Ils sont deux frères à occuper un taudis dépourvu du moindre confort. Une baraque, construite avec des matériaux disparates qui proviennent généralement des décharges publiques et de récupération, à deux pas de la voie ferrée, aux Tours-villas (Zone-ouest). Les lieux sont déserts. Sur le côté supérieur du chemin de fer, des villas poussent comme des champignons. Certaines constructions frôlent même avec la limite de la distance réglementaire de sécurité qui doit séparer une habitation de cette voie de communication. Originaire de Bouira, Lamri, le frère cadet a 48 ans. Il explique comment ils ont « atterri » dans la wilaya de Tizi Ouzou. « Nous comptons parmi la deuxième génération. Nous nous trouvons ici à cause de nos parents qui se sont installés ici depuis 38 ans déjà. Ils étaient des nomades. Ils se déplaçaient d'une wilaya à une autre, et là où ils dénichent un petit boulot, ils élisent domicile ». Cet homme brun aux petits yeux noirs enfoncés, est un cordonnier ambulant. « Chaque jour ou presque je fais plusieurs villages pour gagner mon pain ». Il n'est pas encore marié, mais ne désespère pas à 48 ans. Il ne souhaite qu'un toit. Un chalet, car il sait qu'un appartement est beaucoup trop demander. Du moins, c'est ce qu'il pense : « Dans mon cas, nous sommes très mal vus à Tizi Ouzou. Surtout que la plupart des délinquants sont issus des bidonvilles. Notre image est ternie. » Pour l'anecdote, le cordonnier se rappelle du refus des habitants de Tirmitine, une localité de Draâ Ben Khedda, lorsque les autorités avaient pris la décision d'installer les familles habitant les bidonvilles de Oued Aïssi, près du carrefour d'Ath Arif. Son frère aîné, M. Ben Amara, vit avec sa famille, composée de 5 membres en plus de sa sœur dans ce baraquement. Un homme rond et fort, au crâne chauve qui travaille chez des particuliers. Ses deux filles de 11 et 13 ans sont scolarisées et la petite dernière n'a qu' 1 an. Triste sort pour des enfants qui n'ont rien fait pour mériter des conditions de vie des plus désolantes et affligeantes. Ce sont des rejetons qui devront endurer l'erreur de leur arrière-grands-parents. Une situation que même leurs parents assument très mal, car les moyens sont dérisoires, voire, inexistants. Ben Amara raconte : « Il y a quelques semaines des agents de l'administration se sont rendus dans ce « ghetto ». Il nous ont recensé, pris des notes et sont repartis. » En essuyant la sueur sur son crâne nu, il poursuit : « Quelques jours après d'autres sont revenus pour nous informer que nous devons quitter le baraquement parce que l'Etat va réactiver le chemin de fer en nous expliquant que c'est dangereux de rester. » Ce qui semble inquiéter son frère cadet qui reprit la parole, c'est qu'ils n'ont pas où aller, et les mêmes intervenants de l'administration n'ont rien proposé en échange, dit-il. Il lâche encore : « Nous souhaiterions que l'Etat nous procure un chalet à l'image des gens de Oued Aïssi. Il parait qu'ils sont chauffés en hiver. » C'est comme pour témoigner de la rudesse de l'hiver sous ce tas de ferraille, mais que dira-t-on en été.