Si la Constitution d'un pays traduit nécessairement la philosophie politique, économique, sociale et culturelle d'un peuple, il est tout à fait normal qu'elle puisse faire l'objet, à n'importe quel moment, d'un amendement pour l'adapter à l'évolution de la société. En Algérie, la loi fondamentale adoptée le 10 septembre 1963, a fait l'objet de plusieurs révisions, qui avaient pour objectif d'adapter le dispositif juridique de l'Algérie, à chaque étape importante du pays, induite par la conjoncture politico-économique ou le changement à la tête de la magistrature suprême de l'Etat. Ainsi, la loi fondamentale du 10 septembre 1963 a consacré les fondements d'un Etat algérien moderne selon les objectifs nés de la période post-indépendance. Elle consacrera notamment le principe monocaméral pour le Parlement algérien. Le président Ahmed Ben Bella y a fait référence pour prolonger d'une année le mandat de l'Assemblée nationale, conformément à l'article 77, et pour avoir recours, le 3 octobre 1963, à l'exercice des pleins pouvoirs et la dissolution de cette même assemblée, conformément à l'article 59. En 1976, la première révision constitutionnelle qui fut initiée sous l'impulsion de Houari Boumediene, visait en premier lieu le parachèvement des institutions de l'État algérien, en le dotant d'une Assemblée législative dénommée Assemblée populaire nationale (APN), (Art. 126), et en créant également le poste de président de la République, soumis au suffrage universel direct et ce, en remplacement de la fonction de président du Conseil de la révolution. La Constitution de 1976 a été promulguée également afin de consacrer l'option socialiste, qui fut déclarée dans son article 10, comme «option irréversible du peuple», et «seule voie capable de parachever l'indépendance nationale». La réforme constitutionnelle de février 1989 a mis fin au système du parti unique, et démontré la nécessité d'aller vers une ouverture démocratique et un pluralisme politique. La Constitution amendée, qui intervient au lendemain des événements du 5 octobre 1988, aura constitué la réponse institutionnelle aux aspirations démocratiques des Algériens, en ce sens que le régime du parti unique fut dissous et que beaucoup de partis politiques furent créés par la même occasion. Les libertés d'expression, d'association et de réunion furent en outre consacrées, tout autant que fut reconnu le droit de créer des associations à caractère politique (ACP) qui consacrera le multipartisme. La révision constitutionnelle du 28 février 1989 ne dérogera pas au principe monocaméral, en maintenant l'Assemblée populaire nationale, même si par ailleurs elle consacrera une séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire (art. 92). Si d'aucuns estiment que loi fondamentale de 1996, approuvée par le peuple algérien, a confirmé cette option et exprimé le besoin de la société de concrétiser la stabilité, la sauvegarde des institutions de la République et le caractère républicain de l'Etat, nombre d'Algériens invoquent la conjoncture difficile, durant laquelle elle née pour expliquer les vides et les inconséquences dans cette Constitution. Il s'agit entre autres de la non-clarification des relations entre les différents pouvoirs et les prérogatives de chacun d'eux. Le président Liamine Zeroual qui venait d'être élu depuis moins d'une année (en novembre 1995) et qui s'était engagé sur le chemin du parachèvement des institutions de l'Etat, a certainement voulu éviter une situation analogue à celle ayant été à l'origine de l'arrêt du processus électoral, en prenant le soin d'amender la Constitution pour créer un Conseil de la nation (Sénat). La chambre haute du Parlement, dont le tiers des membres est désigné par le Président, est destinée à bloquer toute loi votée à la chambre basse sous l'impulsion d'une composante hostile, comme c'était le cas lors de sa prise en main par le FIS-dissous. Le dernier amendement de la Constitution qui eut lieu en 2002, consacrera, pour sa part, tamazight en tant que langue nationale. La Constitution, amendée le 10 avril de cette année, indique dans son article 3 bis que «tamazight est également langue nationale. L'Etat œuvre à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national». Cela étant, la question de la révision constitutionnelle revient encore sur le devant de la scène nationale. Elle a d'abord été suggérée par Abdelaziz Bouteflika qui, depuis son accession à la présidence de la République en 1999, en rappelant les failles existantes dans cette Constitution, en vue d'établir les «règles d'un régime politique aux contours clairs», en veillant «au respect du principe de la séparation des pouvoirs», veut mettre fin aux «interférences entre les prérogatives des institutions ainsi qu'à l'amalgame entre le régime parlementaire et le régime présidentiel». Cependant, la société civile, notamment certains partis et organisations de masse, s'en est mêlée pour en faire une revendication populaire. Pour cette catégorie d'Algériens, cette révision s'impose pour parachever le processus de la modernisation de l'Etat algérien. Elle sera le moyen d'amender l'article 74 qui limite à deux le mandat présidentiel, et permettra ainsi au président Bouteflika de briguer un troisième mandat. A. R.