La justice espagnole a entrouvert, pour la première fois, la porte à une enquête sur les disparus du franquisme, avec une demande d'information préliminaire lancée par le juge Baltasar Garzon, un premier pas qualifié « d'historique » par les familles de victimes. Dans une décision rendue publique au début de la semaine, le juge Garzon a demandé à plusieurs institutions espagnoles des renseignements sur des milliers de personnes disparues pendant la guerre civile espagnole (1936-39) et le franquisme (1939-75), mesure préalable à l'ouverture éventuelle d'une enquête. Cette décision est « émouvante et historique », a déclaré hier le président de la principale organisation de victimes du franquisme, l'Association pour la récupération de la mémoire historique (ARMH), Emilio Silva. Le chef du gouvernement, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, qui a fait passer en 2007 une loi pour réhabiliter les victimes du franquisme, s'est abstenu de commentaire sur le fond, déclarant simplement « respecter » la décision du juge espagnol. La loi dite de la « mémoire historique » adoptée en octobre 2007 après une gestation difficile et malgré l'abstention de la droite a « accru » les droits des familles des victimes, obligeant les administrations à « collaborer » pour rechercher des disparus, s'est cependant plu à souligner M. Zapatero. Le juge de l'Audience nationale – principale instance pénale espagnole cherche à établir un véritable « recensement » des personnes jetées dans les fosses communes au début de la guerre civile, en demandant en particulier à l'église espagnole d'ouvrir les registres des décès de ses 22 827 paroisses. Garzon a réclamé des informations tous azimuts : au mausolée du dictateur Francisco Franco du Valle de los Caidos, où sont enterrés des combattants de la guerre civile des deux camps, aux archives de l'administration, à des mairies, au ministère de la Défense. La décision du juge répond aux demandes d'une dizaine d'associations de familles de victimes du franquisme qui cherchent à localiser les corps de milliers de proches et à éclaircir les circonstances de leur mort. Le juge Garzon n'a pas encore établi si ces demandes étaient recevables, alors que jusqu'à présent une loi d'amnistie, votée en 1977, durant de la « transition », a très efficacement empêché toute démarche juridique, prescrivant les crimes découlant « d'actes politiques » commis avant décembre 1976. Les associations de victimes, qui jugent qu'une telle prescription n'est pas valable étant donné qu'il s'agit de « crimes contre l'humanité », ont applaudi la décision de Garzon perçue comme une « première avancée » dans un pays champion des poursuites contre les dictateurs étrangers mais timoré sur son propre passé.