Dans près d'une vingtaine d'années, le monde fera face à de grandes pénuries d'eau, de vivres, mais surtout d'énergie. Selon un rapport alarmant qui vient d'être publié par le département d'Etat américain, aucun pays ne dominera le monde, où le pouvoir sera plutôt détenu simultanément par plusieurs Etats. Dans ce « nouveau » monde, l'influence internationale sera beaucoup plus exercée par des entreprises, des tribus, des associations à but non lucratif, des groupes religieux et même des réseaux de criminels. Elaboré par le Conseil national de renseignements des Etats-Unis ou National Intelligence Council (Nic) chargé d'analyser les tendances mondiales à long terme, le document de 115 pages, intitulé Tendance mondiales 2025 : un monde transformé, décrit les facteurs susceptibles d'avoir une influence sur les événements internationaux, mais aussi sur l'avenir de la planète. Ses auteurs se sont basés sur les analyses de centaines de spécialistes américains et d'une vingtaine d'autres pays, notamment des spécialistes de Chatham House (ancien Institut royal des affaires internationales) à Londres, de l'Institut de recherche sur la paix internationale de Stockholm, de l'Institut des relations internationales contemporaines de Pékin, ainsi que ceux de l'institut Brookings, de l'American Entreprise Institute de Washington et de la société Rand Santa Monica de Californie. Ils ont fait état de quelques domaines de « certitude relative » et leurs effets possibles ainsi que ceux des « grandes incertitudes » et leurs conséquences éventuelles. Les experts ont pris par exemple l'éventualité que les Etats-Unis d'Amérique puissent rester le pays le plus puissant, mais avec une moindre prédominance. Une situation qui les poussera probablement à faire des arbitrages difficiles entre la politique étrangère et la politique intérieure à cause de l'affaiblissement de leurs moyens économiques et militaires. Pour ce qui est du terrorisme, les experts du NIC affirment qu'il continuera d'être une grande cause d'inquiétude. Néanmoins, il est probable qu'il attirera moins de jeunes au Moyen-Orient, surtout s'il y a une diminution du chômage dans la région. La mondialisation créera de plus grandes inégalités L'attirance vers les réseaux d'Al Qaïda « s'affaiblira » du fait que l'organisation terroriste est opposée à la modernité et à la démocratie dont rêvent les jeunes du monde entier. Il est également précisé dans le document que toute la croissance démographique aura lieu durant les 25 prochaines années en Asie, en Afrique et en Amérique latine, alors que les effets liés aux changements climatiques varieront selon les zones géographiques mais aggraveront les pénuries de ressources. Ce rapport (achevé avant la crise financière mondiale) a prédit par ailleurs la poursuite de la mondialisation avec la création de plus grandes richesses, mais aussi de plus grandes inégalités, alors que le transfert des richesses de l'Ouest vers l'Est sera, à en croire les experts, « sans précédent » dans l'histoire contemporaine. Ainsi, en 2025, la Chine – au cas où son essor se poursuit – va avoir la plus grande influence sur le monde. Elle occupera la deuxième place sur la liste des puissances économiques et militaires à l'échelle planétaire. Elle sera le pays le plus polluant et celui qui importera le plus de richesse naturelles. Pour sa part, l'Inde fera tout pour être un pôle dans un monde multipolaire. Les spécialistes ont toutefois éprouvé des difficultés à cerner la Russie qui, selon eux, pourrait devenir plus riche et plus puissante si elle investissait dans le domaine social, diversifiait son économie et s'intégrait dans le marché mondial. Dans le cas contraire, elle connaîtrait une chute libre, surtout si les cours du baril de pétrole et du gaz naturel restent dans la fourchette des 50-70 dollars, comme c'est le cas actuellement. En fait, il s'agit là d'un rapport vraiment inquiétant qui mérite une attention particulière. A ce titre, il est important de préciser que sa publication durant cette période, c'est-à-dire entre l'élection du nouveau Président (4 novembre 2008) et son entrée en fonction (20 janvier 2009) n'est pas du tout fortuite. Le président du conseil national de renseignement, Thomas Fingar, a expliqué que le rapport permettra une meilleure préparation des nouveaux responsables au monde de 2025. « S'ils ont une idée de la façon dont les événements dans le monde risquent de se produire ainsi que de ceux qui auront une grande influence, ils seront mieux préparés à faire face aux événements défavorables », a-t-il déclaré devant les membres du Conseil atlantique des USA réunis à Washington, précisant toutefois que « si le nouveau Président est satisfait d'une orientation particulière des événements, il pourra souhaiter prendre certaines mesures pour les maintenir sur cette voie. Sinon, il pourra décider d'élaborer et de mettre en œuvre des mesures destinées à changer cette trajectoire ». M. Fingar a insisté sur l'importance du leadership dans les changements des situations : « Si on sait en quoi consiste le problème, on peut s'y attaquer. Rien de ce qui est prévu dans le nouveau rapport n'est immuable car l'intervention des dirigeants peut tout modifier. » Il a exprimé l'espoir que le contenu du rapport contribuera à stimuler un débat animé entre ses lecteurs car, a-t-il averti, « le monde de 2025 sera considérablement différent du monde actuel ». A ce titre, il a expliqué que lorsque les auteurs du rapport avaient soumis ce dernier à d'autres spécialistes et l'avaient diffusé sur internet pour une large consultation, « ils avaient appris que le monde ne voulait pas l'affaiblissement de l'influence américaine mais souhaitait que les Etats-Unis fassent preuve d'une plus grande intelligence et d'un plus grand savoir-faire ». La question qui reste posée est de savoir si le message de ces illustres experts sera reçu par la nouvelle Administration américaine....