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Les derniers jours de Boumediène
Il a regné sur l'Algérie de 1965 à 1978
Publié dans El Watan le 27 - 12 - 2008

Jeudi 5 octobre 1978. Le temps est couvert sur Alger. Les rares passagers du vol régulier Alger-Moscou, prévu à 9h15, attendent tranquillement dans la salle d'embarquement lorsqu'ils aperçoivent trois limousines noires s'immobiliser devant la passerelle de l'avion.
De l'intérieur d'une des voitures s'extrait un homme emmitouflé dans son burnous brun avant de s'engouffrer dans l'appareil. Devant le cockpit, l'on a spécialement aménagé un petit coin pour permettre à cet homme de voyager confortablement. L'homme emmitouflé dans son burnous n'est autre que le président Houari Boumediène. Curieusement, on a dérogé au protocole qui sied à ce genre de cérémonie. Aucun ministre, aucun haut gradé de l'armée n'est venu saluer le départ du chef de l'Etat algérien. Hormis son entourage et une poignée d'officiels, personne ne devait savoir que Boumediène doit se rendre en URSS. Le secret doit être si bien gardé que les passagers qui devaient effectuer le voyage vers Moscou sont priés de rentrer chez eux. Seul un membre du gouvernement, Ahmed Taleb Ibrahimi, ministre conseiller auprès de la présidence de la République, médecin lui-même, fera partie de la délégation qui accompagnera le Président. Pourquoi s'entourer d'un maximum de prudence ? Pourquoi cultiver tant de cachotteries autour d'un voyage d'ordinaire plutôt banal ? A vrai dire, Houari Boumediène est malade. Depuis quelques semaines, son état de santé est devenu si préoccupant que les médecins du Président ont pris la décision de l'évacuer vers un hôpital russe. Pourtant, l'été 1978 s'annonce plutôt radieux pour Boumediène. Au cours du mois de juillet, il se rend avec son épouse Anissa en Yougoslavie pour y passer ses premières vraies vacances. Depuis son accession au pouvoir en juin 1965, le raïs ne s'est jamais vraiment offert une grande plage de repos. Certes, ce célibataire endurci, ce casanier qui adore la compagnie de ses amis et fidèles, notamment Chérif Belkacem, Ahmed Medeghri et Abdelaziz Bouteflika, s'est marié avec une avocate de père algérien et de mère suissesse, mais il a rarement pu profiter des joies de la vie conjugale tant il est pris par ses fonctions. Ami intime du chef de l'Etat yougoslave, Josip Broz Tito, Boumediène peut donc disposer en Yougoslavie des meilleures commodités qu'offre une luxueuse demeure dans une station balnéaire de la mer Méditerranée. La lecture, la baignade, le repos, la compagnie de son épouse, quoi de mieux pour remettre Boumediène d'aplomb. Mais voilà, en dépit du grand faste et des considérables égards dont il bénéficie lors de son séjour, le Président se sent mal. Il ressent de fortes douleurs au niveau de la tête, mais son entourage ne s'en inquiète pas outre mesure.
Boumediène incapable de gouverner
De retour de Yougoslavie, Boumediène reprend ses activités. Le 19 septembre, il reçoit le leader cubain, Fidel Castro, de passage à Alger avant de s'envoler à la fin du mois en Syrie pour prendre part au sommet des chefs d'Etat arabes. Malgré son état de fatigue, faisant fi des recommandations de son médecin, Boumediène ne veut, pour rien au monde, manquer cette importante réunion qui se tiendra à Damas. « Je tiens à être présent à ce moment. Rien ne pourra me faire changer d'avis », affirmera-t-il, en substance, à ceux qui lui demandent de ménager ses forces. Comme prévu, la conférence sera éreintante. Des heures interminables de discussions, de palabres, de débats et de rencontres en aparté épuisent Boumediène qui, pourtant, jouit d'une solide corpulence et dont les capacités de résistance au travail sont énormes. Une fois de plus, Boumediène se plaindra de temps à autre de ces satanés maux de tête qui l'empêchent de dormir. Sitôt la conférence achevée, Boumediène regagne Alger le 24 septembre. A l'aéroport, une délégation de hauts responsables l'attend au pied de l'avion. Curieusement, ni la télévision ni les journaux, d'habitude si prompts à rendre compte des moindres cérémonies officielles, se gardent de diffuser des images de cette cérémonie. L'absence d'images officielles ne soulève pas davantage d'interrogations, mais cela intrigue tout de même. Les jours passent et les douleurs deviennent de plus en plus insistantes, si bien que Boumediène est contraint de limiter les visites sur le terrain, les audiences ainsi que les entretiens avec les membres du gouvernement. Depuis l'été 1978, pas moins de quatre Conseils des ministres ont dû être successivement annulés sans que l'on en connaisse les raisons. De hauts dirigeants étrangers débarquent à Alger sans qu'ils puissent rencontrer Boumediène. Ami de longue date de Boumediène, le vice-Président du Vietnam, Nguyên Huu Tho, séjourne à Alger sans qu'il soit en mesure d'obtenir une entrevue avec le Président. Le mystère entoure le raïs. Bien sûr, tout cela intrigue tant que les chancelleries occidentales finissent par ébruiter l'information : Boumediène est dans l'incapacité de gouverner. Dans la capitale, les rumeurs se propagent et agrémentent les discussions du microcosme politico-médiatique. Chacun va de sa supputation. Boumediène aurait fait l'objet d'un empoisonnement lors de son séjour en Syrie. Le Mossad, services secrets israéliens, aurait intoxiqué le Président à l'aide de rayons déclenchés par le flash d'un appareil photo. Boumediène aurait fait l'objet d'une tentative d'un putsch, dont il serait sorti blessé. L'hebdomadaire britannique Sunday Express s'en fera l'écho le 14 octobre, en affirmant, grâce à une gorge chaude française, que le président algérien a fait l'objet d'un coup d'Etat fomenté par de jeunes officiers. Tout cela expliquerait-il donc sa disparition de la scène publique ? En réalité, Boumediène souffre d'une mystérieuse maladie. Après maintes analyses, ses médecins détectent enfin des traces de sang dans son urine et concluent à une hématurie, une infection qui se caractérise par la présence de sang dans les urines. Infection des reins ? Cancer du sang ? Les médecins demeurent perplexes. Pis, ils sont impuissants face au mal qui ronge Boumediène. Devant la persistance des douleurs, ses proches décident donc d'évacuer Boumediène vers Moscou. Pourquoi l'URSS plutôt que la France ou la Suisse, pourtant réputées pour leurs hôpitaux ultramodernes ? Le gouvernement algérien ne souhaite nullement que la maladie du Président soit rendue publique tellement il est vrai qu'une telle éventualité aurait des conséquences néfastes pour la stabilité de l'Algérie. Décision est ainsi prise de recourir à des soins dans un pays ami. Une fois l'accord des Soviétiques acquis, les vrais motifs du voyage devront rester dans la stricte confidentialité. Ce jeudi 5 octobre donc, Boumediène s'envole vers Moscou. Ce voyage sera l'ultime déplacement vers l'étranger. Contrairement aux usages, Boumediène refuse de se faire admettre dans une clinique spécialisée, où se font régulièrement soigner les apparatchiks soviétiques ainsi que les dirigeants des pays du tiers-monde, amis ou alliés de l'URSS. Il refuse même de recevoir les visites de ses collaborateurs. Les seules personnes qui ont le droit de l'approcher se comptent sur les doigts de la main. C'est le cas, notamment, d'Ahmed Taleb Ibrahimi. On ne saura jamais les raisons d'une telle prudence de la part de Boumediène. Sans doute l'explication se justifierait par sa légendaire méfiance acquise durant les années de guerre et cultivée plus tard lors de son exercice du pouvoir.
Un séjour et des interrogations
Le 15 octobre, soit dix jours après son évacuation, un communiqué officiel de l'Agence de presse algérienne rompt enfin le silence. Une dépêche de l'agence officielle, APS, expédie la nouvelle en quatre lignes : « Le président Boumediène a quitté Alger à destination de Moscou pour une visite de travail. » On l'aura bien compris : la diffusion de cette information est destinée à couper court aux rumeurs et aux spéculations qui n'ont pas manqué d'alimenter la gazette du palais. Le lendemain, lundi 16 octobre, Alger donne davantage d'explications sur le voyage du Président ainsi que sur ses prétendues activités. On évoquera alors des entretiens entre Boumediène, Leonid Brejnev, président de l'URSS, et Alekseï Kossyguine, son chef de la diplomatie. Tant à Alger qu'à Moscou, tout nage dans une parfaite quiétude. Les Russes pousseront même leur sens de l'hospitalité jusqu'à annoncer, le 19 octobre, que le président Boumediène accepte de prolonger son séjour en URSS. Décidément, ce séjour moscovite de Boumediène devient de plus en plus suspicieux. Les différentes analyses effectuées par les médecins russes donnent les premiers résultats : Boumediène serait atteint d'une cryoglobulinémie, c'est-à-dire une affection qui se caractérise par la présence dans le sang d'une protéine anormale. Hélas, les médecins évoqueront également une autre pathologie, nettement plus grave. Pour la première fois, le diagnostic sera encore plus précis. Boumediène souffre de la maladie de Waldenström, une infection très rare du sang, découverte par un chercheur suédois qui lui attribua son nom. Le mois d'octobre approche de sa fin. L'état de santé de Boumediène s'améliore. Il réclame auprès de lui son ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika. Les deux hommes doivent se concerter avant la tenue d'un important sommet arabe prévu dans la capitale irakienne. Fidèle parmi les fidèles de Boumediène, Bouteflika se rend donc à Moscou. L'ambassade d'Algérie à Moscou est assiégée par les reporters, tous venus à la pêche aux nouvelles. Mais alors qu'officiellement tout est fait pour accréditer la thèse d'un voyage d'affaires, un diplomate de la représentation algérienne va commettre la bourde de déflorer ce secret. Pressé par les journalistes de fournir de plus amples indications sur la présence de Boumediène en URSS, cet honorable diplomate lâchera devant les journalistes cette phrase : « L'état de santé du Président s'est beaucoup amélioré. » Jusqu'ici tenue secrète, la maladie de Boumediène devient un fait reconnu, une nouvelle admise officiellement. N'étant pas en mesure de prolonger longuement son séjour à Moscou, Bouteflika se rend directement à Baghdad pour assister à la conférence des chefs d'Etat arabes. Jusqu'à la dernière minute, les organisateurs ont attendu et espéré la présence de Boumediène, farouche défenseur des causes arabes, mais le raïs ne sera pas présent. Ce sera donc son ministre des Affaires étrangères qui présidera la délégation algérienne. Assailli de questions sur l'état de santé de Boumediène, Bouteflika est dès lors contraint d'admettre la réalité des faits avec des termes diplomatiques. « Le Président a seulement éprouvé le besoin de prendre du repos, car il était complètement exténué. Il n'avait pas pris un seul jour de congé depuis le 1er novembre 1954. Les médecins lui ont imposé un temps d'arrêt. Il reprendra incessamment ses activités », affirme-t-il. Des vacances en URSS en plein mois d'octobre ? Drôle d'endroit et encore plus, drôle de période pour des vacances. Bien sûr, à Baghdad, personne n'est dupe. Les diplomates arabes ont vite compris que Boumediène était malade. C'est d'autant plus vrai que quelques officiels syriens, ceux-là mêmes qui avaient accueilli le président algérien quelques jours plus tôt à Damas, ont perfidement laissé entendre, dans les couloirs des palaces de Baghdad, que Boumediène souffrait d'une maladie mystérieuse.
De grands frais pour soulager le président
A Moscou, le séjour de Boumediène commence à s'étirer. Devant l'incapacité des médecins russes à procurer des soins adéquats à l'illustre patient, l'entourage de Boumediène décide de rapatrier le Président. C'est ainsi que le 14 novembre, le quotidien El Moudjahid peut annoncer en grosse manchette : « Le président Boumediène est de retour à Alger ». Finis les ennuis de santé ? Loin de là… Affaibli et considérablement amaigri, Boumediène est contraint à un repos total. Malgré les soins intensifs qui lui seront prodigués, les douleurs persistent encore et encore. Elles seront tellement insupportables que ses apparitions publiques lui seront désormais prescrites. A l'aube du samedi 18 novembre, patatras ! Le Président est évacué d'urgence à l'hôpital Mustapha Bacha. Son cas est jugé grave. Très grave même. Boumediène plonge dans le coma. Aussitôt, l'hôpital d'Alger sera transformé en bunker. Les services de sécurité quadrillent les alentours et chaque entrée sera désormais filtrée et soumise à l'autorisation des cerbères de la sécurité militaire. Tout un quartier du vaste hôpital sera même entièrement réquisitionné. Sur une pancarte scotchée devant l'entrée de l'enceinte hospitalière, on peut lire « entrée interdite » et hormis les médecins et quelques officiels, nul n'est admis à y mettre les pieds. Progressivement, le gouvernement algérien met en branle une gigantesque opération médicale internationale. Rien ne sera trop beau ni trop cher pour soulager Boumediène de son mal. Des professeurs venus d'Europe, d'Amérique, d'Asie et d'Afrique débarquent dans la capitale algérienne pour se mettre au chevet du malade. Des appareils médicaux sophistiqués, au demeurant introuvables en Algérie, sont-ils nécessaires ? On les fera venir à grands frais. Les médecins éprouvent-ils des difficultés à embarquer vers Alger ? On affrétera l'avion présidentiel, un Mystère 20, pour les acheminer au chevet du Président. Des places manquent-elles pour loger tout cet aréopage de médecins ? Ils seront installés dans de luxueuses et confortables villas situées dans les quartiers chics de la capitale. Qu'importe le prix, des millions de dollars seront dépensés, pourvu que le Président puisse trouver une voie de guérison. Dans le pavillon réservé au patient, des dizaines de médecins de différentes nationalités se relayent aux côtés des professeurs algériens pour tenter de soulager Boumediène de son mal. Non loin de la salle où gît inconscient le Président, l'on a aménagé une chambre pour son épouse Anissa qui ne quittera presque plus l'hôpital. La fidèle, mais effacée, épouse veillera sur son mari comme une sorte d'ange gardien. Des journées durant, les médecins improvisent de véritables congrès médicaux internationaux dont l'objectif est aussi simple, tragique qu'impossible : faire revenir à la vie le président algérien. A quelques encablures de ces conclaves médicaux, se tiennent d'autres réunions, encore plus secrètes, moins informelles mais davantage décisives. Non loin de cet hôpital où agonise Boumediène, les membres du Conseil de la révolution algérienne, instance mise en place par Boumediène au lendemain du coup d'Etat de 1965, se concertent, se consultent et échafaudent des scénarios. Bien sûr, rien ne filtrera de ces conclaves secrets. Rien ne sera rendu public jusqu'à ce lundi 20 novembre où le Conseil de la révolution annonce publiquement « sa volonté d'assurer la direction du pays ». Bien que la vacance du pouvoir soit de fait assumée, personne n'osera prétendre officiellement à la succession de Boumediène. Mieux, personne n'osera admettre publiquement que le moment est venu pour parler de l'après-Boumediène. Les médias et les officiels appellent le peuple à la « vigilance ».
Les rumeurs circulent sur la mort de Boumediène
La population algérienne est invitée à se « montrer digne de l'épreuve que cruellement le destin lui a imposée, à faire montre de civisme et à faire confiance aux autorités du pays ». Les journaux ressassent inlassablement la même antienne : la mobilisation contre la réaction interne manipulée de l'étranger. Jeudi 23 novembre. Une semaine est déjà passée depuis son admission à l'hôpital. Boumediène est toujours dans le coma : « Paralysie des autres membres, inconscience totale, lésion possible à la base du cerveau ». Bien que le bulletin de santé soit plutôt critique, le gouvernement algérien refuse de s'avouer vaincu par la fatalité. D'éminents spécialistes continuent d'arriver à Alger. Le professeur Adams, neurologue américain de renommée mondiale, ainsi que le neurochirurgien anglais Crockart arrivent à la rescousse. Désormais, Alger devient la capitale de la médecine mondiale, dévouée à une seule cause, à un seul impératif : tout faire pour ramener Boumediène à la vie. Miracle. Le vendredi 24 novembre, celui-ci sort de son coma. Il est même en mesure d'esquisser quelques gestes. Il répond aux injonctions des médecins, ouvre les yeux et la bouche. Dès lors, l'espoir est permis. Le Président peut être sauvé, mais il faut faire encore plus. Quelqu'un suggère le nom du professeur Jan Gosta Waldenström. Le professeur Waldenström, médecin chef de l'hôpital de Malmö en Suède, est reconnu par ses pairs pour être le spécialiste le mieux habilité pour traiter les infections liées au sang. N'est-ce pas lui qui a découvert cette terrible maladie dont on en sort rarement vivant ? Contacté par les officiels algériens, Waldenström accepte de se rendre en Algérie. Il fera le voyage à Alger à bord de l'avion particulier du Président, ce fameux Mystère 20. La venue de Waldenström laisse présager un bon espoir. Arrivé à Alger, le professeur suédois est aussitôt conduit à l'hôpital où il s'entretient avec l'équipe médicale installée depuis quelques jours. Après de longs entretiens, il peut enfin regagner sa résidence, mise à sa disposition au niveau du Palais du gouvernement, une somptueuse demeure mauresque nichée au cœur d'Alger. Ce n'est que le lendemain que Waldenström peut enfin consulter son illustre patient. Son diagnostic ne tarde pas à tomber : Boumediène est atteint d'une très grave maladie, pour tout dire, incurable. Cette vérité, Waldentröm se garde de la divulguer aux journalistes étrangers. Secret médical, dit-il. Mais, cette vérité, il ne le cache pas aux rares officiels algériens qui seront autorisés à s'entretenir avec lui. Parmi les confidents du médecin suédois, le ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, ainsi que l'épouse du Président, Anissa. A Bouteflika, Waldenström tiendra le langage de la franchise et de la vérité. « Il n'y a rien à faire. Il faut attendre la mort », aurait-il déclaré. Le médecin de la dernière chance a donc délivré l'ultime message. Houari Boumediène n'a plus aucune chance de survie. Après avoir livré son diagnostic, Waldenström émet le vœu de repartir chez lui, en Suède. Plus rien ne pourra sauver ce patient que les officiels veulent absolument ramener à la vie. Mais les officiels algériens refusent de désespérer. Le diagnostic du professeur Waldenström n'étant pas une vérité absolue, il faudra donc tout tenter pour que le miracle puisse avoir lieu. Aussi, on fait appel à l'expertise et à la logistique des Américains. Aussitôt sollicité, le président Jimmy Carter fait montre de sa disponibilité et met à la disposition de l'Algérie un scanner dépêché directement de Californie. Le précieux matériel arrivera à l'aéroport d'Alger au moment même où le Mystère 20 de la Présidence algérienne s'apprête à décoller avec à son bord le professeur Waldenström. Impuissant devant l'inéluctabilité de la mort, celui-ci avouera plus tard à un journaliste de Paris Match les raisons de son départ précipité. « Je n'ai plus rien à faire », dira-t-il. Le 28 novembre, Boumediène sombre de nouveau dans un coma irréversible. Il n'y a presque plus d'espoir parmi la cinquantaine de médecins qui se relayent jour et nuit autour du corps inanimé de Boumediène. En dépit des renforts de matériel sophistiqué, malgré les multiples soins prodigués au patient, son état demeure désespérément critique. Il perd du poids à vue d'œil. Cet homme longiligne et légèrement grassouillet ne pèse aujourd'hui qu'une quarantaine de kilos. Dernière semaine de décembre. Les officiels décident de préparer l'opinion au pire. La presse évoque « la fatalité », comme pour signifier que Boumediène ne sortira plus jamais vivant de la salle d'hôpital où il gît depuis le 18 novembre. Mercredi 27 décembre, l'information tombe comme un couperet. Le président Houari Boumediène est mort. Le Conseil de la révolution entre en réunion permanente. Objectif : organiser les obsèques de Houari Boumediène dans le calme et la sérénité. Avant de passer aux choses sérieuses. Vendredi 29 décembre. Au cimetière d'El Alia, une brochette de ministres, de hauts gradés de l'armée et de grands dirigeants du pays est alignée en rangs d'oignons face au cercueil du défunt. Dans un silence de cathédrale, tous arborent des visages de cire. Habillé d'un manteau noir, Abdelaziz Bouteflika, le ministre des Affaires étrangères, fidèle parmi les fidèles, fait la lecture de l'oraison funèbre. Moins de deux heures plus tard, la cérémonie s'achèvera tandis que commencera la vraie bataille pour la succession de Houari Boumediène.
NB : Le présent article a été publié dans El Watan du 9 décembre 2007.


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