La bibliothèque centrale de l'université vient d'abriter, une semaine durant, le premier salon du Livre universitaire. Une manifestation qui aura tenu toutes ses promesses et permis des rencontres inattendues entre le lectorat dans toute sa diversité et les créateurs que sont les poètes et romanciers. C'est notre collègue Benachour Bouziane qui ouvrira, grâce à son talent avéré, la première conférence sur la lecture et l'écriture dans les romans de ce prolifique dramaturge et journaliste à la fois. C'est d'ailleurs à ce titre qu'il sera en premier présenté au public qui découvrira le romancier dans toute sa splendeur, un inégalable conteur de nos années sombres. D'emblée, l'auteur nous plongera dans « Dix années de solitude », son premier roman, à travers lequel il met en scène la terrible décennie noire telle que vécue par ces femmes et ces hommes de l'ombre. Il parlera également de son bonheur d'aller à la rencontre de son lectorat qui se recrute de plus en plus parmi les universitaires qui tentent de disséquer la trame de ses livres, mais aussi des parias, ces marginaux de la société. Le débat qui suivra abordera la question de la lecture en Algérie et remontera jusqu'à la période Abasside, dont celle du règne d'Al Mamun, qui fut incontestablement l'une des plus prolifiques qu'ait connue l'humanité. Ce fils aîné de Harun Errachid est gratifié par la longueur et la fertilité de son règne durant lequel les plus belles traductions des ouvrages de la Grèce antique seront réalisées par la grâce de son soutien multiforme aux savants et intellectuels musulmans qu'il aura l'audace de regrouper dans son inimitable « Dar El Hikma ». C'est la preuve que les gens du Saint Coran n'avaient aucun complexe à s'ouvrir sur les sciences antérieures qu'ils protègeront et transmettront aux générations actuelles. Il y eut ensuite les interventions de Ameur Makhlouf, l'enfant terrible de Saïda qui animera, avec d'autres, un café littéraire qui attirera un public d'avertis. Renoncement des enseignants universitaires Se relayeront, pour des lectures studieuses, le prof. Mimouni Mustafa, Ghéribi Mourad, Kada Mohamed et Gheribi Abdelkrim, qui parleront successivement de la lecture à l'université, de l'initiation à la lecture chez l'enfant, de la relation entre l'enseignement et la lecture chez l'enfant ainsi que chez les apprenants dans les sciences humaines. La poétesse Khadidja Hadj Mohamed Sassi y fera une double apparition avec à la clef des œuvres d'une rare limpidité. Chaque intervention sera suivie par un débat qui prolongera les discussions jusqu'à des heures tardives, en ces soirées hivernales. Fréquenté par un public averti, ce café littéraire, inauguré pour la première fois dans l'enceinte de la bibliothèque universitaire, est certainement appelé à se perpétuer. Pour peu que la jeune association locale des amis du livre reprenne à son compte le concept et trouve le public pour l'accompagner. Le salon fut mis à profit par le nouveau conservateur pour attirer de nombreux libraires qui occuperont les immenses travées avec des ouvrages d'inégales valeurs. Certes, il y en avait pour tous les goûts, mais les contingences de fin d'exercice feront que plusieurs n'exposeront que leurs derniers stocks. Le livre électronique fera l'objet de deux communications de la part d'éditeurs qui mettront en exergue les prometteuses perspectives de cette forme d'édition. Car Ghéribi Abdelkrim, l'initiateur de cette manifestation qu'il portera à bout de bras, ne désespère pas de créer un réseau d'abonnés avec l'ensemble des bibliothèques universitaires de l'Oranie. Cette formule pourrait attirer d'autres utilisateurs parmi la nombreuse communauté enseignante qui, malgré un effectif de près de 800 membres, n'aura pas été au rendez-vous de cette chaleureuse et conviviale manifestation. Car il devient désespérant de constater combien la lecture reste marginale chez nos universitaires. Pourtant, ceux qui ont animé cette manifestation ne sont pas près de l'oublier. Et pour cause. Ils ont été triplement comblés à la fois par la qualité des conférences, l'engouement de centaines d'étudiants et les exposants qui n'auront pas hésité à remettre des livres en cadeau à l'ensemble des intervenants. Une clôture en apothéose qu'une frêle étudiante aura égayée par la lecture d'un surprenant poème dédié à Mohamed Benchehida ; l'enseignant assassiné le 18 octobre dernier, à qui ce salon avait été totalement dédié en guise d'hommage à une carrière studieuse, mais tragiquement écourtée par la bêtise de l'inculture humaine.