Le baril de pétrole a perdu plus de 100 dollars de sa valeur en moins de 6 mois et la symbolique implacable de ce chiffre commence à susciter l'inquiétude du gouvernement qui a bâti son budget, mais aussi et surtout toute sa politique économique, sur les seules recettes d'hydrocarbures. Bien que le fonds de régulation alimenté depuis plus de cinq ans par les excédents de recettes pétrolières procure au pays une certaine sécurité pour les quelques mois à venir, les autorités économiques algériennes, à leur tête le ministre des finances, ne sont plus aussi confiantes que par le passé. Notre argentier, qui n'ignore pas tous les excès de dépenses que l'Etat s'est permis durant toutes ces années de confort budgétaire, a de bonnes raisons de s'inquiéter. Comment constituer un budget à la hauteur des exigences démesurées de l'Etat si le prix du baril venait à descendre en dessous de la barre des 40 dollars ? Coupes budgétaires, recours au fonds de régulation, certains vont même jusqu'à évoquer l'emprunt extérieur auquel l'Algérie serait astreinte si la baisse des prix du pétrole venait à s'installer dans la durée. Le débat est ouvert et chacun y va de sa recette pour consolider le budget de l'Etat dont dépendent, est-il nécessaire de le rappeler, le développement économique et la stabilité sociale du pays. Les dépenses incompressibles de fonctionnement de l'Etat ont, en effet, explosé ces cinq dernières années, pour payer des fonctionnaires de plus en plus pléthoriques et, de surcroît, beaucoup mieux payés que durant la décennie 1990. Les transferts budgétaires pour assurer les pensions et avantages accordés aux anciens moudjahidine et autres ayants droit, maintes fois réajustés en hausse, engloutissent chaque année des sommes vertigineuses qu'il sera difficile d'assurer en cas de baisse drastique des recettes d'hydrocarbures. Les entreprises publiques que le gouvernement s'entête à garder dans son giron vont en outre requérir plus d'une centaine de milliards de dinars supplémentaires pour assurer leur énième assainissement financier. Pour maintenir le niveau actuel des importations qui avoisine aujourd'hui les 40 milliards de dollars, il faudrait maintenir les recettes d'hydrocarbures à un niveau à peu près semblable à celui de cette année, à savoir 80 milliards de dollars. Et il en faudra certainement un peu plus chaque année tant que l'appareil de production national ne sera pas en mesure d'alimenter en quantité mais également en qualité le marché intérieur soumis à la concurrence étrangère. Un changement de ton Pour ce qui est des dépenses d'équipement à la charge de l'Etat, il faudrait disposer du minimum requis pour assurer le financement de toutes les infrastructures mises en chantier et celles programmées pour les prochaines années. Au rythme actuel des dépenses, ce sont pas moins de 80 milliards de dollars, que l'Etat – qui a pris, aisance financière conjoncturelle aidant, l'habitude de vivre nettement au-dessus de ses moyens – devra mobiliser chaque année pour faire face à cet ensemble de charges devenues par la force des choses incompressibles. Et il est clair pour un pays qui ne vit que de ses recettes d'hydrocarbures qu'un tel niveau de dépenses ne peut être assuré qu'au cas où les pétrodollars continuent à affluer dans les caisses de l'Etat. Ce qui est évidemment peu probable, eu égard au net recul des prix de l'énergie engendré par la récession qui affecte de nombreux pays industrialisés et, bien entendu, certains enjeux géostratégiques qui poussent des pays comme l'Arabie Saoudite à ne pas mettre en œuvre les décisions susceptibles de faire remonter les prix par l'OPEP. On retiendra tout de même un changement de ton dans les déclarations de certains de nos ministres, à l'instar de ceux en charge des Finances et de l'Energie, qui se montrent résolument plus prudents qu'aux premières manifestations de la crise financière internationale dont ils n'avaient certainement pas mesuré l'ampleur et les possibles répercussions sur notre économie. Ils n'avaient surtout pas prévu que les prix du pétrole allaient descendre si bas qu'ils se rapprochent du prix de référence (37 dollars) sur lequel est bâti le budget de l'Etat pour l'année 2009. Si le prix, actuellement de 40 dollars le baril, descend au-dessous de ce prix de référence, il ne sera, à l'évidence, plus possible d'alimenter le fonds de régulation duquel on commencerait même à puiser pour faire face aux dépenses courantes. Cette prise de conscience d'une très probable récession pouvant affecter notre économie a, du reste, été clairement manifestée par le ministre des finances, Karim Djoudi, qui avait affirmé il y a quelques semaines qu'en cas de nouvelles baisses des prix de l'énergie (et elles n'ont pas manqué tout au long du mois de novembre dernier), le gouvernement serait inévitablement amené à reconsidérer certains de ses engagements économiques. « Si les prix du pétrole continuent à connaître une baisse significative et constante et si l'économie mondiale plonge dans la récession, nous serons obligés de reconfigurer notre action économique sur le moyen terme », avait-il déclaré, on ne peut plus clairement, à une de nos radios. Il a même pris le soin de créer au sein de son département ministériel une commission expressément chargée de surveiller les effets possibles de la crise économique sur l'économie algérienne et de faire des recommandations en vue d'organiser les meilleures ripostes possibles.