M Garang et El Béchir ont écouté côte à côte l'hymne national soudanais, pour la première fois depuis l'arrivée au pouvoir du président soudanais en 1989. Voilà donc le côté inédit ou conséquence directe de la cérémonie de signature hier à Nairobi de l'accord devant mettre fin au conflit du Sud-Soudan. Effectivement, l'accord de paix final dans cette région a été signé entre le vice-président soudanais Ali Osman Taha et John Garang, chef de la rébellion sudiste de l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), mettant un terme au plus long conflit en Afrique. MM. Taha et Garang, qui avaient longuement négocié cet accord pendant des mois d'entretiens à Naivasha, près de Nairobi, l'ont finalement signé au cours d'une cérémonie officielle, devant une vingtaine de chefs d'Etat et de gouvernement africains dont le président Abdelaziz Bouteflika et de représentants de la communauté internationale, dont le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell qui effectuait hier certainement son dernier voyage en tant que secrétaire d'Etat américain. La cérémonie avait rassemblé quelque 5000 spectateurs dans un des deux grands stades de Nairobi, le Nyayo Stadium, proche du centre-ville. L'accord a été contresigné par le président kényan Mwai Kibaki et son homologue ougandais Yoweri Museveni, président de l'Autorité régionale intergouvernementale de développement (IGAD), le rassemblement de sept pays qui a organisé la médiation dans le processus de paix, a-t-on constaté. MM. Kibaki et Museveni ont signé en tant que « témoins », selon le programme officiel de la cérémonie. M. Powell a signé, lui aussi, les documents avec d'autres témoins de l'accord, notamment le vice-président de la Commission de l'Union africaine (UA), Patrick Mazimhaka, le ministre luxembourgeois de la Coopération et du Développement, Charles Goerens, au nom de l'Union européenne, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, et Jan Pronk, l'envoyé spécial de l'ONU au Soudan. Le secrétaire au Développement international, Hilary Benn, a signé au nom de la Grande-Bretagne et Hilda Johnson, ministre de la Coopération internationale, au nom de la Norvège. L'accord de Nairobi met fin à un conflit vieux de 21 ans, le plus ancien en cours en Afrique. Champ d'expérience La guerre, qui a éclaté en 1983 quand l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), issue du Sud à majorité chrétienne et animiste, s'est rebellée contre le Nord arabo-musulman, a fait au moins 1,5 million de morts et 4 millions de déplacés. A cette époque, John Garang était colonel de l'Armée régulière soudanaise, et chef de son état-major. Son acte tout comme les raisons qui lui sont liées allaient plonger le pays dans une situation inextricable faisant surtout les affaires des puissances extra-africaines et même d'ONG qui ont fait de ce pays un vaste champ d'expérience. La bêtise humaine caractérisée par la fascination du pouvoir et conséquemment les moyens les plus condamnables parce que préjudiciables à l'Etat et à la nation allait aggraver cet état de fait. C'est pourquoi, un immense fossé a fini par séparer le nord du sud qui peut légalement cette fois faire sécession, c'est-à-dire qu'après la période d'autonomie, il a le droit de proclamer son indépendance. Mais cet accord ne ramène pas encore la paix dans l'ensemble du Soudan, où un autre conflit a éclaté en février 2003 dans le Darfour (ouest), faisant plus 70 000 morts et 1,6 million de déplacés. La paix dans le Sud est toutefois considérée comme un préalable indispensable à l'avancée des négociations entre Khartoum et les groupes rebelles du Darfour. Des pressions sont actuellement exercées sur les parties en conflit pour les amener à prévenir une catastrophe humanitaire. L'expression est du secrétaire général de l'ONU après avoir visité la région du Darfour à la fin du printemps dernier. En outre, et là les spécialistes sont unanimes, le Soudan par son étendue et sans être un cas à part, révèle à lui tout seul toute l'urgence à le traiter, parce que le risque de le voir déborder de ses frontières initiales est bien réel. Mais pour l'Union africaine (UA) et la communauté internationale, cela fait quand même un conflit en moins pour un continent malade de ses guerres et autres calamités.