Les avez-vous regardés luire? Ils vous parlent en silence et on les croit. Histoire extraordinaire? Sans aucun doute. Et pourtant, l'histoire, affirme-t-on avec force, a été vécue, puisque le fils même de Hadara l'a racontée à l'auteur! Il faut croire à ce bonheur de légende que nous raconte merveilleusement la journaliste suédoise Monica Zak dans son livre Hadara, l'Enfant Autruche(*), traduit du suédois vers le français par la grande spécialiste Cecilia Monteux, encore que, à mon sens, on puisse relever aisément quelques maladresses. Mais, avant d'aller plus loin, rappelons qu'une aventure de ce genre n'est pas exceptionnelle. Le roman, les contes et récits, le cinéma, et tant d'autres formes d'expression artistique, se sont saisis des sujets semblables, vrais ou imaginaires. À certains, sans doute, vient-il à l'esprit le fameux personnage des Voyages Très-Extraordinaires de Saturnin Farandoul, écrit, en 1879, par le dessinateur Albert Robida (1848-1926). Ce personnage a éclipsé tous les héros de Jules Verne, car son aventure - à la suite d'un naufrage, Saturnin, âgé de 4 mois et 7 jours, est récupéré dans son berceau sur une île peuplée de singes - le conduira, plus tard, à quitter sa tribu, à prendre la mer, à combattre les pirates; il ira même sur Saturne! Il vient à l'esprit, également, la très célèbre histoire de Mowgli du Livre de la jungle de Rudyard Kipling, ouvrage publié en 1894, toujours recommandé à faire lire aux jeunes. Nous connaissons, évidemment, «Tarzan, l'homme singe», le personnage créé par Edgar Rice Burroughs en 1912 dans le roman Tarzan chez les singes -selon l'auteur, Tarzan signifie «peau blanche» dans une forme primitive du langage dit «mangani» de la tribu des grands singes de la famille des pongidés. Plus près de nous, il faudrait citer un des contes des bédouins nomades du Sahara, L'Enfant de la Gazelle de l'écrivain marocain Maâmar Derkaoui, paru en 1967. Hadara, l'Enfant Autruche de Monica Zak, me semble s'inscrire dans la même lignée d'aventures que celles des héros que je viens de rappeler, mais cette fois, le décor et les personnages sont sahariens et l'action se déroule en Algérie. Dans la Postface de ce livre, l'auteur précise les circonstances qui l'ont amenée à écrire cette incroyable histoire, liée à un passé récent, et toute jalonnée d'événements autant invraisemblables qu'indescriptibles. «En 1993, écrit la journaliste, j'ai visité le Sahara en compagnie du photographe Kim Taylor. Nous allions entre autre écrire quelques articles sur l'hospitalité pour le magazine Globen. [...] Quand nous sortions de la jeep, on nous entraînait tout de suite dans la plus belle tente, et on nous offrait trois verres de thé. Ensuite quelqu'un, le plus souvent l'homme le plus âgé, nous racontait une histoire. Une histoire bien racontée, c'est le premier cadeau qu'ils font aux invités. Deux fois j'ai entendu raconter la même histoire. Elle parlait d'un garçon perdu dans le désert et qui avait grandi avec les autruches. Les deux fois, les histoires finissaient par: Son nom était Hadara, et ceci est une histoire vraie.» Plus tard, le hasard a voulu que la journaliste, qui tient «à découvrir s'il y avait un brin de vérité dans l'histoire du garçon qui vivait avec les autruches», rencontre le fils de Hadara, en personne «dans un des grands camps de réfugiés du Polisario en Algérie». Ahmedu Hadara lui fait le récit détaillé de la vie passionnante, singulière et instructive de son père Hadara. Le livre est construit autour des étapes de l'aventure où évoluent les inoubliables personnages: le chamelier Daula, la jeune mère Fatma «assise sur son chameau qui tanguait, son fils de deux ans dans les bras». Ici l'histoire commence...Il faut l'écouter jusqu'à la fin. Trente-huit chapitres révèleront, progressivement au lecteur, ce qu'a été, pour l'enfant-autruche, le bonheur de vivre parmi les autruches et ce que pourrait lui apporter un désir qu'il n'avait jamais éprouvé auparavant, «le désir d'un être humain, d'une jeune fille. La jeune fille avec des yeux comme des étoiles»... (*) HADARA, L'ENFANT AUTRUCHE de Monica Zak Casbah Editions, Alger, 2007, 256 pages.