On peut être d'accord, jusqu'à un certain point, avec Stendhal qui fut l'un des premiers à affirmer que « la littérature est le miroir de la société ». Si l'on se base sur cette définition, on peut se demander si vraiment, en Algérie, il existe un échange concret, entre le mouvement littéraire, d'un coté, et le mouvement social, de l'autre. Il faudrait peut-être toute une étude, voire plusieurs, pour répondre à une telle question. Contentons-nous ici de tenter de cerner quelques tendances qui, au début de ce XXIe siècle, marquent la littérature algérienne de langue arabe. Pendant la décennie des années 90, on pourrait relever ainsi la grande influence de l'œuvre de la romancière Ahlam Mostagnami sur les écrits de plusieurs écrivains émergeants. Ces romanciers qui cherchaient à développer « une poétique romanesque », couraient aussi derrière « les clichés » à force de vouloir « surprendre » le lecteur, notamment à travers la description de l'horreur et la proposition simultanée de portraits assez mélancoliques et même désespérants d'une Algérie déchirée par une guerre interne. Il est clair que l'auteure de La mémoire de la chair a aussi marqué de jeunes auteurs du Machreq. Mais son impact sur les nouveaux talents littéraires en Algérie apparaît fini aujourd'hui. Après la clôture de la 13 édition du SILA, deux ouvrages, récemment parus, nous semblent jeter les premiers jalons d'une nouvelle littérature algérienne d'expression arabe qui pourraient prochainement marquer bel et bien la naissance d'une sensibilité sur l'échiquier littéraire en Algérie et tourner la page d'une période. Il s'agit du roman Humeur du loup blanc de Abdelrazak Boukebba, paru aux Editions Alpha, ainsi que Après le silence des balles… de Samir Kabli, paru aux Editions Casbah. Dans Humeur du loup blanc, l'auteur nous conduit dans un voyage à multiples facettes, un voyage qui cherche à éliminer toute frontière séparant le genre « poétique du genre narratif ». Il raconte poétiquement, mais il versifie aussi « le narratif » et affirme, clairement, sa volonté de détruite les modèles préétablis de la littérature. Avec une écriture qui s'approche parfois du surréaliste, Abdelrazak Boukebba remet en question les modes stylistiques, longtemps répandus parmi la nouvelle génération des auteurs algériens d'expression arabe. Pour sa part, Samir Kabli nous propose un roman, exceptionnellement poétique puisqu'écrit en vers. Avec des passages aussi courts que chez Boukebba, ce roman nous rappelle un peu La Grotte éclatée de Yamina Mechakra, mais avec davantage de violence. Bien que les deux ouvrages se rejoignent autour de la verve poétique et de la description de la réalité violente de la société algérienne actuelle, ils proposent des structures stylistiques différentes. Les deux auteurs cherchent assidûment à capter le lecteur par une écriture très aérée qui, à notre sens, annonce une rupture avec tous les genres d'expression littéraire précédents, depuis Réda Houhou jusqu'à Ahlam Mostaganemi.