Par rapport à leur record du 11 juillet dernier (147,50 dollars à Londres, 147,27 à New York), les cours du pétrole ont perdu 60% de leur valeur. Le baril de light sweet crude pour livraison en décembre s'échangeait sur le New York Mercantile Exchange hier, à 14h05 GMT, à 56,41 dollars, en baisse de 68 cents par rapport à son cours de clôture de mardi dernier, après être tombé jusqu'à 52,88 dollars dans les échanges électroniques, son niveau le plus faible depuis le 20 mars 2007. Dans la foulée de la crise financière internationale et de la récession économique mondiale qui prend visiblement des proportions alarmantes, rien ne semble arrêter la dégringolade des prix de l'or noir. « Le marché ignore le plan de relance chinois, il ignore les discussions autour d'une nouvelle réduction de la production de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep)... C'est un marché qui se dirige vers un changement historique, cela va prendre du temps avant que les prix ne se stabilisent », a souligné hier Phil Flynn, d'Alaron Trading. Selon lui, « les investisseurs ne semblent pas estimer que les multiples programmes de relance annoncés auront un véritable impact sur la demande en énergie et matières premières, alors que l'économie mondiale connaît un ralentissement sévère ». Tout le monde s'attendait à ce que la baisse des prix du brut s'arrête à un niveau acceptable, lorsque l'Opep a commencé à prévoir une réduction de sa production. C'était sans compter sur les divergences des pays membres de cette organisation. L'éditorial de la revue Pétrole et gaz arabes (dans son dernier numéro) a bien relaté ces conflits intra-Opep qui agissent négativement sur les cours du brut. Outre la crise financière mondiale et ses ramifications, d'autres facteurs expliquent l'accélération de la baisse des prix au cours des dernières semaines. L'éditorialiste évoque « les hésitations et les divisions des pays membres du cartel pétrolier dans la gestion de la crise ». Selon lui, « un premier signal calamiteux a été envoyé au marché à l'occasion de la réunion ministérielle tenue les 9 et 10 septembre dernier, quand le ministre saoudien du Pétrole, Ali Al Naimi, a clairement fait savoir que son pays avait œuvré dans le sens de la baisse des prix tout en s'abstenant de dire s'il allait continuer à le faire ». Plus d'un mois plus tard, lors de la réunion extraordinaire tenue par l'OPEP le 24 octobre à Vienne, les mêmes divergences refont surface. Le même ministre saoudien a fait encore une fois parler de lui. Les déclarations discordantes des différents responsables de l'organisation ne tarderont pas à « alimenter le scepticisme des opérateurs quant à la détermination des pays exportateurs de pétrole à respecter leurs nouveaux quotas ». Le résultat, souligne la revue Pétrole et gaz arabes, a été une nouvelle chute des cours. Tout allait en fait à contresens de ce qui était attendu des décisions prises à Vienne. Le président en exercice de l'organisation, Chakib Khellil, ministre de l'Energie et des Mines, évoquera des pressions exercées sur les pays exportateurs du brut. Le Premier ministre du Royaume-Uni, Golden Brown, en fera la démonstration en les menaçant s'ils décidaient d'une réduction de la production pétrolière. En bon élève, l'Arabie Saoudite suivra ses intérêts. En ayant même l'ambition de plafonner sa production à plus de 12 millions de barils, et qu'un prix du baril qui ne descendrait pas sous la barre des 49 dollars ne le dérangerait pas, le royaume wahhabite passera outre les décisions de l'OPEP. Les marchés ont vite compris : l'OPEP n'arrive pas à accorder ses violons pour appliquer ses propres décisions. Ainsi, le repli des prix après les deux dernières réunions de l'OPEP se monte, selon la revue Pétrole et gaz arabes, à près de 47 dollars le baril, soit une perte annuelle de revenus de 595 milliards de dollars pour l'ensemble des pays membres.