C'était prévisible. Dès le mois de septembre, les étudiants de l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou (UMMTO) ont renoué avec la protestation. Une fois de plus, les conditions sociopédagogiques sont mises en avant. Le matériel pédagogique et les infrastructures mis à la disposition des étudiants ne sont jamais suffisants pour répondre à une population estudiantine qui s'élève cette année à 48 000 étudiants, dont 11 688 nouveaux bacheliers. Ce n'est pas une sinécure pour le rectorat ainsi que les responsables des œuvres sociales qui s'y attendaient. L'inachèvement du pôle universitaire de Tamda a, vraisemblablement, chamboulé les calculs et réduit la marge de manœuvre de l'administration. Des milliers d'étudiants sont mal à l'aise dans des résidences qui ploient sous cette surcharge. A Tamda, le nouveau pôle universitaire de 15 000 places pédagogiques et 20 000 lits n'est toujours pas prêt à recevoir les nouveaux bacheliers. Des ouvriers s'affairent à aménager les salles qui devront accueillir les étudiants de 1e année dans les spécialités agronomie, psychologie et architecture. Des dizaines de tables et de chaises sont acheminées par camions. Les travaux de finition vont bon train. Un jardinier dit : « Nous avons mis les bouchées doubles, car les étudiants rentreront à partir de la semaine prochaine, nous a-t-on indiqué. » Au niveau de la clôture sud un ouvrier surpris de par la visite dit amusé : « Je vous ai pris pour le service technique ! Il y a plus d'hommes en costumes et cravates que des manœuvres. Le patron est là-bas, monsieur. La clôture de la partie sud devrait être achevée d'ici vendredi… ! » Dans l'ensemble, la réception des résidences prendra encore quelque temps, selon le constat, mais en prenant en compte également les aléas de la saison hivernale et les pénuries de matériaux de construction. Mais aussi, la rareté des moyens de réalisation, un argument cher à la DLEP. En somme les conditions pédagogiques et sociales ne sont pas réunies pour accompagner les nouveaux bacheliers. Et c'est pour cette raison que le comité des étudiants de l'agronomie est monté au créneau. Ce dernier, s'est rendu dans la matinée de mardi au rectorat, dans le campus de Hasnaoua. « Nous sommes venus rencontrer le recteur dans le but de nous trouver une solution. Il n'est pas possible que des étudiants de 1ère année aillent à Tamda alors que le minimum de sécurité et de confort n'y sont pas ». Equipés d'une baffle et un poste CD, les étudiants piaffent d'impatience en attendant leur délégation. Dans l'après-midi, les membres du comité sortent, mais déçus. La rencontre a été brève et infructueuse à les en croire. « Le responsable estime que nos revendications sont inabordables. Pourtant, ils peuvent bien mettre à notre disposition des classes ici à Bastos, pour au moins cette année. Nous sommes d'ores et déjà très en retard ; il n'y a pas de temps à perdre », fulminent-ils. Selon ces étudiants « l'administration a préconisé des repas réchauffés pour le dîner. A défaut d'un réfectoire, une grande salle a été aménagée en guise de restaurant », dit Idir l'air courroucé. Si les étudiants sortants (5e année) ont eu gain de cause, ceux de la 1ère année seront apparemment contraints de côtoyer les engins, supporter la promiscuité des extra-universitaires. Conditions d'hébergement déplorables Ils subiront des nuisances de toutes sortes : techniques et sociales. Actuellement les étudiants sont hébergés au niveau des cités de Boukhalfa, Draâ Ben Khedda et la plupart à Hasnaoua, soit à une moyenne de 30 km du pôle U. N'ayant pas trop le choix, à l'en croire, l'administration laisse entendre qu'elle mettra 6 bus dans la circulation, et même prête à doubler le nombre. Alors qu'on arrive mal à desservir les liaisons internes en ville, l'on se demande comment pourraient-ils assurer la navette entre les résidences de sud-ouest de Tizi Ouzou et Tamda. Retour de Tamda. Au carrefour de l'ex-campus de Oued Aïssi, un groupe de filles fait le pied de grue à l'arrêt de bus. Un sac à main à bout de bras, une étudiante répond craintivement aux étrangers que nous sommes : « On attend le bus. Il n'y en a pas assez, en plus ils affichent souvent complet, puisqu' ils stationnent et chargent d'abord à la cité des garçons avant. L'idéal est de doter ces résidences de bus. » Leurs déboires ne s'arrêtent pas là. Plus de 2600 filles s'entassent dans ce dortoir sans la moindre commodité. « Les chambres sont parfois chargées à 6 étudiantes. Nous n'avons pas de restaurant… excusez-moi le bus arrive… », conclut succinctement cette étudiante en 1ére année. Dommage, on n'en saura pas plus de la bouche de cette étudiante remontée contre les conditions de son hébergement. Transférées récemment dans cette cité, ces jeunes universitaires bravent tous les dangers en rentrant le soir par ces journées d'hiver. « Oued Aïssi, c'est connu. Très effrayant comme endroit. En plus, nous sommes obligées de sortir la nuit tombante pour des commissions ! », disent-elles. A quelques encablures plus haut, la cité garçons. A l'entrée, un nouveau réfectoire reçoit les dernières retouches. N'empêche, le comité de cité en a pris le contrôle et sert des repas froids le soir. Rencontré à la sortie de l'ancien restaurant, une miche de pain dans la main et deux baguettes sous le bras, Farid nous invite dans la nouvelle cité de 500 places. « Officiellement, ce dortoir n'est pas réceptionné. Voyez-vous, il y a encore des travaux et des déchets partout. Je ne vous cache pas, les étudiants en sont pour quelque chose. Certains d'entres-eux ont commencé à casser les portes pour se procurer des lits et des matelas. Pas de gardiens… » Les sanitaires sont fermés et l'eau n'est pas disponible. « Le matin, je me rends jusqu'aux anciens blocs pour me laver le visage. Idem pour le reste de la toilette ». Les chambres sont conçues pour deux personnes. L'administration, selon cet étudiant en biologie, veut porter le nombre à quatre, ce que nous refusons. En attendant la mise en service du réfectoire, Farid et son ami, emmagasine -c'est le cas de le dire- des crèmes-dessert, du pain et du fromage dans les placards conçus pour le linge et les livres.