C'est sous le haut patronage de Khalida Toumi, ministre de la Culture, que cette manifestation a été rendue possible, bien qu'un colloque international eut été plus approprié. L'absence de conférenciers et d'un auditoire à la hauteur de l'homme s'est fait sentir encore une fois mais c'était la fois de trop , car faut-il le dire, c'est le quatrième anniversaire consécutif de la mort de Kateb Yacine qui est organisé à Guelma, par une association promouvant le tourisme et la culture. Fadéla, la petite sœur de Kateb Yacine, a assisté à cet hommage. Elle avoua, dans un langage des plus familiers : « je ne suis pas une conférencière, ni même une universitaire », puis raconta au public la vie, l'œuvre et la mort de « Sidi Yacine », comme elle le surnomme avec tendresse. Ainsi, l'antagonisme de sa culture ancestrale, celle des Béni Keblout (région de Hammam N'bails dans la wilaya de Guelma), hérité par l'auteur ainsi qu'une mère décrite comme un véritable théâtre en arabe de tradition orale, doublé d'un apprentissage dans une école coranique, a eu, pour vis-à-vis, sur une décision paternelle, d'entrer dans l'école française à Sétif. « Le cordon ombilical s'est rompu pour la deuxième fois entre Sidi Yacine et ma mère », dira l'oratrice. La critique de l'œuvre de Kateb Yacine n'étant pas du ressort du profane, l'oratrice se contentera de lire quelques poèmes de l'auteur et de passages d'œuvres telle Nedjma, néanmoins le caractère engagé, révolutionnaire, anticolonialiste a été fortement mis en exergue. La mort de Kateb Yacine est décrite, par l'oratrice, comme une ultime pièce théâtrale de l'écrivain coïncidant avec celle de Mustapha Kateb. Sa disparition suscita chez Fadéla Kateb l'envie d'écrire une biographie de son frère Yacine. A ce sujet, nous l'avons rencontrée en marge de cette journée, elle nous confia sa frustration : « Nous devons faire en sorte que Kateb Yacine soit reconnu en Algérie, son œuvre littéraire doit sortir de l'oubli, sinon comment expliquer qu'il n'y ait pas de rue Kateb Yacine en Algérie, un prix littéraire Kateb Yacine, ni même un lycée portant son nom », et elle ajoutera : « comment l'Algérie ose passer à côté d'un homme de l'envergure de Sidi Yacine, alors que de l'autre côté de la méditerranée, une rue à Paris (Saint-Denis) porte son nom depuis l'année de l'Algérie en France (2003), mais encore et bien avant mon frère a été décoré en 1984 chevalier de l'ordre et des arts et des lettres par le ministère français de la culture, pour son œuvre. » Nous noterons enfin que Fadéla Kateb est revenue dans la région de Guelma, principalement à Aïn Laghrour pour se ressourcer afin d'achever son livre sur la vie de Kateb Yacine. « 240 pages, nous dit-elle, n'ont pas suffi à un éditeur français (Actes Sud), Il nous faut 500 pages pour un géant de l'envergure de Kateb Yacine, m'ont-ils signifié », conclura-t-elle. Sa maison de Ben Aknoun, le pavillon 47B, devrait être un musée accessible à tous et aux générations futures, les autorités ont le devoir de déloger l'indu occupant, « son ex-chauffeur pour préciser ! » dira sa sœur.