Les secouristes cherchaient hier d'autres corps au lendemain de l'attentat suicide au camion piégé qui a tué au moins 60 personnes dans l'hôtel de luxe Marriott d'Islamabad, capitale d'un Pakistan en proie à une vague d'attentats commis par des islamistes proches d'Al Qaïda. La communauté internationale a condamné d'une seule voix cet acte « ignoble » et apporté son soutien au nouveau président pakistanais Asif Ali Zardari, qui a promis d'éliminer le « cancer » du terrorisme. L'attaque est survenue quelques heures après le premier discours du chef de l'Etat devant le Parlement. Ce bilan, avec au moins 200 blessés, risque de s'alourdir puisque l'établissement de 300 chambres et six restaurants a été ravagé par l'incendie qui s'est propagé après la terrible explosion samedi soir. Les morts recensés sont pour l'essentiel des agents de sécurité à l'entrée de l'hôtel, quelques étrangers qui se trouvaient près des sorties et des passants déchiquetés. Cet hôtel huppé était fréquenté par les élites pakistanaises et la communauté étrangère expatriée. L'ambassadeur de la République tchèque, des femmes, des enfants, un Américain, figurent parmi les tués, ont indiqué des sources hospitalières et policières. Des gens ont été pris au piège et des corps calcinés ont déjà été retirés des décombres. Des secouristes tentaient dans la matinée de pénétrer au cœur des ruines fumantes, pour retrouver d'autres cadavres. Toute la nuit, pompiers et militaires se sont employés à éteindre le gigantesque incendie qui a entièrement calciné cet imposant édifice, qui menace de s'effondrer. Mais les secours n'ont pas pu aller plus loin que le hall d'entrée, réduit en poussière, et certains des restaurants en lisière de l'immeuble. Peu après 20heures samedi, un kamikaze a précipité son camion piégé contre la barrière métallique à l'entrée du Marriott, à une vingtaine de mètres de la réception. La force de l'explosion et l'incendie qui s'en est suivi ont détruit tout l'établissement. Un cratère d'une vingtaine de mètres de diamètre et de huit mètres de profondeur troue la chaussée devant ce qui fut la barrière de sécurité. Autour du bâtiment, c'est encore une vraie scène de guerre. Personne n'a revendiqué cet attentat, qualifié de « 11 septembre du Pakistan », par l'un des éditorialistes les plus lus, Najam Sethi, rédacteur en chef du Daily Times. Cette attaque intervient au moment où les Etats-Unis – convaincus que les talibans et Al Qaïda ont reconstitué leurs forces dans les zones tribales du nord-ouest du Pakistan, à la frontière afghane – y multiplient les tirs de missiles ciblant les combattants islamistes. Ces frappes n'épargnent pas les civils, au grand dam d'Islamabad qui proteste en vain. Les spécialistes d'Al Qaïda reconnaissent que le nord-ouest est devenu « le nouveau front de la guerre contre le terrorisme ». Le New York Times assurait d'ailleurs jeudi que le président George W. Bush avait autorisé secrètement en juillet les forces spéciales américaines à mener des raids terrestres dans ces régions, sans l'approbation préalable d'Islamabad. C'est ce qui s'est passé le 3 septembre, quand des hélicoptères de combat américains, et probablement des soldats au sol, ont attaqué un village, tuant selon Islamabad 15 civils, dont des femmes et des enfants. Le Pakistan a protesté au plus haut niveau contre cette première opération militaire américaine au sol, connue du moins, puisque des responsables pakistanais reconnaissent qu'il y a eu des précédents depuis 2002, sans qu'Islamabad en dise un mot. Pire, ces dernières semaines, les tirs de missiles par des drones américains s'abattent quasi-quotidiennement sur des maisons dans les zones tribales, tuant des combattants d'Al Qaïda ou des taliban, mais aussi des civils. Le Pakistan a déjà payé un très lourd tribut à cette lutte contre le terrorisme, avec plus d'un millier de soldats tués dans les zones tribales depuis 2002 et, surtout, 1300 morts dans une campagne sans précédent d'attentats suicide depuis plus d'un an.