Si on évoque Eugène Sheer, né en 1855 de parents alsaciens dans ce village paisible de Birkhadem, ce n'est pas pour glorifier la colonisation. Au contraire, c'est pour déceler certaines ressemblances entre les peuples qui ont tendance à effacer les frontières que les gouvernements établissent chaque jour. Fuyant la machine de guerre prussienne, les parents d'Eugène Scheer ont certainement chanté haut et fort à l'instar de milliers d'Alsaciens : « Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine ! » C'est dans ce contexte encourageant les hommes à rejeter l'occupation (entendue au sens de la domination) qu'un peuple exalté voudrait l'exercer sur un autre peuple, qu'est né puis a grandi Jean Eugène qui deviendra en l'espace de quelques années, inspecteur général des écoles indigènes. Cette fonction lui a valu tant de respect au point que beaucoup d'Algériens le nommèrent « Sidi Scheer ». D'après un document transmis par Mme F.Poyetton, une arrière-petite-fille, E. Scheer, frequenta l'Ecole normale de Bouzaréa entre 1871 et 1874 pour devenir instituteur avec un brevet d'arabe en poche. Il fut nommé titulaire à Fort National où il exerça comme instituteur, secrétaire de mairie, géomètre et architecte. En 1879, avec l'arrivée de Jules Ferry au ministère de l'Instruction publique, il fut chargé de l'organisation des écoles de Kabylie. Ses connaissances en géographie et surtout en matière de mœurs locales, lui permirent de négocier l'achat d'un terrain pour construire une école. Il se chargea de la formation des maîtres, puis de la mise au point d'une méthode de lecture et d'écriture adaptée aux enfants algériens scolarisés. En 1884, il fut nommé inspecteur générale des écoles indigènes. En rentrant d'une harassante tournée d'inspection effectuée au Sahara, il fut victime d'un accident cérébral à la suite d'une insolation. Il rendit l'âme à 37 ans dans son domicile sis 21, rue Rigodit (Belcourt), le 13 janvier 1893. Il a été inhumé au cimetière chrétien de Birkhadem. On a appris récemment que des agents de la mairie ont procédé au désherbage du cimetière. Un bénévole appelé Mustapha, s'est joint à eux pour nettoyer la tombe, la stèle et une plaque où fut gravé un poème. Paraphrasant Hugo, un semeur au geste auguste, qui a lancé la graine au loin, mérite bien que sa tombe soit fleurie. C'est ce qu'ont fait ces agents aidés par Mustapha qui garde encore certaines règles d'orthographe apprises à l'école. En dehors de toue considération subjective, nous ne pouvons que rejoindre André Maurois qui disait : « Après tout, il n'y a qu'une race : l'Humanité. Le grand homme lui-même, n'est différent de nous que par ses dimensions, non par essence, et c'est pourquoi les grandes vies sont intéressantes pour tous les hommes. »