible probable du kamikaze. Selon certains, le kamikaze aurait changé de cible au moment où il s'était rendu compte qu'aucun dispositif officiel ne se trouvait sur les lieux. C'est ainsi qu'il aurait profité de la présence de ces malheureux travailleurs pour faire le maximum de victimes. Ainsi, les deux véhicules ont été transformés en ferraille et l'attentat a suscité la panique parmi les habitants des immeubles mitoyens, où l'on dénombre des dégâts matériels considérables. Les stigmates d'un souffle de la déflagration sont visibles sur les façades des immeubles, dont celui où se trouve le bureau d'El Watan. Traumatisé, Ahmed, la quarantaine, propriétaire d'une cafétéria se trouvant juste en face du lieu de l'attentat, témoigne : « J'étais à l'intérieur en train de servir des clients quand la déflagration nous a surpris. Une nuée de poussière s'est élevée au moment où nous venions juste de réaliser qu'il s'agissait d'une bombe. Dieu merci, nous y avons échappé par miracle, mais le spectacle n'était pas du tout beau à voir, des lambeaux de chair humaine éparpillés sur plus de cent mètres à la ronde. » Même témoignage de désespoir hier à Bouira. Ici, l'on dénombre 12 morts parmi les travailleurs de la société Lavalin dont nous détenons la liste nominative de 11 identifiés. Le douzième, complètement déchiqueté par la déflagration, est en cours d'identification, apprend-on de sources hospitalières. De l'autre côté de la ville, à la Cadat plus précisément, lieu du deuxième attentat à près de 5 minutes d'intervalle seulement du premier. La déflagration a causé des dégâts matériels énormes, notamment au niveau de l'infrastructure militaire, d'une cité militaire située en face, de la chambre d'agriculture, de la DSA et des habitations mitoyennes. A notre arrivée sur les lieux, la fumée était toujours visible et les présents, des habitants de cette cité pour la plupart, étaient pris de panique devant l'énormité des dégâts occasionnés. Des sources sécuritaires sur place nous ont indiqué que le kamikaze, à bord d'un véhicule commercial de marque Peugeot Partner, bourré d'explosifs, a foncé sur le portail de cette caserne. Officiellement, il n'y a pas eu de victimes parmi les militaires présents sur les lieux, sauf que d'autres sources avancent le bilan d'au moins deux morts et quatre blessés ayant été directement évacués sur l'hôpital militaire de Aïn Naâdja (Alger). Une victime rencontrée à l'hôpital de Bouira, toujours sous le choc, témoignait : « J'étais chez moi quand j'ai entendu la première déflagration et pour savoir ce qui se passait, j'ai accouru à l'extérieur. A ma sortie, de la cage d'escalier, une autre explosion se fait entendre juste en face de moi. C'est l'horreur. L'intensité de la bombe était tellement forte que l'on a cru que c'était un séisme. » Par ailleurs, de nombreuses scènes d'hystérie insoutenables ont eu lieu au service des urgences de l'hôpital Mohamed Boudiaf de Bouira où les victimes ont été acheminées. Plusieurs personnes, des femmes et des hommes de tout âge sont venus s'enquérir de la situation de leurs proches. Des spécialistes des questions sécuritaires corroborent la thèse de l'existence d'une filière terroriste spécialisée dans l'explosif au niveau de cette wilaya. Mais quoi qu'il en soit, pour le ministre de la Santé, Saïd Barkat, qui s'est déplacé au chevet des victimes de ces deux attentats à l'hôpital de Bouira, les commanditaires de ces actes ne sont que « des lâches et des peureux qui intentent à la vie de simples travailleurs sans défense ». Sur un autre registre, le ministre a réitéré la détermination de l'Etat algérien à poursuivre la lutte antiterroriste. A noter enfin que le programme de la visite du ministre des Moudjahidine, Mohamed Chérif Abbas, et du secrétaire général de l'ONM, Saïd Abadou, dans la wilaya, n'a pas été perturbé. Ce déplacement les a conduits à la daïra de M'chedallah qui se trouve à 45 km à l'est de Bouira. Les deux responsables ont condamné « fermement le double attentat ayant ciblé des civils ».