De quoi est composé l'univers ? Comment la science veut-elle percer les secrets de la matière noire ? Quelles sont les dernières découvertes sur le sujet ? Khalil Daiffallah, vice-président de l'Association des jeunes astronomes d'Algérie et chercheur en astronomie au Centre de recherche en astronomie, astrophysique et géophysique, nous en dit plus sur un des enjeux les plus importants pour la conquête de l'espace. Le cosmos serait constitué de 74% d'énergie noire, de 22% de matière noire et de 4% de matière ordinaire. Quelle est la différence entre les trois ? Effectivement, seulement 4 à 5% de notre univers sont constitués de matière ordinaire composée de protons et de neutrons. Le reste est une matière ou énergie totalement invisible à l'observation directe et qui n'est détectable que par les effets gravitationnels qu'elle induit. Cette substance est appelée la matière cachée ou la masse manquante de l'univers. La matière noire serait constituée de particules interagissant très rarement avec la matière comme le neutrino ou d'autres encore plus hypothétiques, dont l'existence est postulée par les théories dites supersymétriques. Une partie de cette matière pourrait être aussi des corps compacts froids et sombres ayant une masse égale ou inférieure à celle du Soleil. L'énergie noire appelée aussi quintessence est encore plus mystérieuse : c'est une manifestation continue de l'énergie du vide (qui est non nulle) à grande échelle. Laquelle connaît-on le mieux ? Il est évident que la matière ordinaire visible (baryons et électrons) est la plus connue. Cependant, la quantité totale de cette matière observée dans l'univers semble insuffisante et donc une partie de cette matière ordinaire est aussi invisible. Les objets compacts semblent constituer une infime partie de la matière noire. Ces derniers sont détectés par l'effet de microlentille gravitationnelle que fait subir un objet compact à la lumière apparente d'étoiles situées en arrière-plan dans la galaxie. Une petite amplification de la lumière durant un laps de temps permet leur détection. Les dernières observations ont montré que la majorité de ces objets est constituée de naines brunes (étoiles avortées) ou de cadavres d'étoiles, comme les trous noirs, mais la fréquence de leur détection ne suffit pas à expliquer la masse invisible présente dans notre galaxie. Notre univers est-il constitué essentiellement de vide ? Oui, en majeure partie. L'énergie du vide, cette nouvelle substance, est répartie quasi uniformément dans l'espace et sa densité semble varier très peu en fonction du temps. Historiquement, Einstein l'avait introduite artificiellement dans les équations de la relativité générale, sous forme d'une « constante cosmologique » pour contrebalancer l'expansion de l'univers et rendre ce dernier statique. Cette théorie a été abandonnée par la suite à cause de l'expansion évidente de l'univers. Cette constante à travers l'énergie du vide revient en force avec l'avènement de l'expansion accélérée de l'univers. Quels sont les principaux obstacles auxquels sont confrontés les scientifiques ? Pour mieux cerner la nature de la matière cachée et avoir une idée sur la manière de la détecter et comment cette dernière influe sur l'évolution de l'univers, il faut avoir une théorie qui unifie entre la mécanique quantique et la relativité générale. Malheureusement, ce genre de théorie est encore balbutiant… L'autre difficulté qui émerge est d'ordre expérimental et technique. Les tentatives durant les années passées pour détecter les particules candidates à la matière cachée ont échoué, mais on espère beaucoup du grand accélérateur de particules le LHC du CERN. Par exemple, les scientifiques ont prédit, il y a dix ans, que la moitié de la matière ordinaire serait composée d'un gaz de très faible densité, réparti dans le vaste espace entre les galaxies, un gaz de très haute température émettant des rayons X. Mais sa faible densité rend son observation très difficile. Même le gaz interstellaire échappe à l'observation directe. Les scientifiques du Netherlands Institute for Space Research ont repéré un filament de gaz chaud reliant deux amas de galaxies. Il ne pourrait être qu'un des fils d'une gigantesque toile contenant de la matière ordinaire. Qu'implique cette découverte ? Oui, c'est grâce au télescope XMM-Newton, très sensible aux rayons X, qu'a été faite cette découverte. Elle est très importante dans la mesure où elle explique le déficit de la matière baryonique chaude dans l'univers et va aussi aider les astronomes à mieux comprendre l'évolution de cette toile cosmique que certains scientifiques attribuent la forme filamentaire à la matière cachée. Mais cela n'est que le début d'un long travail acharné qui consiste à observer plusieurs systèmes comme ce dernier et utiliser des instruments de plus en plus sensibles. Khalil Daiffallah, Mélanie Matarese