Après l'ardoise salée que les ménages ont consentie pour la rentrée scolaire couplée à la bourse consacrée aux besoins de sidna Ramadhan, voilà une épreuve non moins éreintante qui invite les parents à une autre corvée, voire une autre saignée, celle de répondre aux caprices de leur marmaille qui tient à se mettre dans ses plus beaux atours pour les fêtes de l'Aïd El Fitr. La frénésie s'empare de la rue, les magasins de fringue sont pris d'assaut et les vendeurs à la criée ne ratent pas l'aubaine de rogner sur les espaces publics pour étaler des éventaires de ballots devant un défilé de chalands qui arpentent le macadam en se bousculant à qui mieux mieux dans tous les sens. S'il est vrai que certains ont l'heur de délier l'escarcelle sans être trop regardants sur les prix affichés de l'habillement, d'autres ont peine à s'offrir des kits d'effets vestimentaires pour leurs enfants dont la mine enjouée des circoncis de la veillée du 27e jour du mois béni se doit d'être entourée de tous les soins. Aussi, quitte à s'endetter, la ménagère ajoute au rituel jubilatoire de l'Aïd El Fitr la confection de gâteaux dont les ingrédients de préparation raclent le fond du portefeuille. Là, le fournil du boulanger du coin bat le feu à plein régime jusqu'au petit jour. Il est convoqué, l'espace d'un temps, pour entrer en communion avec l'air de la tradition. Il est hors de question de déroger à la coutume, se disent certaines mamans prêtes à se plier en quatre pour être en osmose avec les fêtes couronnant le mois d'observance du jeûne. Un mois lunaire dédié à une diète rehaussée de spirituel pour certains ; de bombance et d'achats dispendieux pour d'autres. C'est dans l'air du temps, aussi. Au-delà de ce frétillement, d'aucuns estiment que « benate ramdane » (la fragrance du Ramadhan) n'est plus au rendez-vous, sauf quelques senteurs ramadhanesques qui échappent de quelques maisons pour embaumer les venelles. Au même titre d'ailleurs que l'odeur de la craie et la tenue aux couleurs bigarrées qu'affichent les potaches frais émoulus qui se dissolvent dans la masse. Et pourtant, on fait semblant ou on s'efforce, c'est selon, à donner bonne allure à une cité. Une cité où il fleure de moins en moins bon. Saha Aïdkoum.