Journaliste suédoise, Monica Zak est l'auteure d'une cinquantaine d'ouvrages sur l'enfance et la jeunesse. Elle s'intéresse aux contes transmis par la tradition orale. Dans cet entretien, l'auteure nous parle de son dernier-né Hadara, l'enfant autruche, publié récemment par les éditions Casbah. Un livre palpitant, des plus difficiles à écrire. Votre dernier roman Hadara, l'enfant autruche est né à la suite d'un reportage effectué en Algérie. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la gestation de ce livre ? Lors d'un reportage en Algérie, en 1993, je voyageais du côté de Tamanrasset, mais visitais également les camps du Polisario à Tindouf et le Sahara-Occidental. Parmi les réfugiés et les familles des nomades, on racontait souvent une histoire comme premier cadeau à l'invité. J'ai entendu la même histoire deux fois, celle d'un garçon qui s'est perdu lors d'une tempête de sable dans le désert et qui fut adopté par une famille d'autruches. Après 10 années dans le désert, il fut attrapé contre son gré et ramené à sa famille. Chaque fois, à la fin de l'histoire, le conteur disait : « Il s'appelle Hadara, ceci est une histoire vraie. » C'est pourquoi je l'ai fait publier dans le magazine Globen (un journal pour les écoles en Suède) comme un exemple que les contes racontés oralement existent encore dans le désert. Dans la même édition, j'avais également un article sur une fille des Touareg, des brigades chamelières de conservation d'OPNA, sur le désert, les chameaux, scorpions et sur la vie dans les camps de réfugiés. Après la parution du magazine, je fus invitée à un déjeuner chez le représentant du Polisario en Suède. Ils voulaient me remercier des articles que j'avais écrits sur la vie dans les camps, mais commençaient par dire qu'ils étaient particulièrement contents de ce que j'avais écrit sur Hadara. Ils disaient que c'était une histoire vraie, Hadara était mort, mais qu'il avait un fils qui habitait près de Tindouf. Je fus très étonnée. Surtout quand les deux hommes commencèrent à danser la danse des autruches dans leur bureau et quand ils disaient que Hadara avait appris à tout le monde à danser la danse des autruches quand il avait commencé à vivre parmi les hommes à nouveau. Je ne pouvais pas oublier leur danse ni qu'ils avaient dit que Hadara avait existé. Pour cela, je retournai en Algérie et commençai à chercher. Je trouvai le fils et d'autres personnes qui avaient connu Hadara. Avec leur histoire comme point de départ, je commençai à écrire le livre, mais beaucoup de passages sont le fruit de mon imagination, ainsi que des études sur les autruches et leurs comportements. Le livre parut en Suède à l'automne 2001, il y était beaucoup lu, surtout par les écoliers suédois. Il a été édité plusieurs fois et, en 2006, il est sorti en livre de poche. Le livre a incité des écoliers suédois à vouloir en savoir plus sur le désert et l'Algérie, ils ont souvent, à partir du texte, écrit, dessiné et écrit des poèmes. Oui, certains ont même écrit à Hadara, bien que dans le livre, ils ont su qu'il était mort. Vous êtes spécialisés dans l'écriture d'ouvrages consacrés à l'enfance et à la jeunesse. Pourquoi cet intérêt pour cette frange de la société ? Je choisis souvent de faire entendre ceux qui n'ont pas la possibilité de parler. J'ai écrit sur les enfants de la rue en Amérique du Sud parce que je parle espagnol et que je peux parler avec les enfants sans interprète. Justement, est-il facile d'écrire pour les enfants, en l'occurrence ceux de la rue en Amérique latine ? C'est plus difficile d'écrire un livre pour les enfants que pour les adultes. Les enfants et les jeunes sont plus critiques. Si le livre, au départ, est ennuyeux ou sans intérêt, ils le mettent de côté. C'est pourquoi le premier chapitre d'un livre est si important. Je me posais souvent la question, avant d'écrire moi-même, mais quand il s'agissait d'écrire le livre sur Hadara, je n'hésitais pas. C'était évident de commencer par écrire que le petit garçon s'est égaré pendant une tempête de sable et qu'il a été sauvé par un couple d'autruches qui étalent leurs ailes et le protègent du sable qui le fouette. Le langage est également très important. Il doit être simple et facile à comprendre. Lors de votre dernier séjour en Algérie, vous avez visité les camps de réfugiés sahrarouis où vous avez distribué un lot de votre dernier roman mais aussi pour saluer la mémoire du héros. C'était une grande expérience pour moi. Le premier à qui le livre en arabe a été offert est bien sûr le fils Ahmed Hadara. Je l'ai trouvé dans une tente au fond du désert. Il était très content. Après avoir initié timidement des lectures dans certaines écoles publiques algériennes, vous semblez vouloir mettre au point, avec les autorités algériennes, un projet de lecture de votre livre dans les écoles algériennes. Ce projet sera accompagné d'une exposition ludique mettant en scène une tente sous laquelle les enfants pourront dessiner, jouer et se raconter des histoires. Qu'en est-il de ce fructueux projet ? J'ai assisté à deux cours dans deux écoles étatiques à Hydra, dans une classe de 4e et dans une classe de 5e. Ici, j'ai également été très impressionnée par les enseignants. Les deux enseignantes lisaient chacune dans sa classe le livre à haute voix, écrivaient du vocabulaire sur le tableau noir et posaient des questions. Tous les élèves participaient. Nous avons filmé les deux cours et j'espère pouvoir montrer le film aux enseignants suédois comme exemple de deux pédagogues brillants. Mon rêve est de continuer la coopération avec le ministère de l'Education nationale et avec l'ambassade de Suède, j'espère avec un festival de contes où les enfants peuvent venir, lire, dessiner et raconter des histoires. J'espère qu'alors on pourrait montrer quelques dessins et poèmes d'enfants suédois après avoir lu le livre, pour ainsi bâtir un pont entre nos deux pays.