Le chef-lieu de la wilaya de Tipaza est pourvu d'une magnifique unité de production des objets en céramique, mais ce joyau du secteur de l'artisanat est confronté à de multiples problèmes. Impuissante, cette usine qui s'étend sur une superficie de 2240 m2 se désagrège et risque de disparaître, si l'Etat n'intervient pas. Celle-ci fonctionne avec 17 personnes, dont 7 sont des élèves en apprentissage issus de l'annexe du CFPA Nador. L'extension de l'activité est réelle, compte tenu de ses potentialités. Le responsable de cette usine est prêt à créer un atelier de sculptage sur bois qui pourra employer 40 personnes. L'équipement de cet atelier avoisine les 3 800 000 DA. Une boudineuse, qui nécessite le remplacement de quelques pièces, permettra la production de 800 tuiles vertes par jour, la fabrication des matières premières est à l'arrêt depuis 1998. L'unité dispose également de trois fours qui fonctionnent au gaz de ville. Les trois autres sont dans un état de dégradation avancé. En nous montrant un four de l'unité à l'arrêt , le responsable nous dira : « Je n'ai pas d'argent pour acheter quinze robinets d'arrêt pour ce four, pourtant ils ne coûtent que 10 600 DA. » Même si les ouvriers n'ont pas perçu leurs salaires depuis deux mois, ils s'accrochent, pour perpétuer leur art dans la poterie et la céramique. Les variétés d'articles illustrent leur savoir-faire. En dehors de la saison estivale, l'unité a du mal à fonctionner normalement. Sa difficulté financière réside dans son lien avec la Chambre nationale de l'artisanat et des métiers (CNAM), des promesses ont été faites, mais aucune aide ni soutien réel ne sont parvenus. Son démarrage demeure tributaire d'une prise en charge locale. Depuis août 2000, elle fonctionne avec le registre du commerce de la CNAM. Grâce à la débrouillardise des ouvriers, notamment du responsable, l'unité arrive à s'approvisionner en argile blanche d'Espagne et en argile rouge d'Italie auprès des importateurs algériens. Pour faire redémarrer la boudineuse et le filtre-presse de l'argile extraite d'un gisement à Boudouaou, il suffit de réintégrer quatre ouvriers connaissant parfaitement cette machine, expérimentés et en mesure de former de jeunes apprentis. La salle d'exposition et la réserve de l'unité de céramique de Tipaza sont achalandées de produits superbes de l'artisanat de la région du Chenoua. Les formes des articles, les motifs et les couleurs illustrent la richesse culturelle de cette partie de l'Algérie. Une précision de taille nous a été dévoilée par un spécialiste. L'unité de céramique de Tipaza travaille uniquement avec de la cristaline alimentaire. La fabrication de tous les objets s'effectue à l'aide de cette matière, du verre broyé et chauffé jusqu'à une température de 1000° C. D'ailleurs, les produits de céramique de Tipaza sont très légers. Sur le marché algérien, on y trouve beaucoup de produits de l'artisanat lourds et brillants qui sont en réalité fabriqués à l'aide de la cristaline plombeuse. Lorsqu'il s'agit d'assiettes et de verres, la cristaline plombeuse devient dangereuse pour la santé du citoyen. Du moment que ces articles de l'artisanat contiennent du plomb, ils ne doivent servir en principe qu'à la décoration, et ne doivent pas être utilisés pour la consommation. Le consommateur algérien n'est pas informé du danger qui le guette à travers la cristaline plombeuse. L'unité de céramique de Tipaza a tenu compte de ce volet, mais à son tour, telle une bougie, elle finira par disparaître si les autorités locales sont imperturbables.