Comme à chaque fête prolongée, essentiellement l'Aïd El Fitr et l'Aid El Adha, Constantine était une ville morte pendant trois jours. Il était quasiment impossible de se procurer une baguette de pain ou faire ses emplettes au marché du quartier. Les boulangeries, qui ont baissé rideau dès la veille de l'Aïd, ont été suivies dans leur « débrayage » par les épiciers et les marchands de légumes. Les marchés conventionnels et les plus connus de la ville, tels Bettou, Boumezzou, et Souk El Asser, étaient pleins de « courants d'air ». Même les stations d'essence ont affiché une disette qui a affecté bon nombre d'automobilistes, lesquels n'ont pas estimé nécessaire de faire le plein auparavant. Les rares commerces ouverts en cette fin de semaine ont été ceux qui proposaient des jouets de très mauvais goût à des gosses qui ne demandaient qu'à dépenser l'obole récoltée chez tonton et chez tata. Un autre genre de commerce a aussi tendance à se développer les jours de fête, il s'agit de celui des brochettes. Des adolescents, généralement désœuvrés, se transforment pour quelques jours en « spécialistes » de brochettes d'escalopes de dinde, de viande ou de merguez. A Sidi Mabrouk, Salim ne sait plus où donner de la tête. Une dizaine de clients se bousculent presque devant son « commerce » l'eau à la bouche, attendant un casse-croûte pour calmer leur faim. En ces jours de pénuries de pain, les marchands de brochettes affichent pourtant des baguettes par dizaines. « Il faut faire le plein un ou deux jours avant l'Aïd. Les boulangers en profitent pleinement en nous vendant la baguette à dix DA, à prendre ou à laisser », nous dira Salim, qui, les autres jours de l'année est … étudiant en droit ! Cette situation qui dure depuis des années a pourtant été décriée par le wali, qui avait donné des instructions fermes pour que les commerces, essentiellement ceux d'alimentation et les cafés, ne ferment pas durant l'Aïd. Des instructions qui sont restées lettre morte puisque en l'absence d'outils de persuasion, chacun verra midi à sa porte, et se comportera comme à son habitude. Un bon point néanmoins est à attribuer à l'entreprise de transport urbain de Constantine ETC, qui a pleinement joué son rôle de service public en mettant à la disposition de ses clients bus et téléphériques dès les premières heures de la matinée de l'Aïd, malgré une augmentation inattendue des prix des tickets sur le téléphérique qui sont passés de 15 à 20 DA.