L'ONU, ultime verrou à sauter pour que l'Amérique se débarrasse d'une organisation encombrante afin d'imposer sans coup férir son hégémonisme triomphant ? A voir la tournure des événements, on serait tenté de le croire. Seul mécanisme assurant un certain équilibre entre les Etats du monde, ce « machin », comme le qualifiait le général de Gaulle, n'est plus en odeur de sainteté à la Maison-Blanche. Principale cible visée, Kofi Annan, son secrétaire général, qui fait l'objet, depuis quelques semaines, de critiques virulentes et d'accusations graves. L'Administration US, qui n'a pas toujours vu d'un bon œil le fonctionnement des Nations unies, veut-elle évincer Annan pour détruire l'ONU ? En fait, il est reproché à Kofi Annan d'avoir mal géré le programme pétrole contre nourriture en Irak et d'avoir fermé les yeux sur les détournements effectués par Saddam et son clan. Dans la foulée, et pour enfoncer le clou, il est question de népotisme puisque la critique s'étend au fils du secrétaire général, Kojo, obscur fonctionnaire d'une entreprise suisse chargée par l'ONU de contrôler les importations irakiennes. Ces importations, rappelle-t-on, ont été lancées au milieu des années 1990 pour atténuer les conséquences humanitaires des sanctions sur le peuple irakien. Bien que ce programme ait été géré par le Conseil de sécurité, les Etats-Unis n'en démordent pas et exigent tout simplement le renvoi de Annan, sanctionné non pas pour avoir trempé dans la magouille, mais pour avoir - affront suprême - refusé d'approuver une résolution américaine autorisant l'usage de la force en Irak. Mais que pèse Annan devant les autres membres du Conseil de sécurité, alliés traditionnels de Washington, qui n'ont pas approuvé les thèses américaines ? Pour l'heure, les enquêtes se poursuivent et on ne désespère pas du côté du Congrès de voir tomber l'homme fort du building en verre de New Work. Les observateurs restent cependant sceptiques du fait que l'Administration américaine était au courant des transactions illicites et arrangements négociés avec les pays voisins de l'Irak, impliqués eux aussi d'une manière indirecte dans la neutralisation du bourreau de Baghdad. Le projet de réforme de l'ONU dévoilé dernièrement, le plus important depuis sa création officielle le 24 octobre 1945, qui envisage un élargissement du Conseil de sécurité à 24 membres, a davantage irrité la Maison-Blanche, qui voit là un autre défi à son autorité grandissante. L'ONU survivra-t-elle à toutes ces contingences, fera-t-elle sa mue ou alors se résignera-t-elle à devenir un simple « joujou » aux mains des puissants ?