Nos écoles et autres établissements éducatifs, sont-ils à l'abri du phénomène de la toxicomanie qui, au demeurant, ne cesse de s'approprier d'énormes espaces dans la société ? Voilà une question qui mérite bien d'être posée, si on se fie au constat fait quotidiennement dans chaque coin de nos rues. Une réalité tangible et pour le moins incontournable dans la mesure où l'on ne cesse d'enregistrer une propagation presque généralisée du phénomène à tous les niveaux. Là, on est tenté de faire abstraction du simple tabagisme qui, dans un pays comme le nôtre, ne fait plus l'objet d'inquiétude au vu du laisser-aller observé quant à la prolifération des tables à tabac, faisant depuis au moins une décade, le décor de nos rues commerçantes. Cependant, si la question donne l'allure d'être tout bonnement banalisée, pour ne pas dire évacuée, il demeure néanmoins qu'elle taraude bien les esprits des parents d'élèves soucieux de l'avenir de leur progéniture. Ainsi donc, le constat établi sur le terrain lève le voile sur une vérité pour le moins inquiétante. Dans notre tournée effectuée à travers quelques établissements de la wilaya de Bouira, nous avions eu à constater de près l'atmosphère régnante dès la sortie des écoliers, notamment les collégiens, de leurs écoles. A Ath Laâziz, une localité de montagne sise à 10 km au nord de Bouira, où nous nous sommes permis une tournée à travers les différents établissements scolaires, la situation est pour le moins alarmante. Dans cette commune où l'on dénombre deux CEM et un lycée, implantés respectivement dans les localités de Malla et de Bezzit (le chef-lieu communal), il y a, outre les problèmes liés au manque criants des moyens pédagogiques, le tabagisme chez des enfants d'à peine 15 – 16 ans, qui fait craindre le pire. A Malla, plus exactement au niveau du nouveau lycée, regroupant pas moins de 300 élèves, nous découvrons, à notre grande surprise et à l'entrée même de l'établissement, une table bien garnie de toutes sortes de marques de cigarettes. La boutique de fortune est installée juste devant le portail de l'établissement au grand dam des responsables et des parents d'élèves qui assistent impuissants. Les autorités locales, quant à elles, sont tout bonnement portées aux abonnés absents dès lors que ce genre de commerce donne l'allure de fleurir et de connaître des extensions chaque jour que Dieu fait. Il était à peine 8 heures, lors de notre passage, et les élèves comme pour s'approvisionner pour un safari, s'agglutinent devant le vendeur de cigarettes qui affiche une mine joviale. Tout passe, comme des petits pains, allant des paquets de cigarettes aux boites de chique. Stupéfaits, nous apprenons auprès de certains élèves, interrogés quant au lieu où ils devaient fumer, que c'est « dans les toilettes, bien sûr ! ». Un élève qui se dit agacé par les dealers qui rodent aux alentours de l'établissement, témoigne que « l'unique surveillant du lycée ne pourra pas contrôler tous les scolarisés ». L'on parle de toxicomanie dans les rangs de ces élèves. Mais, chez les adultes, ça devient plutôt un tabou que d'aucuns n'osent aborder. En effet, au mutisme observé par les corps administratif et enseignant, qui se plaignent plutôt de la violence qui prend de l'ampleur à leur encontre par ces mêmes élèves ; les associations des parents d'élèves, à l'instar de celle du CEM Ghoul Rabah, tentent de dédramatiser le phénomène. Pour certains membres de l'association précitée « il n'y a pas le feu, puisque, arguent-ils, les écoliers ne se droguent pas, et ce ne sont que des cas rares qui relèvent plutôt du tabagisme ». Comme quoi, le tabagisme : c'est peu dire ! Un fait réel mais insondable au demeurant… A Bouira-ville, notre deuxième escale, Samir, un lycéen, n'a pas encore rejoint son lieu d'étude, en dépit du fait que l'horloge indique 12h00. Selon lui, il a été renvoyé par le directeur de l'établissement pour cause de cumul de retards. Se prêtant à notre discussion autour d'un café, Samir commence à narrer son histoire : « Au début j'ai appris à chiquer dès lors que mon père en fabrique à la maison même. Par la suite vient la cigarette. Mais, vu les problèmes, et particulièrement depuis que j'ai raté mon bac, la première fois, des copains m'ont appris à goûter aux saveurs de la Zetla. J'ai vécu quelques mois dans cette situation, mais Dieu merci grâce aux conseils d'un ami, j'ai pu arrêter. Une victoire pour moi, mais qui ne manque pas de me laisser un sentiment de peur pour l'avenir, surtout pour celui de mes jeunes copains qui continuent à sombrer dans la déprime engendrée par ces psychotropes ingurgités à longueur de journées. » A notre question sur la prolifération de la toxicomanie en milieu scolaire, Samir confirme que plusieurs élèves dont l'âge ne dépasse pas les 16 ans, s'adonnent à la drogue. Pour ce qui est des dealers dans les établissements, notre interlocuteur nie catégoriquement leur existence à l'intérieur, mais parle de voyous qui rodent autour des établissements. Une situation non maîtrisable dirions-nous, car les dealers agissent en douceur et ont souvent leurs potentiels clients, souvent transformés en colporteurs et même revendeurs…ainsi, il est juste de constater que l'engagement de campagnes de proximité, notamment dans les écoles, pour prévenir les effets néfastes de la toxicomanie, demeure une nécessité impérieuse. Pour l'éradication du phénomène de la drogue ; la question reste posée, et attend bien des mesures courageuses...