De la pierraille, de la ferraille... des odeurs nauséabondes se dégagent de ce qui était un vide sanitaire. De quatre logements qui abritaient autant de familles, soit 14 personnes, dont trois femmes et un enfant de cinq ans, lesquelles ont été décimées, le rez-de-chaussée sans murs, sans portes ni fenêtres, est ouvert à tous les vents. Les murs du premier étage menacent de tomber, bien que consolidés par des charpentes métalliques. Le plancher du rez-de-chaussée n'existe pas, ainsi qu'une bonne partie du plafond, c'est-à-dire le plancher du premier étage. Le vide sanitaire n'est qu'un réceptacle de vase ou un égout ayant une hauteur n'excédant pas les 50 centimètres. Les appartements au niveau des cinq étages présentent un aspect triste, avec des fenêtres ouvertes ou entrouvertes, certaines ayant des volets déglingués, près de tomber. Accrochées à même les façades, les paraboles sont intactes et semblent branchées à une chaîne d'une autre dimension... d'outre-tombe. Une terrible image de désolation et de tristesse, voilà ce qu'offre l'immeuble n° 20B de la cité Aïn Defla à Guelma, lieu du drame qui a eu lieu dimanche dernier lors de l'explosion de gaz. L'immeuble est désert. Des agents de Sonelgaz y travaillent. Nous apprenons par le directeur général de Sonelgaz-région Est qu'une commission d'enquête est à pied d'œuvre afin de déterminer les causes de ce grave incident. Une entreprise a entamé les travaux pour l'alimentation en gaz des immeubles de la cité Emir Abdelkader, où ont été relogées les 24 familles victimes de cette explosion, aux frais de Sonelgaz, qui leur offre par la même occasion des appareils de chauffage. Des 31 blessés au total lors de cette explosion, 6 personnes sont toujours à l'hôpital docteur Okbi, sous surveillance médicale, certaines faisant l'objet de soins intensifs. Le récit de N. Nacer, qui est actuellement hospitalisé, ainsi que certains de ses proches, est on ne peut plus édifiant sur ce qui, selon lui, s'est réellement passé. Il habitait au premier étage. « Vers 2h 30, j'ai été surpris par les vibrations que faisait le réfrigérateur, et par le fait que la lumière s'amenuisait puis augmentait. Bien vite, j'ai débranché le réfrigérateur et puis coupé le courant électrique dans tout l'appartement, puis je suis sorti. Au rez-de-chaussée, les membres de la famille Fadhel, - que Dieu ait leur âme -, qui, eux aussi, avaient remarqué le même phénomène au niveau de leurs appareils électroménagers, ont attiré mon attention sur la fumée qui sortait d'une bouche d'aération du vide sanitaire, celle sise au bas de la façade droite de l'entrée de l'immeuble, car les autres sont colmatées, et aussi au niveau du toit de l'immeuble, précisément de l'ouverture de la colonne montante. Nous avons ouvert la trappe donnant sur le vide sanitaire, et une fumée asphyxiante s'en était dégagée, de sorte que nous l'avons refermée illico. Je me suis dit qu'un fil électrique était en train de brûler. Aussitôt, nous avons essayé de faire ressortir tous les locataires. Presque tous ont déserté l'immeuble. Entre temps, nous avons alerté les services de Sonelgaz, les pompiers et la police. Après l'arrivée des éléments de la Protection civile, un officier de police est venu et s'est enquis de ce qui se passait. Il était sur le point d'aller alerter les services de Sonelgaz, quand un agent est venu. Il n'avait pas de matériel pour pouvoir procéder à tout travail. Nous avons dû nous servir de la hache de secours afin d'ouvrir les armoires d'électricité et de gaz. L'agent a coupé l'électricité alimentant l'immeuble puis, comme nous ne savions pas exactement ce qui brûlait, il a fermé la vanne alimentant l'immeuble en gaz. » Selon cet habitant ayant échappé à la mort in extremis, qui a déjà donné sa version des faits à beaucoup de responsables, « comme la chose le dépassait, cet agent aurait dû alerter ses responsables ». Car, selon lui et bien d'autres habitants, l'erreur est là, car si l'immeuble avait été isolé, le vide sanitaire ne l'a pas été, et la fuite y avait continué, ce qui a engendré une pression telle qu'il y a eu explosion. Donc, la fuite serait bien avant la vanne d'arrivée du gaz alimentant l'immeuble et Sonelgaz serait entièrement responsable. Mais de la bouche des responsables de Sonelgaz, en temps opportun, et une fois les résultats de l'enquête connus, la société prendra ses responsabilités ; les décisions et les mesures nécessaires seront prises avec sérénité et courage. Par ailleurs, il faut dire que les habitants de Guelma entament une nouvelle année avec la hantise d'une explosion de gaz. Certains d'entre eux, nous disent-ils, ne dorment plus avec l'appareil de chauffage allumé, bien que ce dernier soit automatiquement réglable à la température voulue ; ils le ferment avant et vérifient bien s'ils l'ont fermé. Un hiver bien triste et bien rigoureux...