Que pensez-vous des amendements constitutionnels relatifs à l'histoire et à la mémoire ? Il faut faire la différence entre deux dispositions. La première est relative à tout ce qui représente l'identité nationale, laquelle disposition existe dans les anciennes Constitutions. Elle fait référence à l'emblème et à l'hymne national, qui sont les constituants de notre histoire. Ces constituants sont, de mon point de vue, indiscutables. La deuxième disposition est celle qui a trait à l'écriture de l'histoire. Cette disposition se présente, dans l'état actuel des choses, comme une réponse à la loi française du 23 février 2005 portant glorification du fait colonial. Fallait-il amender la Constitution pour répondre à cette loi ? A mon sens, il aurait fallu qu'une réponse algérienne soit immédiate, c'est-à-dire courant 2005, et parlementaire. Le fait, actuellement, de codifier l'écriture de l'histoire pose un double problème : celui de l'écriture officielle de l'histoire qui est une affaire d'Etat et celui de la recherche historique qui obéit à une condition et à une seule, l'objectivité historique. En parlant de l'objectivité historique, on soulève directement la question de la liberté d'écriture, de pensée et de recherche. Il y a lieu ainsi de ne pas confondre histoire et politique. L'insistance, dans cette révision, sur la protection des symboles de la Révolution n'est-elle pas en partie liée aux polémiques sur les faux moudjahidine et sur le nombre de martyrs ? Cela est nécessairement lié à toutes ces polémiques, qui ne sont cependant pas propres à nous. Mais il aurait fallu les transcender. Car l'acte constitutionnel s'inscrit dans la durée de l'Etat. Vouloir imposer une histoire officielle, cela va-t-il marcher ? Il y a eu déjà une expérience du temps de Chadli Bendjedid, dont l'objectif était d'écrire une histoire officielle. Il est aujourd'hui évident que cette démarche n'était pas bonne ; elle n'a d'ailleurs pas abouti. Je pense que ce n'est pas en encadrant les sciences sociales d'une manière générale et l'histoire en particulier qu'on fera des avancées scientifiques, universitaires et culturelles. L'histoire de l'Algérie appartient à tout le peuple, au simple citoyen. Que l'Etat écrive son histoire et que le citoyen chercheur écrive l'histoire de son pays.