« Irrigation, enjeu et réalité », tel est le thème proposé à débat lors d'une journée technique organisée par l'Agence nationale de réalisation et de gestion des infrastructures hydrauliques pour l'irrigation et le drainage (AGID), sous tutelle du ministère des Ressources en eau, au siège de l'Institut de technologie moyen de l'agriculture (ITMA) de Guelma. Ce qui devait donc être une journée intéressante, puisque traitant un projet ayant consommé presque 300 milliards de centimes, n'a été finalement qu'une suite de débits à sens unique de trois communications, dont l'une est carrément hors sujet. Quelques questions ont été posées par les deux agriculteurs présents, l'un président de l'Association des irrigants, l'autre membre de l'UNPA, et ils voulaient en poser plusieurs. Aussi, une journée de débats a été organisée au bureau d'El Watan ayant regroupé des fellahs. D'abord, posons cette lancinante question : a-t-on mis presque vingt ans pour réaliser un projet d'une importance capitale pour le développement agricole de la région, et partant, pour le pays, en y investissant environ 300 milliards de centimes, sans par la suite s'inquiéter le moins du monde de ce pour quoi il a été réalisé, tout ce qui vient en aval, à savoir l'amortissement de ce projet, la vocation et le fonctionnement quotidien du périmètre et les préoccupations des irrigants ? La situation frise le ridicule ; pire, le suicide. Initialement, le périmètre irrigué de la vallée du Seybouse, s'étendant sur une distance de 80 km et une superficie de 12 900 ha, devait être réalisé en 1992 avec une enveloppe de 159 milliards de centimes, les travaux ayant été entamés en 1986. Donc, presque vingt ans après, le projet, après plusieurs réévaluations, ne l'est pas encore, du moment que l'AGID, maître d'ouvrage, avance moult contraintes ayant retardé son achèvement et que le secteur d'El Fedjoudj de 2355 ha est actuellement partiellement mis en service. « Le secteur de Dréan de 2960 ha (à déduire donc de la superficie précédemment citée) a été différé par décision ministérielle suite au prélèvement de 19 millions de mètres cubes pour l'AEP de Guelma (prélèvement du barrage de Bouhamdane alimentant ce périmètre par le biais de l'oued Seybouse) », dira dans sa communication Amor Guehimèche, chef du projet du périmètre à l'AGID ; ce secteur, nous dira-t-on, attend la réalisation d'un barrage à El Tarf. Mis en exploitation graduellement depuis 1995, le périmètre irrigué est donc encore loin de faire profiter les agriculteurs, encore moins la région. Les cultures devant y être pratiquées, après un début prometteur, s'amenuisent comme peau de chagrin. A titre d'exemple, la superficie réservée à la pomme de terre de saison et celle d'arrière-saison, si elle a atteint il y a quelques années le pic de 2800 ha, cette année, elle arrive juste à couvrir 1200 ha, sans parler des problèmes de commercialisation. On peut dire autant, sinon pire, à propos de la tomate industrielle et bien d'autres cultures. En moyenne annuelle, 60% de la superficie du périmètre irrigué ont été emblavées en céréales... à sec, s'il vous plaît, avec... 8, parfois 4 q/ha ! Ce qui doit être actuellement un véritable eldorado, n'est en définitive qu'un gâchis certain ! Détourné de sa vocation, il est exploité à outrance chaque année durant l'été pour la pastèque et le melon, alors que, selon le code des eaux, parce que tout simplement l'eau du Seybouse alimentant le périmètre est polluée, « enrichie » des rejets de la ville de Guelma, pour ne citer que celle-ci, y compris ceux très dangereux des usines, la culture des crudités est strictement interdite. Les responsables de la wilaya ont toujours laissé faire, nonobstant le fait que certaines parties ont tiré la sonnette d'alarme. Une autre culture y est pratiquée : la jachère à outrance ! Où est la vocation du périmètre irrigué ? S'agit-il de pratiquer les cultures maraîchères, investir dans la transformation agroalimentaire ? Développer l'élevage et donc produire les cultures fourragères ? Investir dans l'arboriculture ? Depuis leur création, les OPI, en l'occurrence celui des plaines d'El Tarf gérant le périmètre irrigué de Guelma-Bouchegouf, sont confrontés à des contraintes majeures, dira Abdelhak Kebièche, directeur technique à l'OPI d'El Tarf. Primo, les faibles ressources financières, causant un déséquilibre financier, un manque à gagner dû au tarif de l'eau qui depuis 1994 est resté à 1,20 DA/m3. Secundo, les charges importantes telles l'énergie électrique, et le coût des autres intrants. De fait, d'un côté, il y a eu ces dernières années des augmentations successives du tarif de l'énergie électrique, et de l'autre, le tarif de l'eau est resté stagnant. Tout cela a engendré le fait que l'OPI ne peut, depuis bien longtemps, accomplir sa mission comme il se doit. Il est bizarre quand même de remarquer que le concédant, c'est-à-dire l'Etat, ne respecte pas le cahier des charges le liant au concessionnaire, l'OPI, en lui assurant la compensation tarifaire, apprend-on de la communication du responsable de l'OPI. Et l'agriculture dans tout cela ? Cependant, le ministère des Ressources en eau introduit l'AGID dans la gestion du périmètre. En effet, dans une nouvelle réévaluation (encore une), l'AGID a bénéficié en septembre 2004 d'une nouvelle rubrique intitulée « Maintien du projet en état d'exploitation pendant 2 années », apprend-on lors de cette journée. Cette structure doit assurer le paiement de l'énergie électrique à l'OPI, de le doter du matériel de travaux publics (pelles mécaniques, camions tracteurs, etc.), de lui fournir la pièce de rechange (tuyauterie et appareillage), de procéder à la réfection des ouvrages (seuil, pistes et fossés). Le montant de cette enveloppe s'élève à 380 MDA. Il est prévu la dotation de chaque secteur d'une pompe d'exhaure de secours ; pour celui de Guelma de 3255 ha, il est question de deux pompes d'exhaure immergées dans l'oued Seybouse. Pour leur acquisition, l'AGID a entamé la procédure de consultation des fournisseurs. Aussi, questionné à propos de cette rubrique de l'AGID, le directeur technique de l'OPI dira que cela constitue une bouffée d'oxygène et qu'on verra après... Le directeur général de l'AGID a fait état, sans donner de détails, d'une éventuelle création d'un Office national pour l'irrigation et le drainage (ONID), qui, semble-t-il, ferait fusionner l'AGID et l'OPI, deux structures relevant du ministère des Ressources en eau. Entre temps, les fellahs ou les irrigants soulèvent une multitude de problèmes, faisant remarquer qu'ils font l'objet d'une paupérisation assurée.