Le ministre des Transports, Amar Tou, a reconnu ouvertement l'échec de la politique de son département en matière de transport urbain. Cet échec est imputable à l'ouverture du secteur à la concurrence qui, selon le ministre, « n'a pas été contenue par une régulation ». « Ce sont les transporteurs qui font la loi au détriment de la réglementation et les lois de la République », constate-t-il lors d'une réunion qui a regroupé, hier à Alger, les 48 directeurs de wilaya. Ces derniers ont encaissé des reproches d'une rare virulence de la part du premier responsable du secteur. « Vous avez failli à vos prérogatives et vos responsabilités. Vous êtes considérés comme des complices par votre négligence et votre démission », s'emporte le ministre contre ses directeurs. M. Tou a reconnu qu'il y a « démobilisation des pouvoirs publics en ce qui concerne l'application de la réglementation en vigueur ». « C'est le grand bazar », s'indigne-t-il à nouveau. Amar Tou croit que la libéralisation du secteur aurait dû aboutir à une situation meilleure. Près d'une vingtaine d'années plus tard, le constat est le suivant : « Non-respect des règles d'exploitation, concurrence déloyale des opérateurs privés, absence de contrôle nécessaire de l'autorité en charge, un système de correspondance qui induit des surcoûts de transports pour les voyageurs ». Les chiffres de la défaillance A ce constat s'ajoute l'absence de professionnalisme et la prédominance de la pratique artisanale, la dislocation des réseaux du transport urbain, l'insuffisance des gares et des stations, une mobilité insuffisamment couverte en milieu urbain par les moyens de transport offerts. Quantitativement, le nombre d'opérateurs de transport collectif urbain a bien évolué depuis 2004. Le secteur privé était détenu par 9525 opérateurs en 2004, tandis que le secteur public fonctionnait seulement avec 34 opérateurs. Pour le premier semestre de l'année en cours, le secteur privé était composé de 11 364 opérateurs, alors que le public a sensiblement régressé par rapport à 2004 en recensant uniquement 17 opérateurs. Le parc national de transport urbain, se référant aux chiffres du ministère, se compose de 12 410 véhicules au premier semestre de l'année 2008. En dépit de son vieillissement annoncé, le ministre des Transports a refusé, hier, l'idée de retirer certains véhicules de transport des réseaux urbains, avançant comme prétexte l'existence d'agences de contrôle technique. Près de 50% du parc a plus de 10 ans d'âge, a-t-on relevé. Le nombre des véhicules de transport ayant plus de 19 ans d'âge est en augmentation constante, tandis que celui concernant les véhicules ayant plus de 15 ans représente 30% du parc total exploité. Le service public et les prestations laissent à désirer, relèvent également les responsables du ministère des Transports. Infractions constatées : excès de vitesse, intimidation de la clientèle, exploitation des mineurs avec des salaires très bas. Cette situation a été aggravée par l'absence d'une présence effective de l'administration. Pour ce qui est des taxis, « ce sont les syndicats des chauffeurs de taxi qui font la loi en l'absence d'une autorité censée réguler cette activité », a-t-on reconnu également. Un autre constat d'échec. Surtout lorsqu'on sait que 41,27% des licences de taxi attribuées ne sont pas exploitées, soit 57 178 sur un total de 138 552 licences. Un nombre de 137 087 licences sont attribuées à des anciens moudjahidines et/ou des enfants ou veuves de chahid, alors que les particuliers ne détiennent que 1465 licences. Pour ainsi dire, le département de Tou a lavé hier son linge sale en public et a reconnu ouvertement l'échec d'une politique qui traînait depuis des années comme un boulet au pied.