El pabellón de Argelia por favor ? » (Le pavillon de l'Algérie s'il vous plaît ?) demande un chef de famille visiblement pressé de rejoindre la longue file qui se forme dès l'ouverture devant le pavillon de l'Algérie à l'Exposition internationale de Saragosse. Une grande fête mondiale qui s'est tenue du 15 juin au 15 septembre 2008 autour du thème « L'eau et le développement durable ». Saragosse : De notre envoyé spécial Le pavillon national est, en effet, l'un des plus courus de l'exposition. Les visiteurs, qui ont atteint le nombre de 5 millions à la fin du mois d'août, préparent soigneusement leur visite pour rentabiliser les 35 euros (3500 DA) de l'entrée. Beaucoup se sont informés par le « bouche à oreille » ou sur des blogs et l'Algérie figure dans leur circuit à côté des pays comme le Japon, la Russie, la Belgique, la France, l'Allemagne, l'Italie, les communautés espagnoles, le Mexique…, ceux qui se distinguent sur place par une longue file devant leur pavillon. « Il est remarquable, nous le conseillons à tous nos visiteurs de marque et il est sur notre liste de pavillons à faire visiter », nous déclare Alfons Boesman, le commissaire aux expositions de la Belgique. La cause de ce succès ? « Il est vraiment très bien », commence-t-on par dire avant d'expliquer qu'on l'a trouvé très original, authentique et respectueux du thème de l'exposition car, précise-t-on, il y a des pays et pas des moindres qui ont fait de leurs pavillons des bazars pour produits traditionnels ou des vitrines pour le tourisme. La façade du pavillon national attise la curiosité. Une paroi à la couleur et à la texture des grès du désert ornée des fresques du Tassili dans laquelle s'ouvre une grotte, c'est l'entrée. Le pavillon de 750 m2 offre trois espaces au public qui est introduit par groupe de 70 personnes toutes les dix minutes. Le fil conducteur de la visite guidée par de très jolies hôtesses algériennes, est la relation de l'Algérie à l'eau, passé, présent et futur. On découvre d'abord par le son et l'image les oasis et le génie de l'homme qui a su ériger une civilisation là où il n'y a pas d'eau. Une miniature de foggara avec de l'eau qui coule en vrai est le centre d'attraction où la guide est assaillie de questions. L'espace suivant est un théâtre où les visiteurs ont droit à un magnifique spectacle virtuel en trois dimensions sur la désertification et l'eau. C'est le clou du pavillon qui surprend par ses applications de la technologie du spectacle en trois dimensions. Trois Touaregs assis autour d'un thé racontent le Sahara pendant que tout autour sont projetées les animations. Autrefois humide et peuplé de nombreux animaux, il devient progressivement un désert. Pendant cette séquence, où il y a une tempête qui étale le sable ocre, un souffle traverse simultanément les rangs des visiteurs qui laissent alors échapper des chuchotements d'admiration. L'homme, qui s'est accroché à cet environnement devenu hostile, vit dans des oasis de verdure où il tire ingénieusement profit de la moindre goutte d'eau. Il va jusqu'à ériger une civilisation qui produit sa propre culture. L'avenir est abordé avec le projet de l'aqueduc saharien qui prend l'eau de la nappe albienne à In Salah pour l'acheminer vers Tamanrasset 750 km plus au sud. Comme les oasis du passé, les 6 stations de relevage qui jalonnent la conduite vont contribuer à créer la vie autour d'elles. La fontaine des reflets, le troisième espace qui épouse le décor d'un patio arabo-musulman, présente dans une délassante fraîcheur, des scènes de la vie quotidienne dans l'éducation, l'économie, la culture, etc., ainsi que des paysages des différentes régions, « images de l'Algérie diverse et plurielle ». Là, une autre application de la technologie permet aux visiteurs, surtout les enfants, de jouer en déformant les images projetées sur les murs et qui se reflètent dans l'eau virtuelle des bassins du patio. « Ce sont ces miracles accomplis par l'homme là où il n'y a pas d'eau qui est une leçon de développement durable pour toute l'humanité », nous explique un couple de Canadiens dont le pays, avec les USA, la Nouvelle-Zélande et la Grande-Bretagne, n'est pas participant, regrettent-ils, à cette grande fête de l'eau. « Nous avons toujours pensé que l'Algérie, c'est la mer, la côte avec quelques maisons sur la plage et juste derrière le désert », avoue une famille espagnole qui dit avoir honte de connaître aussi mal un pays voisin. A leur sortie du pavillon, les visiteurs ne tarissent pas d'éloges : « Nous en avons vu beaucoup et croyez-nous, c'est de loin l'un des meilleurs et nous ne regrettons pas d'avoir fait 20 minutes dans la file… Nous avons été conseillés par des amis espagnols », nous déclare un groupe de visiteurs suisses…. « Le théâtre virtuel est très bien fait et c'est bien expliqué. Ailleurs, nous avons vu d'autres spectacles virtuels de pointe, mais on a privilégié les effets spectaculaires au contenu… » Le commissaire aux expositions de la Turquie, ambassadeur de son état, Sencar Özsoy, nous avouera qu'il a demandé à son architecte de s'inspirer, en prévision des futures expositions, du pavillon algérien « où la technologie est bien dosée avec le contenu du thème, car les visiteurs, précise-t-il, ne montrent que peu d'intérêt à la top techno, ils sont plutôt avides de connaissances ». Le commissaire des expositions de la France, Bernard Testu, dira pour sa part : « Je trouve très au point le pavillon algérien... et l'Algérie, que nous observons avec intérêt depuis plusieurs années, a parfaitement affirmé sa présence dans le concert des nations. » Une délégation de députés de la Douma russe, croisée au pavillon de Chypre, nous a demandé, apprenant que nous venions d'Algérie, de transmettre ses félicitations aux organisateurs du pavillon national qu'elle venait de visiter. « L'exposition de Saragosse est en préparation depuis février 2006. Un conseil interministériel lui a été entièrement consacré en avril 2007 », nous dit Mohamed Bensalem, le commissaire aux expositions algérien, qui à l'insigne honneur de siéger aux côtés de 16 autres commissaires au collège des commissaires nationaux qui gère l'organisation de la manifestation de Saragosse qui compte 102 pays participants. « Le pavillon est apprécié pour sa conception, explique le directeur du pavillon, Khaled Graba, parce qu'il respecte scrupuleusement le thème de l'expo ‘'Eau et développement durable''. » Le contenu est enrichi périodiquement avec des apports comme les semaines spécialisées sur les ressources en eau, la culture algérienne et le tourisme, les parcs nationaux et les zones humides. 17 experts algériens sont passés tour à tour à la tribune de l'eau qui est le forum scientifique de l'exposition. Le contenu de l'exposition fait le lien entre l'héritage civilisationnel et le développement. Il est le résultat d'une large concertation avec les contributeurs où une large place est faite aux scientifiques, aux écrivains et aux artistes. Le clou de la participation algérienne a été la Journée nationale de l'Algérie que les organisateurs ont fait coïncider avec la fête nationale du 5 Juillet. « Une journée mémorable qui restera gravée dans les esprits », nous dit encore le commissaire de la Turquie qui été subjugué par la communion de la musique andalouse et du flamenco, exécutée par l'orchestre de Noureddine Saoudi. « C'est à mon avis le seul spectacle où il y a eu autant de monde. » Il ajoute encore que « la gastronomie algérienne a été une révélation pour beaucoup. On en parle encore ». Pour les invités de la journée nationale, inaugurée par le ministre des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal, de grands chefs cuisiniers d'Alger ont été dépêchés et ils auraient surpris les 500 convives de la journée nationale. « A l'image des grandes fêtes mondiales comme on peut le voir dans les sports, et nous avons eu les JO de Pékin cette année, les expositions universelles et internationales doivent être considérées des plateformes de tolérance et de rapprochement. Elles doivent être intégrées dans les échanges internationaux qui sont laissés à la diplomatie et aux experts scientifiques », nous a encore déclaré Alfons Boesman, le commissaire aux expositions de la Belgique. Pour son homologue français, Bernard Testu : « Les expositions sont un grand exercice de démocratie publique. » En effet, elles sont des carrefours culturels et scientifiques internationaux de grande envergure. Les questions, comme l'eau, la désertification, le climat, l'environnement..., qui concernent l'humanité toute entière et traitées par des initiés dans les colloques et séminaires, sont mises pendant plusieurs mois à la portée du grand public qui s'informe, prend connaissance des aspects de la question et se forge une solide opinion. Pour M. Bensalem, le commissaire de l'Algérie, l'exposition est une opportunité sans pareille pour l'image du pays, sa culture, son économie, son tourisme. « Ah, on ne savait pas que l'Algérie était comme ça », lui ont dit les visiteurs qui découvraient l'Algérie et sa diversité. C'est aussi une tribune politique, car la compétition est rude entre pays dans l'exposition. Il y a des messages à faire passer. Par exemple, nous avons tenu à ce que nos hôtesses soient typiquement algériennes pour préserver le cachet national auquel nous attachons, nous Algériens, beaucoup d'importance. Et c'est aussi pour nous un fabuleux terrain de confrontation et d'acquisition de savoir-faire et d'expérience pour nos cadres et notre personnel. Nous sommes appelés un jour à organiser une exposition internationale et il faudra être fin prêts, car ce n'est pas de l'improvisation. Nous sommes d'ores et déjà pleinement engagés dans la préparation de l'exposition universelle de Shangaï de 2010 qui sera, de l'avis du commissaire de la Turquie, « un événement grandiose de l'envergure des JO qui se tiendra sur 625 hectares et où on attend 100 millions de visiteurs. Ce sera de loin la plus grande exposition universelle qui aura jamais été organisée ».