Dans le golfe d'Aden et en mer d'Arabie, les pirates somaliens sont devenus de « véritables forces paramilitaires », bien équipées et « professionnelles », a souligné l'amiral Gérard Valin, commandant des forces maritimes françaises de l'océan Indien. En un instant, de paisibles marins naviguant à bord de « skiffs » traditionnels comme des milliers de pêcheurs peuvent se transformer en de redoutables flibustiers, équipés de kalachnikovs, fusils d'assaut, RPG-7 (lance-roquettes), GPS et autres téléphones satellitaires. « Il faut un quart d'heure à ces prétendus pêcheurs pour mener l'assaut contre un navire de commerce et prendre son équipage en otage », a noté l'amiral Valin. Leurs méthodes ont évolué. Autrefois cantonnés par la faible autonomie de leurs embarcations à une bande côtière de quelques dizaines de kilomètres le long des côtes somaliennes, les pirates recourent désormais à des « bateaux mères », comme de vieux cargos qui remorquent jusqu'à quatre « skiffs » rapides. Ils peuvent ainsi surprendre leurs proies en haute mer. Il est arrivé que des hélicoptères militaires français donnent l'alerte après avoir détecté la présence d'échelles à bord de ces embarcations. « On ne pêche pas avec des échelles », a remarqué l'amiral Valin. Selon des décomptes effectués par les militaires français, le phénomène a explosé dans la région avec un total de 133 attaques avérées, dont 39 réussies, depuis le début de l'année 2008 contre 70 attaques, dont 31 réussies, pour l'ensemble des trois années précédentes. L'affaire revêt une dimension géostratégique : quelque 16 000 navires de commerce empruntent chaque année le détroit de Bab El Mandeb, entre le golfe d'Aden et la mer Rouge, par où transitent près de 30% du pétrole brut mondial. La « zone de chalandise » des pirates, longtemps limitée au golfe d'Aden, sur le rail de navigation qui longe les côtes du Yémen, s'est étendue en septembre lorsqu'un deuxième « front » est monté en puissance plus au sud, sur une zone de 400 miles nautiques (740 km) au large de Mogadiscio. Six attaques y ont été recensées en un mois. Mais les pirates somaliens opèrent parfois plus loin encore de leurs bases. Le Sirius Star, un superpétrolier saoudien capturé samedi, l'a été à plus de 450 miles nautiques (800 km) au sud-est de Mombasa (Kenya). Pour les dizaines de bâtiments de guerre présents dans la région, « l'objectif premier est d'empêcher les pirates de monter à bord des navires marchands et de prendre en otage leur équipage », a expliqué l'amiral Valin. « Les déloger par la force est une opération complexe, exigeant des moyens importants pour minimiser au maximum les risques tant pour les otages que pour les commandos et les pirates eux-mêmes », fait-il valoir. L'amiral Valin le souligne : « Nous ne sommes pas en guerre contre des forces armées traditionnelles, mais face à des criminels qui font du business avec des otages et qu'il s'agit d'appréhender vivants pour les présenter à des juges. »