La politique a plusieurs définitions. Pour certains, elle est l'art de gouverner ; pour d'autres, moins positifs, c'est l'art de faire croire. En Algérie, on est dans ce deuxième cas de figure. Après s'être taillé, le 12 novembre dernier, une Constitution sur mesure et répondant à sa volonté de briguer un troisième mandat, le président Bouteflika essaie de crédibiliser un scrutin que l'on sait depuis très longtemps hermétiquement fermé. Dans un communiqué rendu public avant-hier à l'issue de l'installation de la Commission nationale chargée de la préparation et de l'organisation de la prochaine élection présidentielle, il est indiqué que « le chef de l'Etat accorde une haute importance à la transparence, à la régularité et à la loyauté des élections ». Et c'est « sur ses directives que le gouvernement a introduit une demande d'envoi d'observateurs internationaux auprès de quatre organisations internationales et régionales dont l'Algérie fait partie, à savoir l'Organisation des Nations unies, l'organisation de la Conférence islamique, la Ligue des Etats arabes et l'Union africaine ». Le ministre des Affaires étrangères a déjà engagé cette démarche, nous apprend également la même source. Pourquoi a-t-on décidé, à ce moment précis, de faire appel à des observateurs internationaux en excluant évidemment ceux de l'Union européenne qui, pourtant, étaient présents lors de l'élection présidentielle d'avril 2004 ? En d'autres temps, la question aurait suscité beaucoup d'intérêt, sinon un débat national sur la mission qu'auront à accomplir des observateurs étrangers dans une élection aussi importante que celle qui aura lieu fin mars ou début avril prochains. Mais force est de constater que le sujet n'intéresse plus personne tant le rendez-vous dont il est question ne présente plus aucun enjeu, car le nom du prochain président algérien est déjà connu de tous. La révision de la Loi fondamentale du pays, à moins de cinq mois des élections, rien que pour supprimer la disposition qui limitait le nombre de mandats présidentiels à deux, garantissant le principe d'alternance au pouvoir, a tué les dernières illusions qu'a procurées aux Algériens l'ouverture démocratique de 1989. La démarche cocasse qu'a eu à entreprendre le pouvoir, en sautant le verrou constitutionnel qui empêchait le chef de l'Etat de briguer un troisième mandat, a fait entrer la classe politique dans un cycle de glaciation qui a refroidi les plus téméraires des politiques qui ont naïvement cru, un certain moment, que le système possédait encore quelques vertus qui le disposeraient à consacrer l'alternance. La trituration de la Constitution pour servir les ambitions de pouvoir a produit déjà ses effets. Hormis quelques « candidats de service », des lièvres qui devraient fadement garnir la prochaine parodie électorale, aucun présidentiable n'a pointé le nez. Tout le monde aura compris que le scrutin est cousu de fil blanc. Il y a lieu, en effet, de faire son deuil de la désormais absurde expérience démocratique algérienne. La récréation est terminée et nul n'en est dupe pour croire au contraire. Seulement, le système ne veut pas s'accommoder de cette image que lui renvoie sa propre déchéance. Dans une ultime tentative de faire croire que le jeu est ouvert, il fait appel à des observateurs internationaux. La décision est plutôt habile, le système veut courir deux lièvres à la fois. D'un côté, faire semblant de prendre à témoin la communauté internationale et, par ce geste, lui faire admettre que l'élection n'est pas si fermée que le laissent penser la révision constitutionnelle et le verrouillage des champs politique et médiatique. D'un autre côté, donner l'illusion qu'il est prêt à accéder aux revendications et aux doléances de l'opposition. Mais le système politique algérien a abattu toutes ses cartes ; il ne peut plus jouer sur l'illusion. Le jeu est tellement clair qu'à défaut d'une opposition structurée, le pouvoir risque de faire face au « grand opposant » qu'est l'abstention.